
La chose paraît taboue mais le débat a tout le mérite d’être posé. Puisqu’il s’agit bien, osons le terme, de nuisances sonores. Un provocateur parlerait de «pollution» sonore en ces périodes d’abstinence, le ramadan où chacun s’évertue à démontrer sa foi, à montrer à quel point le jeûne le préoccupe.
Nous n’irons pas jusqu’à les qualifier d’hypocrites, mais il y aurait de quoi consacrer une étude sociologique, toute une thèse à ces dévots d’un autre temps, ces musulmans de circonstance qui, curieusement, ne sentent leur attachement à l’islam qu’en cette période de ramadan.
Boubous blancs de préférence, cure-dents bien en vue, sol imbibé de crachats, tapis de prière et coran miniature sous l’aisselle : on déserte les boîtes de nuit et autres lieux de perdition; on prend d’assaut les lieux de culte, les mosquées qui ne désemplissent pas les premiers jours du ramadan où l’on s’évertue, chacun, à chasser un naturel qui revient au galop et nous réconcilie, progressivement, avec nos vieilles habitudes pas très religieuses.
Suivisme, effet de mode : conférences religieuses dans les places publiques ; on érige des chapiteaux un peu partout, n’importe où ; on bloque les rues, les accès, on accapare l’espace public de manière illégale et gare au premier téméraire qui osera dénoncer ces manquements, lesquels ont peu à voir avec la foi.
De la télé à l’espace public, la religion se vend bien et le ramadan est aussi prétexte à tout vendre. C’est la foire aux «waraaté» (prêches), aux chants religieux qui rivalisent d’ardeur, avec leurs lots de nuisances sonores qu’il faut supporter sans broncher. Au nom de la religion, on tympanise tout un voisinage, on se soucie très peu des lève-tôt, des malades ou de ceux qui se réclament des autres confessions et qui pourtant, ont droit à la quiétude, à un repos paisible, le soir.
Dans ce pays, d’ordinaire, l’appel à la prière, cinq fois par jour à des heures régulières ne dérange pas pour autant. Si ! Quand même… On s’y est tellement accommodés, bien qu’il y ait à redire, surtout lorsque certaines personnes, jeunes ou moins jeunes, investissement les mosquées en ces périodes d’abstinence. Ils s’arrogent le droit de tympaniser leurs coreligionnaires, gratuitement : ils s’évertuent, par leurs voix, à vider les maisons au profit des mosquées. Comme on peut en trouver dans chaque lieu de culte, dans chaque mosquée, la sonorisation souvent amplifiée au maximum, indispose si elle ne perturbe pas tout simplement le paisible repos de ces riverains qui pourtant, ne sont pas moins croyants que ceux qui estiment qu’il faut insister, crier à tue-tête, de toutes ses forces dans un micro amplifié, pour se faire entendre par le Seigneur... Ignorent-ils que Dieu entend même les battements des cœurs… Ce sont les mêmes, souvent à l’origine d’accrochages et de quiproquos dans les mosquées où ils font la pluie et le beau temps, se disputent l’imamat ou l’appel à la prière, si certains parmi eux ne cherchent pas tout bonnement à contrôler les maigres contributions financières des fidèles, pour leur profit propre.
Pour beaucoup parmi ceux qui fréquentent nos mosquées, ces pratiques pas très catholiques – pardon - «islamiques», ne constituent nullement une découverte. Parce qu’en ces périodes de ramadan, il n’y a pas de répit ; tous les abus sont permis, au nom de la foi : matin, midi et soir, à n’importe quelle heure de la nuit ou de la journée, on use et abuse du nom de Dieu, tout est prétexte à jouer des instruments, à amplifier un micro pour se distinguer, se faire entendre, non des fidèles présents dans la mosquée, mais de l’extérieur, du voisinage à des kilomètres alentours. La pratique héritée d’on ne sait où, difficilement justifiable dans le Texte sacré, demeure la règle générale. Et c’est d’autant plus invivable lorsqu’une pléthore de mosquées jouxte un petit quartier où le tintamarre naissant des appels incessants à la prière donne l’impression que certains chercheraient à s’amuser avec la foi – quelque chose de personnel - à travers certaines pratiques collectives de la religion. Suivisme ! Effet de mode. Suffit-il de s’inviter dans nos mosquées en ces derniers jours du mois béni du ramadan, pour se rendre compte, que les «visiteurs» ont déserté, tous ou presque, pour retourner à leurs préoccupations habituelles.
En attendant le vendredi pour ces musulmans du vendredi, les fêtes de l’Aid ou le prochain ramadan, leurs seules rares occasions où communion avec Dieu rime souvent, avec nuisances sonores. En somme, du folklore.

Momar Mbaye
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