L’honneur, c’est comme les allumettes,
ça ne sert qu’une fois
Marcel Pagnol
Ses anciens camarades du collège Saint-Gabriel le savent, Idrissa Seck est né avec l’ambition de gouverner attachée au cou. Il savait déjà ce qu’il voulait, être président. C’est son grand avantage. Toute sa vie durant, il a mis tous ses moyens au service de cette seule ambition. Elle lui a permis d’endurer les avanies de la politique. Mais c’est aussi son défaut. En politique, on ne dit jamais où l’on veut aller. « I wanna be a president » a été son erreur de jeunesse, celle qui lui a attiré les quolibets de ses frères ennemis. C’est à cause de ces ambitions déclarées qu’on l’accuse de tous les coups d’Etat, rampant ou droit debout. Dans le monde de la politique, comme un peu partout dans la vie, il n’est pas toujours bon d’être devant. On devient la cible de ceux qui sont derrière. Il se prenait pour le « fils » adoubé, l’homme « pressé », et il s’est fait crucifier pour avoir fait état de ses « volontés ». Un an après le terrible fratricide, l’assassinat politique que l’on croyait le plus intelligemment mené contre le fils ambitieux, depuis le fameux « je ne peux plus travailler avec cet homme », a débouché sur une résurrection inattendue. Il revient pour un duel. Un combat d’homme !
Evidemment, pour défier un caïd de la politique comme Abdoulaye Wade, qui a cinquante ans de combat politique sur les épaules, il faut y avoir réfléchi par trois fois. Il se croit trop au dessus, maître Wade. « Je n’ai pas d’adversaire, vous savez que je vais gagner les élections », disait-il à ses sentinelles bleues, qui venaient de l’investir « candidat ». C’est pourquoi, il faut comprendre son air suffisant et condescendant, quand on lui a demandé si Idrissa Seck, qu’il a « créé » de toute pièce, pourrait se présenter contre lui. Ce n’est pas qu’il ne croit pas cette candidature possible. C’est la réaction de n’importe quel chef de gang, à qui on déclare qu’un de ses lieutenants pourrait un jour le défier. La réponse est toujours non, même si tout finit inévitablement dans un bain de sang.
La confrontation tant redoutée est donc devenue incontournable. Pas que personne n’y ait cru. Il était difficile de penser qu’Idrissa Seck, après avoir pompeusement fait sa déclaration du 4 avril, pouvait ravaler ses propres mots. Mais quand Wade et son camp, qui avaient déjà dit « jamais », ont commencé à penser « toujours », tout le monde s’est mis à rêver, sans vraiment y croire. Il est candidat depuis sa naissance, Seck. C’est ce qui fait de lui un « ambitieux ». Mais on pensait à une succession pacifique. Celle qui ferait que Wade, dans une dernière sortie à
Le président de
Le 29 avril 2004, le désormais ancien Premier ministre promettait pourtant à des amis de ne jamais quitter la maison mère, celle dans laquelle il réclame encore « des actions ». « Même si on me donne un petit matelas, quelles que soient les tracasseries, je resterai. Mais quand la maison sera laissée en héritage, j’en serai le premier acquéreur ». Il ne savait certainement pas que ses frères libéraux iraient aussi loin. Ils l’ont crucifié et laissé pour mort.
C’est pourquoi, il faut nuancer ce qui parait comme un défaut, chez ce monsieur. On sait presque toujours où il va. Mais on ne sait jamais quand et comment. Les hommes de son réseau dormant se dévoilent, au gré des voyages. Il y a déjà Mama Daabo, et il faut croire qu’il y en aura encore d’autres. C’est ce qui le rend nuisible, et c’est ce qui plonge ses adversaires dans une sorte d’hébètement dû à la surprise. Tous ceux qui criaient qu’ils ont quelque chose dans la culotte sont devenus muets, à l’exception notoire de ceux qui ont sans doute le moins leur avenir en jeu, Doudou Wade et Abdou Fall. On entend plus les cabris. Depuis six mois, le président de
Maître Abdoulaye Wade, qui n’est pas un enfant de cœur, a, le premier, compris qu’il vaut mieux se prémunir contre le mauvais esprit, plutôt que d’essayer de l’abattre. Il prie maintenant dans sa grotte, pour qu’ils se retrouvent ensemble au deuxième tour. C’est l’adversaire de ses rêves, Idrissa Seck. « Ah, je connais Niasse et Bathily, ils ne vont jamais le soutenir. Tanor n’osera pas. Alors que si je me retrouve avec Niasse, je sais que ce connard ne va jamais appeler à voter pour moi ». Il a le flair animal, maître Wade. Son nez ne le trompe jamais. Ca semble paradoxal, tout ça, mais c’est le propre de la politique. La carte d’électeur, comme l’argent, n’a pas d’odeur.
Ca ne rend pas pour autant la tâche facile au candidat qui a décidé de donner à son parti le nom surprenant de « Rewmi ». Comme si, dans un dernier élan effronté, il voulait disputer à Wade le titre de « Njiitu reewmi ».
Monsieur « Secksy » est souvent trop guindé, pour voir ce qui se passe autour de lui. Il a pourtant beaucoup à dire, sur sa part de responsabilité dans la gestion désastreuse de ce pays. Et il en a certainement, de la responsabilité. Il doit prouver que son envergure politique dépasse largement le petit microcosme thiessois, et qu’il a une implantation nationale. Mais son défi premier sera sa sécurité. Pour certains, dans le camp d’en face, c’est une question de vie ou de mort. Au moment où il se rendait à Ziguinchor, Clédor Sène, le chef de bande assassin de Me Babacar Sèye, a fait un accident grave à Keur Ayib, en allant en Casamance. C’est une coïncidence bizarre… C’est, pas loin de là, qu’il avait été arrêté en mai 1993, pour être accusé du meurtre de l’ancien vice-président du Conseil constitutionnel. Le commanditaire est au galop.
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