« C
’est toujours l’attachement à l’objetqui amène la mort du possesseur »
Marcel PROUST
Les cambistes de Sandaga ne manquent décidément pas d
’humour. Ils ont affublé le chef de l’Etat du surnom peu glorieux d’Abdoulaye « Wakh » et rebaptisé son ministre des Finances, qui s’appelle désormais Abdoulaye « Dette ». Le premier, il est vrai, excelle dans la parlerie. Le 17 novembre 2008 précisément, il avait mis des chiffres sur le mystère qui entourait jusqu’ici l’endettement du pays, en parlant de 174 milliards. On s’était mis à espérer que le Docteur Folamour était enfin devenu honnête homme. Mais il a aussitôt embrayé contre ceux qui s’en offusquent injustement, en soulignant que cette dette ne représentait que 1% du budget de l’Etat, qui est de 1700 milliards. Un élève de la classe de CM2 aurait pu corriger le professeur d’Economie. Même si nous lui pardonnions une improbable « confusion » entre Budget de l’Etat et PIB, le compte serait encore largement « déficitaire », puisque 174 milliards, c’est plus de 10 % de 1700 milliards. L’économiste se trompe toujours, mais le professeur est encore pire. Il ne reconnait jamais ses erreurs.Depuis que sa famille lui a demandé de faire moins dans la parlote et de ne parler à ses sujets qu’à travers des communiqués, son ministre des Finances assure la suppléance, plus ingénu encore. Il avait lui aussi annoncé sa « dette », pardon sa date, qu’il n’a jamais été capable de respecter. L’argentier haletant vient de trouver cent milliards, alors qu’il ne lui en fallait pas tant. Mais à quoi sert tout cet argent si l’Etat continue de mentir au sujet du montant réel de la dette ? Le Fonds monétaire international vient d’annoncer, à la suite d’une mission officielle, que la dette intérieure est de 225 milliards de francs Cfa. Il faut ajouter à ce montant les 74 milliards pudiquement appelés « dépenses hors budget ». Le président de la République s’est défaussé sur ses ministres, mais ce sont des dettes contractées par ses « agences », à l’insu d’Abdoulaye Diop, il faut préciser. Il s’agit principalement de l’Aatr et de l’Anoci. Abdoulaye Wade a puni l’ancien ministre du Budget Ibrahima Sarr, quand il devait demander des comptes à son fils. Même si la dette était fixée au montant communiqué par le président de la République, la somme due serait au moins égale aux 100 milliards annoncés par le ministre des Finances comme résultat de sa « Quête ». Puisqu’aux 47 milliards qui restaient à être payés à la date du 31 octobre 2008, sont venus s’ajouter 53 autres milliards, représentant de nouvelles factures en souffrance. C’est donc servir un autre mensonge aux populations que de leur faire croire qu’il y en a tellement pour payer la dette intérieure qu’il en resterait encore dans les caisses de l’Etat. Si c’est faux, c’est grave. Si c’est vrai, c’est ridicule puisqu’il n’y a aucune gloire à se réjouir de son propre endettement.
Abdoulaye Diop s’était justifié, en expliquant avoir fait face à des dépenses de « sécurité et de souveraineté », assurant avoir payé 75% de la dette intérieure. Au mieux, les entrepreneurs assurent qu’ils n’ont reçu que 10% de ce que l’Etat leur doit. L’Etat procède à des acomptes systématiques avec une honteuse discrimination. Ceux qui, comme Bara Tall, se sont opposés à leurs vils marchandages sont écartés et persécutés. Le régime utilise parfois des méthodes de grand bandit pour faire taire ceux qui n’obéissent pas à sa loi de l’omerta. Depuis qu’il a décidé de rompre avec la langue de bois, le représentant du Fmi a été plusieurs fois menacé d’expulsion. Le régime a franchi un nouveau pas il y a deux semaines, en lui rendant une visite nocturne. Le message était très clair : « Nous pouvons vous atteindre à tout moment, malgré les deux policiers postés chez vous ». Les deux policiers attachés à la sécurité d’Alex Segura sont malheureusement les employés de celui-là même qui lui reproche sa liberté de ton.
Ce qui est choquant dans les émulations du ministre des Finances, ce n’est pas le fait de célébrer notre endettement permissif. C’est le profil des signataires de la Convention que je trouve offensant et outrageant pour notre souveraineté. Il s’agit d’une banque nigériane et d’une banque marocaine. Elles en disent long sur la perversion et l’extraversion de notre paysage financier. Senghor et Abdou Diouf avaient œuvré pour l’émergence d’une bourgeoisie nationale et de grands banquiers bien de chez nous. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, Abdoulaye Wade s’est attaché à démanteler cette classe d’hommes d’affaires pour la remplacer par des étrangers accrochés aux basques de son fils. Nos banquiers nationaux qui faisaient notre fierté sont réduits à l’état de vulgaires employés de succursales. Dans certains cas comme celui d’Abdoul Mbaye, le régime a tenté la suprême humiliation, en voulant le mettre en prison. Dans ce pays très attaché à sa dignité, il est désormais plus indiqué de s’appeler Abou Jaber ou Abou Kalil. Tout le patrimoine foncier de l’Etat est bradé à vil prix. Après avoir livré nos plages aux espagnols, Abdoulaye Wade s’en prend à notre patrimoine historique. Le stade Assane Diouf est bradé aux chinois, l’Ile de Gorée aux pétroliers du Golfe qui veulent transformer le site historique en un centre de villégiature.
Ce que je trouve plus affligeant encore, c’est que la Banque nationale du Mali vienne au secours de l’Etat du Sénégal, et que l’on trouve des énergumènes assez culottés pour célébrer cette parade honteuse. Ils pensent tous que quand nos enfants et petits enfants seront en train de payer cette dette, ils seront déjà dans un des nombreux paradis fiscaux pour finir leurs jours tranquilles.
Le mensonge et la dissimulation vont encore leur permettre de passer le cap des prochaines élections locales, mais le pire est à venir pour nous. Les recettes de l’Etat ont baissé de 30 milliards au dernier trimestre de l’année 2008. Les prévisions budgétaires annoncées seront certainement revues à la baisse. L’économiste Abdoulaye Wade déclarait pompeusement que l’Afrique ne serait pas touchée par la crise mondiale quand son conseiller Moustapha Kassé affirmait le contraire. Mais les envois des sénégalais établis à l’étranger vont, eux, baisser de façon certaine et plonger une partie du pays dans la misère sociale. Quand le pays va aussi mal, Abdoulaye Wade fait ce qu’il fait le mieux, il voyage. C’est ce qui me fait dire que nous n’avons pas élu un président de la République, nous avons élu un roi fainéant. C’est un autocrate qui additionne tous ses privilèges et qui se soustrait à tous ses devoirs. Alors que nous prions Dieu de nous débarrasser de ce monstre, il fait tout pour se faire remplacer par son rejeton. Il a déclaré lundi à un de ses visiteurs du soir qu’après calcul, il est sûr de battre l’opposition aux prochaines élections, et « on verra pour Karim ». Il compte sur les forfaits commis par les préfets et les 60 circonscriptions dans lesquelles, a-t-il assuré, l’opposition est battue d’avance, puisqu’elle est « absente ». « Si je n’ai pas encore installé mon fils, c’est par l’effet de ma volonté, pas celle des sénégalais », a-t-il fini, glauque, affalé sur son fauteuil Louis XIV.
SJD
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