Nouvelle matinée de violences à N'Djamena, où les forces de sécurité tchadiennes ont tiré samedi des grenades lacrymogènes pour disperser des manifestants rassemblés dans la capitale afin de protester contre la prise du pouvoir de l'armée après la mort du président Idriss Déby le mois dernier. Plusieurs blessés sont à déplorer.
La police tchadienne a dispersé à coups de gaz lacrymogène quelques manifestations sporadiques de dizaines de personnes, samedi 8 mai à N'Djamena au Tchad, à l'appel de l'opposition et de la société civile contre la junte qui a pris le pouvoir après la mort du président Idriss Déby Itno le mois dernier.
Les autorités militaires avaient interdit la veille les rassemblements prévus par Wakit Tamma, une coalition de partis d'opposition et de représentants de la société civile, qui avait appelé à manifester contre le Conseil militaire de transition (CMT), dirigé par le fils d'Idriss Déby, Mahamat Idriss Déby, qui concentre presque tous les pouvoirs.
Malgré l'interdiction, des manifestants sont descendus dans les rues de N'Djamena samedi matin, certains brandissant des banderoles ou des pancartes dénonçant l'instauration d'une "monarchie" au Tchad. Dans le 6e arrondissement de N'Djamena, dans le sud de la capitale, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser une tentative de rassemblement sur la place First Africa. Les forces de l'ordre sont massivement déployées dans les rues de la capitale.
"La police nous a empêchés de manifester", a dit Real Mianrounga, un représentant de la société civile, affirmant avoir été blessé dans une charge de la police contre une tentative de rassemblement dans le centre de la capitale. "Ceux qui ont résisté ont été violemment réprimandés par la police. Il y a eu des blessés", a-t-il ajouté.
Un petit groupe de manifestants a brûlé des drapeaux français, dans le 5e arrondissement, dans le nord de la capitale.
La France dans le viseur de l'opposition
La France est accusée par une partie de l'opposition de soutenir le nouveau pouvoir dans son ancienne colonie depuis que le président Emmanuel Macron s’est rendu le 23 avril à N'Djamena pour rencontrer les nouvelles autorités à l'occasion des funérailles d'Idriss Déby, décédé quatre jours plus tôt dans des combats contre des rebelles.
Seul chef d'État occidental à avoir fait le déplacement, Emmanuel Macron était assis aux côtés de Mahamat Idriss Itno. Il avait alors assuré que "la France ne laissera(it) jamais personne remettre en cause, ne laissera(it) jamais personne menacer ni aujourd'hui ni demain la stabilité et l'intégrité du Tchad".
Quatre jours plus tard, Emmanuel Macron s'est toutefois dit "pour une transition pacifique démocratique inclusive (et) pas pour un plan de succession", tout en condamnant "avec la plus grande fermeté" la répression de manifestations.
Quatre jour plus tard, le 27 avril, six personnes ont été tuées à N'Djamena et dans le sud du Tchad, selon les autorités, neuf selon une ONG locale, au cours de manifestations, interdites par les autorités, à l'appel de l'opposition et de la société civile. Plus de 600 personnes ont été arrêtées.
Depuis la mort du président Déby, Mahamat Idriss Déby a dissous l'Assemblée nationale et s'est arrogé le titre de président de la République. Le nouvel homme fort du pays est entouré de 14 généraux, tous fidèles à son père.
La junte a constitué dimanche 2 mai par décret un gouvernement de transition composé de 40 ministres et secrétaires d'État. Les postes régaliens sont presque tous aux mains de membres du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti d'Idriss Déby.
Deux membres du parti de l'opposant historique au maréchal Déby, Saleh Kebzabo, ont fait leur entrée dans le gouvernement de transition. Le parti de M. Kebzabo s'est depuis retiré de la coalition d'opposition Wakit Tamma.
Même si l'armée s'est engagée à organiser des élections dans un délai de 18 mois, les opposants dénoncent la prise en charge de la transition par les militaires, qu'ils assimilent à un coup d'Etat perpétuant les 30 années au pouvoir d'Idriss Déby.
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