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Chronique

Jammeh, échec et «maa téy !»

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La Cedeao aura été dissuasive. Et Jammeh pour une fois n’était plus le plus fort, mais il est resté le plus rusé. À lui seul il a cristallisé toutes les attentions, il a joué sur les nerfs des chefs d’État, multiplié les provocations à l’intention de la communauté internationale avant de se jouer, une dernière fois, du peuple gambien dont il s’est servi de bouclier humain, l’arme de négociation des termes de son départ du pouvoir, intervenu après d’âpres tractations et compromis.

En se payant le luxe d’une dernière parade télévisée devant peuple gambien, vendredi soir alors que son mandat avait déjà expiré, Jammeh, même dans l’illégalité, démontre qu’il est et reste un chef qu’on n’humilie pas. Prêt à tout pour mourir disait-on, armes aux poings, Yahya tenait à la vie, à sa vie et l’a démontré en abdiquant devant les pressions de tout bord. Yahya tenait aussi à son pactole aujourd’hui entre de bonnes mains, loin d’une Gambie qui devra panser ses blessures décennales. Avaient donc tout faux, ceux qui le dépeignent comme un «fou» capable de sacrifier sa vie en portant une résistance à cette armada qui était censée le «tuer sans le déshonorer». Sous le prétexte «noble» d’éviter à la Gambie «une effusion de sang», il a su taper là où ça fait mal, sans faire mal tout en donnant l’air. Par réalisme il n’a pas mis à exécution ses menaces de faire de la Gambie le «cimetière des troupes de la Cedeao», sénégalaises dans son entendement. Lucide aura-t-il été jusqu’au bout, pour éviter de s’empêtrer dans une nouvelle folie meurtrière qui risquait de le décimer. 

Isolé sur le plan international, l’homme de Kanilaï se savait fini, lâché par ses soutiens y compris par la population qui, cette fois, a montré qu'elle n’avait plus peur de son dictateur dont le mythe était tombé le jour où lui-même a déclaré, que Dieu avait mis fin à son règne. À en juger l’attitude responsable des plus hautes personnalités de l’armée gambienne, celle courageuse de certains de ses ministres et représentants diplomatiques dont les actes successifs, posés, ont contraint l’homme de Kanilai, esseulé, à admettre, finalement, qu’après vingt-deux ans de règne, il était temps pour lui de partir, mais de quelle manière !

Sa volte-face prévisible, mais surprenante n’aura été qu’une ruse de plus. Et Jammeh qui n’accorde aucun crédit à ces organisations, régionale comme internationale, aura réussi plus ou moins à discréditer la Cedeao et ses ultimatums qu’il fera reporter à plusieurs reprises. Une manière de dire que, le couteau sous la gorge, c’est quand même lui qui même la danse, qui donne le la et reste maître à bord, se savait-il vaincu, désavoué, lâché. Il lui restait alors une carte à abattre : il s’autorise une ultime provocation lorsqu’il fait perdurer le suspens de sa reddition et convoque dans le jeu un pays non-membre de la Cedeao, à qui il offre le beau rôle. En définitive, Jammeh qui aime à jouer, a perdu la guerre, mais remporte la dernière bataille, celle de ne pas connaitre la fin prédite à tout dictateur aux mains tachées de sang. Lâcher le pouvoir dans les circonstances que l’on sait, obtenir la préservation de son intégrité physique, de celle de ses proches, et avoir toute la latitude de partir pour le pays de son choix, c’est, pour Yahya, synonyme de victoire. 

Cerise sur le millefeuille, la sauvegarde de ses biens. Et une amnistie que des pacifistes convaincus voudront bien lui accorder, why not, au nom de la paix pour avoir épargné la vie des Gambiens. Autant lui décerner, alors qu’on y est, le Nobel de la paix. Jammeh, c’est «échec», c’est aussi «maa téy !».

 



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