
L'universitaire sénégalais Bakary Sambe, spécialiste du militantisme islamique et des réseaux transnationaux, a déclaré vendredi à l’APS que la prédisposition d’Ançar Dine à un dialogue avec le gouvernement malien relève ‘’sûrement’’ d’une stratégie consistant à ‘’gagner du temps’’, plutôt que d’une réelle volonté de trouver une issue politique à la crise qui sévit au Nord-Mali.
‘’Cette prédisposition au dialogue
relève sûrement d’une certaine stratégie de l’organisation d’Iyad Ag Ali
qui, dans les circonstances actuelles, a tout intérêt à faire profil
bas pour éviter le massacre de ses hommes et surtout à gagner du
temps’’, a indiqué M. Sambe, enseignant-chercheur à l'UFR
Civilisations, Religions, Arts et Communication (CRAC) de l'Université
Gaston Berger de Saint-Louis.
Des discussions doivent s'ouvrir lundi à Bamako, entre d’une part Ançar
Dine et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et,
d’autre part, le gouvernement malien.
Ces discussions sont destinées à trouver une solution politique à cette
crise, même si l’option d’une intervention militaire est envisagée, sous
l’égide de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO), contre Aqmi et le Mouvement pour l’Unicité du Jihad en Afrique
de l’Ouest (MUJAO), deux autres groupes présents dans la partie Nord
occupée.
‘’A mon avis, ce mouvement (Ançar Dine) n’a pas encore apporté toutes
les preuves concrètes de sa reconversion à l’idéal démocratique. Je
reste persuadé que la rupture n’est pas encore nette entre Ançar Dine,
Aqmi et les éléments du MUJAO’’, a ajouté Bakary Sambe.
Au sujet des concertations annoncées à Bamako, Sambe rappelle qu’il y a
eu de récentes négociations à Ouagadougou (Burkina Faso), signalant que
les chancelleries occidentales restent toutes attentives à la tenue
annoncée de discussions à partir du 26 novembre ‘’après une semaine
riche en annonces notamment sur les préparatifs tous azimuts de
l’intervention militaire’’.
Toutefois, relève le chercheur, ‘’tout semble remis en cause’’ par une
la nouvelle donne inaugurée par les affrontements entre le MNLA et le
MUJAO pour le contrôle de la ville de Ménaka, expliquant ainsi que,
Ançar Dine – ‘’en tout cas ses composantes touareg’’ - se rapproche plus
facilement du MNLA qui affiche de plus en plus de distance par rapport
aux mouvances islamistes et djihadistes.
Bakary Sambe a replacé l’initiative de concertations nationales dans un
contexte où l’Union européenne a posé des conditions pour une aide
européenne à toute opération visant la restauration de l’intégrité
territoriale du Mali, parmi lesquelles la mise en place ‘’dans les
meilleurs délais’’ d’un cadre de dialogue national ‘’ouvert’’ avec
toutes les forces du pays, et notamment avec les ‘’groupes armés, non
terroristes, qui reconnaissent l’intégrité du territoire malien’’.
Le professeur Oumar Kanouté, président de la commission nationale
d’organisation de cette concertation, a expliqué que ces ‘’assises
nationales’’ n’ont d’autre objectif que de ‘’trouver des solutions aux
crises sécuritaire et institutionnelle affectant le Mali’’.
‘’’Mais on peut assurément dire que c’est un tournant important dans la
vision qu’ont les différents acteurs de l’issue du conflit’’, a indiqué
Bakary Sambe, rappelant que pour certains observateurs, d’un point de
vue tactique, le dialogue avec le MNLA et Ançar Dine ‘’n’est pas du tout
inutile, laissant plus de temps pour mieux préparer une éventuelle
intervention si l’option politique restait sans issue’’.
Il a ajouté : ‘’En d’autres termes si les éléments d’Ançar Dine et du
MNLA tiennent parole en se démarquant nettement des actions terroristes
et militaires, c’est déjà un gain substantiel. Cela aura l’avantage de
permettre une claire distinction entre ceux avec qui on peut négocier et
ceux contre qui la force pourrait être utilisée’’.
Dans tous les cas, conclut le chercheur, ‘’l’avenir du Mali est encore
incertain. On ne sait pas encore ce que vise l’option du MNLA pour
l’autodétermination. Et même en termes de prospective, l’après-conflit
au Nord-Mali comporte bien des incertitudes surtout si cette libération
comportait des clauses compromettantes quant à la viabilité de l’entité
politique malienne’’.
‘’Mais, il n’y a aucun doute sur l’urgence de l’extirpation des
terroristes et des narcotrafiquants de la vaste région du Sahel et je
reste persuadé que cela ne se fera que par la force’’, soutient-il.
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