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Afrique

Soudan : des milliers de manifestants rassemblés devant le siège de l’armée

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Manifestation à Khartoum pour exiger le départ du président el-Béchir, le 6 avril.

C'est la plus importante manifestation au Soudan qui s’est tenue, samedi 6 avril, quatre mois après le début de la contestation contre le président Omar el-Béchir. Pour la deuxième journée consécutive, des milliers de Soudanais se sont rassemblés, dimanche 7 avril, devant le siège de l'armée soudanaise, certains y ont d'ailleurs passé la nuit. Les forces de sécurité ont essayé de les déloger, mais malgré les tirs de gaz lacrymogènes, les manifestants soudanais ont tenu bon.

Les manifestants restaient mobilisés ce dimanche soir. Sur des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, on voit une foule, chantant, une marée de téléphones portables levés dans l'obscurité. Une foule bien déterminée, semble-t-il, à passer sa deuxième nuit sur place.

Pour l'Association des professionnels soudanais - à l'origine des premières manifestations contre les hausses du prix du pain - comme pour l'opposition soudanaise, c'est déjà un pari réussi. « Ces manifestations ont résonné aux oreilles d’Omar el-Béchir et celles de l’armée soudanaise, voire des autres services de sécurité qui répriment les manifestants et les manifestations », a déclaré le porte-parole de l'association.

L'intention était de déplacer les foules et d'occuper enfin l'une des places de la ville - et pas n'importe laquelle - celle où se trouve le quartier général de l'armée mais aussi le ministère de la Défense ou encore un compound ultra-sécurisé où loge parfois le président Béchir.

L'objectif, c'est de rester jusqu'au départ du chef de l'Etat soudanais au pouvoir depuis 1989. C'est ce que disent les manifestants à nos confrères de l'Agence France presse.

L'écrivain Faisal Saleh était présent, samedi, et selon lui, cela a dépassé de loin leur espérance.

« Je pense que cette manifestation a dépassé tout ce qui avait été prévu par les organisateurs. Ce grand cortège et toutes ces voitures qui sont partis vers le ministère de la Défense, c’est du jamais vu ici. Pour moi, c’est sans précédent depuis que les manifestations ont commencé, il y a 3 ou 4 mois. Ils étaient des milliers et des milliers les manifestants et même si j’ai parcouru plusieurs rues et avenues, c’est difficile de donner un nombre précis. Il faut dire qu’au début du cortège, la police avait placé des obstacles et elle a essayé d’empêcher les gens d’avancer mais comme ils étaient si nombreux, ils ont réussi à passer et surtout à arriver jusqu’au ministère de la Défense. Pendant le parcours, il y a eu quelques moments de forte tension entre les policiers et les manifestants mais au final, je pense que les manifestants ont réussi à délivrer leur message à l’armée, qu’ils ne veulent pas que ce régime reste en place », rapporte-t-il.

La police anti-émeute a tenté de disperser la foule en tirant des gaz lacrymogènes, tandis que des contestataires ont lancé des pierres en direction des forces de sécurité.

Il y a eu, par ailleurs, un mort dans une autre manifestation, à Omdourman, ville voisine de Khartoum. Cela porte le bilan à 32 morts, selon les autorités. L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch fait état d’au moins 51 morts.

Un renvoi à d’autres situations

Ce regain de mobilisation s'inscrit sans doute dans un contexte de changement, notamment en Algérie, analyse Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS.

« Elle [la grande manifestation de samedi] est sans précédent, d’abord parce qu’un état de siège a été décrété depuis le 22 février et que, malgré la répression qui s’en est suivie sur tous les moyens d’information et les arrestations préventives, les manifestants ont réussi à se retrouver devant le siège des forces armées - qui est un lieu tout à fait politiquement symbolique et très fort - et en très grand nombre. J’ajouterai également que cette manifestation à Karthoum est sans précédent parce qu’elle a été accompagnée d’autres manifestations dans des villes importantes du Soudan, pas simplement dans la capitale », souligne Roland Marchal.

« Il est vrai que l’armée est intervenue avec les Forces de sécurité mais il est vrai aussi qu’on a un peu l’impression - et cela renvoie à d’autres situations au Maghreb notamment et en Algérie précisément en ce moment - qu’il y a un certain flottement peut-être de la troupe plus que des officiers. Je crois également qu’il faut souligner le fait que ces manifestations ne sont pas les premières, c’est  à dire qu’il y a eu une accumulation de connaissances sur comment réagissaient les forces de l’ordre, sur comment arriver à se dissimuler pour avancer  et que les manifestants en ont fait un usage particulièrement remarquable lors de cette journée », ajoute-t-il.



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