Lorsque les aspirations d’un peuple coïncident avec les intentions de ses dirigeants, toutes les conditions sont réunies pour initier des ruptures structurantes. Le referendum du 20 mars dernier offre ainsi l’occasion historique au Président Macky Sall d’adopter cette posture et de nous engager dans cette voie. En effet, malgré le manque d’intérêt des populations, la très médiocre qualité de la campagne et la chétive victoire du Oui, cette consultation citoyenne peut avoir quelque chose de pédagogique. Car à quelque chose malheur est bon. Et la pire des ignorances, c’est celle qui s’ignore ou que l’on veut imposer comme vérité. En régime démocratique, c’est la source de tous les abus. En l’occurrence, il s’est d’abord agi des longues tergiversations du Président Sall (4 ans), sans jamais expliquer à la majorité (illettrée) des citoyens ni la lettre ni l’esprit du texte soumis au referendum.
C’est précisément cette ambiguïté délibérément entretenue qui a suscité et installé au cœur de la campagne référendaire un gros et grossier débat sur l’homosexualité. Du reste, si une question aussi dérisoire et inessentielle est la préoccupation centrale de ceux qui sont censés nous gouverner, c’est qu’ils ne tiennent plus le gouvernail. Et que nous-mêmes en tant que peuple, n’avons plus ni repère ni recours : notre «Gaal» est en train de chavirer et dériver vers les rochers de la perversion et de la déperdition. Le scrutin lui-même a été perverti en une élection, une compétition personnalisée jusqu’au nombrilisme, suivant une démarche purement manichéenne. C’est ainsi que Pouvoir et Opposition, bien au-delà des positions partisanes, ont développé des réflexes plutôt communautaristes et identitaires, nécessairement porteurs de violences de toutes sortes.
C’est pour cette raison que dans les deux camps, les discours de campagne n’étaient audibles qu’à l’intérieur de ces deux univers clos et cloisonnés ; qui se sont parlé sans s’entendre se sont côtoyés sans se toucher. Sans s’apercevoir non plus, que ce qui les réunit et les divise si radicalement (le referendum), est perçu par la majorité des Sénégalais comme une inanité qui ne mérite aucune attention de leur part. Si bien que finalement, le pouvoir n’a aucune raison de pavoiser pour une si maigre «victoire», ni l’opposition d’être fière d’avoir si légèrement bousculé le pouvoir.
Tous doivent prendre conscience que le peuple, que tout le monde prétend défendre, sait désormais assurer sa propre défense : en observant entre deux élections, la conduite ou l’inconduite de tous ces soupirants. Et le cas échéant, les sanctionner positivement ou négativement. C’est que de plus en plus aujourd’hui, y compris au sein même des partis politiques, les Sénégalais se comportent plus en citoyens qu’en militants électeurs. Acteurs et non plus spectateurs de la démocratie, leur comportement est de plus déroutant pour nos politiques. Les cas les plus illustratifs sont ceux de Bamba Fall à la Médina, Khalifa Sall à Grand-Yoff, Malick Gackou à Guédiawaye, Aïssata Tall Sall à Podor, Abdoulaye Baldé à Ziguinchor etc. Les mêmes citoyens qui les avaient plébiscités en 2009, les ont défaits cette fois-ci. En toute connaissance de cause. En définitive, maintenant que cette chose que l’on nomme referendum est derrière nous, le Président Macky Sall a l’occasion historique de hisser la volonté de rupture qu’il proclame depuis le début de son mandat, au niveau d’une véritable Révolution.
Car comme l’affirme Michelet : «Ceux qui savent ce que c’est que révolution, savent que les eaux, une fois amoncelées, il suffit d’une goutte de plus pour décider la rupture.» Erasme a été la goutte d’eau qui a fait déferler la Renaissance sur toute l’Europe. Sur un autre registre et à une autre échelle, Macky Sall peut et doit être «la tornade qui annonce le grand hivernage de notre peuple.» En 1960, notre accession à la souveraineté internationale a marqué le point de départ et de repère de notre histoire contemporaine. En 2000, l’alternance qui a propulsé Me Wade au pouvoir, a surtout été le véritable point d’impulsion de notre modernité démocratique. Aujourd’hui, après avoir consulté et obtenu l’agrément du peuple, le Président Sall a le devoir de se montrer impertinent, d’une impertinence conquérante; égoïste, d’un égoïsme sans condescendance. C’est en adoptant une telle attitude que les héros véritables, sans être obsédés par l’héroïsme, transforment la vie de leur peuple en destin à réaliser. Il en a l’opportunité historique et les devoirs de sa charge le lui imposent.
Quant au peuple, après avoir accompli son devoir : en votant Oui ou Non, ou même en s’abstenant, il a désormais le droit de l’exiger. Tous ces slogans de campagne, tous ces Plans, Programmes et autres Projets, le peuple attend de voir quand et dans quelle mesure cela participera de la réalisation d’un destin commun, solidaire et partagé. Le Président Sall a maintenant les coudées suffisamment franches pour nous engager dans cette voie et nous donner des raisons d’espérer. Désormais seul gardien de sa Constitution réformée, notre horizon d’attente épouse les contours et les limites de son action, de ses intentions. Terribles responsabilités, prodigieuses obligations, qui lui commandent de transcender toutes contingences politiciennes et électoralistes.
Pour s’élever si haut tout en restant parmi nous, Monsieur le Président, méditez ces paroles de Victor Hugo : «Heureux l’homme occupé de l’éternel destin, qui tel un voyageur qui part de grand matin, se réveille l’esprit rempli de rêverie. (…) Derrière lui, tandis que l’extase l’enivre, les anges souriants se penchent sur son livre.» Pour ici-bas et dans l’au-delà, Monsieur le Président, méditez ces paroles…
Galasse, [email protected]
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