
« Ne sacrifiez jamais vos convictions politiques
pour être dans l’air du temps »
John F. KENNEDY
pour être dans l’air du temps »
John F. KENNEDY
J’ai accueilli avec humilité les réactions indignées qui ont suivi ma dernière sortie et surtout ma décision, que certains prennent pour un renoncement, de militer pour qu’Abdoulaye Wade devienne l’année prochaine, le récipiendaire du prix Mo Ibrahim. J’ai ajouté un « si » à mon propos, qui marque toute ma différence. J’ai bien dit s’il accepte de renoncer à un troisième mandat. Je n’en oublie pas ses incessantes provocations, ses mensonges flagrants, ses pratiques délinquantes, son insoutenable légèreté et surtout les souffrances qu’il continue d’infliger au peuple sénégalais. Mais nous devons nous situer bien au-delà de la colère qu’il provoque chez nous, de la haine qu’il suscite. Nous ne pouvons pas reprocher à un homme d’avoir été injuste avec nous, si nous ne savons pas nous montrer justes envers lui.
De quoi s’agit-il donc ? Je continue de penser que l’alternance a été un grand moment dans notre histoire et qu’il ne faudrait pas la regretter. Nous avons fait le bon choix, celui du changement et rien ne doit nous faire oublier que c’est sans doute par notre détermination, mais aussi parce que nous avons trouvé un homme qui savait parler à notre place, porter nos idées avec une bravoure et un courage inégalés que nous avons réussi un tel pari. Ce qu’il a été au contact du pouvoir est une autre affaire. Nul parmi ceux qui clavardent devant leur ordinateur pour pousser leurs imprécations n’a connu plus que moi les rigueurs de l’exil et les souffrances qui vont avec. Abdoulaye Wade a sans doute déçu nos attentes, trahi nos espérances. Cela ne nous empêchera pas d’être justes avec lui et de dire, à côté du mal qu’il nous fait, le bien qu’il nous a procuré. Il m’a rendu fier de mon peuple. J’ai vu l’insulte qu’il nous a faite dès son installation, en acquiesçant aux propos de son épouse, qui disait qu’il y avait deux types de sénégalais, les lâches et les vendus. Nous lui avons administré un démenti magistral, ainsi qu’à ses enfants. Malgré les moyens indécents alloués à son fils Karim Wade, les Sénégalais ont opposé un refus catégorique à sa mise en scène guignolesque qui allait faire de notre peuple la risée du monde. Depuis que les guides religieux ont compris les étranges menées d’Abdoulaye Wade, ils lui refusent tout, même l’argent du contribuable qu’il leur tend. Wade nous a permis de définir les limites de l’acceptable. Il a testé nos limites, mais notre réaction a été à la hauteur de son affront et le sera davantage. Les valeurs qui fondent ce vaillant peuple lui subsisteront. Nous savons plus que jamais ce qu’il ne faudrait pas faire et nous sommes unis sur ce point. Ces dernières années, les résistances les plus fortes sont venues de son camp. Pour trouver des charlatans capables de soutenir ses sombres menées, il va chercher des chamans indiens. Et pour trouver des juristes sous sa coupe, il va chercher en France et aux Etats-Unis. Cet homme sait se montrer abominable, j’en conviens.
Mais nous devons garder à l’esprit que quand nous décidions en 2000 que ce devait être lui, c’était au regard de son parcours politique, de ses prétendus académiques et de ses acquis électoraux. Nous étions au courant de certains travers et des aspects lugubres de sa personnalité complexe. Mais personne ne pouvait prédire le revirement qui s’est produit par la suite. Les hommes ne changent pas, c’est ma conviction, ils choisissent entre plusieurs possibles. Il aurait pu être un Mandela, perspective sans doute plus exigeante moralement, il a choisi d’être un Mugabé, la posture la plus vile qui s’offrait à son âme . User de sa parole pour toujours promettre, de son pouvoir pour toujours soumettre.
Personne ne m’apprendra ce qu’est ce régime prédateur et délinquant. Il faut donc qu’il débarrasse. Il faut qu’Abdoulaye Wade parte et il partira de toutes les façons. Je soumets à ceux qui auront la patience de me lire pour que je puisse me montrer plus clair, que cet impératif est à placer au-dessus de tous les autres. Abdoulaye Wade partira quoi qu’il fasse, et ce n’est pas à la fin de ce wadisme répugnant que je deviendrai wadiste. Que ceux qui espéraient un revirement de ma part m’excusent d’avoir été déçus. Ce n’est donc pas le départ de Wade qui est en question, chers lecteurs, ce sont les conditions de son départ. Je sais cet homme entêté. Il en a encore administré la preuve avec sa houlette de démonstrateurs malveillants. J’ai vu une fournée d’anciens juristes français retraités, de « politogues » de petite semaine, la plupart proches de la droite française raciste, défendre sa candidature face à des sénégalais qui savent se montrer dignes quand vient le moment. Les positions imprenables des professeurs Sy et Boye fondent chez moi la certitude que la candidature d’Abdoulaye Wade sera rejetée par le Conseil constitutionnel.
Mais ce politicien entêté est aussi un apôtre du jusqu’au-boutisme. Il n’hésitera pas, avec sa bande de mafieux inféodés, à manipuler des jeunes pour leur faire exécuter ses sombres présages. Les sondages fictifs qu’il fait publier servent aussi cette même cause. Mais le sachant capable de se montrer raisonnable et d’aller dans le sens de ce que lui dicte son intérêt, je lui fais une offre à laquelle je tiens encore : qu’il décide de partir et je militerai pour qu’il obtienne le prix Mo Ibrahim et oui, pourquoi pas, le prix Nobel qu’il a tant convoité. Il aura des arguments pour les mériter, s’il renonce à un troisième mandat, se conforme à la Constitution qu’il a lui-même édictée et se soumet à sa propre parole. J’ai peur qu’il dresse son camp et sa milice contre son propre peuple, quand sa candidature sera rejetée.
Ce défilé de mercenaires étrangers à sa solde ne fera que renforcer le sentiment patriotique des juges du Conseil constitutionnel. Je suis attristé de le voir à près de 90 ans, perdu par sa soif aveugle de pouvoir et son orgueil, se livrer à une telle fumisterie, lui qui s’indignait que l’on fasse appel à des constitutionnalistes étrangers pour interpréter la Constitution du Sénégal. Il a partout cherché des défenseurs de sa cause perdue et à défaut d’en trouver, il a renoncé sans honte à ses convictions d’hier. Oui, je vous accorde qu’un homme qui prend autant de libertés avec la morale ne mérite pas que l’on se soucie du sort qui l’attend. Mais ce n’est pas le sort d’Abdoulaye Wade qui me préoccupe, c’est celui de mon pays. J’espérais encore qu’il devienne attentif à l’appel à la raison que je n’ai pas été le seul à lui lancer, loin s’en faut. Je le pensais capable d’un dernier sursaut patriotique, pour nous éviter la confrontation. Il a répondu par une provocation.
SJD
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