
Le Sénégal a une fâcheuse habitude. On crée des structures budgétivores qui produisent tous les ans des rapports (Armp, Cour des comptes, Ige, Ofnac...). Des documents qui finissent tous dans les tiroirs. On éclabousse des structures et des directeurs. Mais la clameur ne dure que le temps d’une rose. Ceux qui sont limogés après la levée de boucliers qui s’ensuit sont recasés dans des postes plus juteux.
Des personnes interdites d’exercer toute fonction publique après des fautes graves de gestion se voient propulsées à des postes de responsabilité plus élevés. Ceux qui se sont rendus coupables de surfacturation avec, par exemple, des cuillères achetées à des millions se voient récompensés pour avoir migré vers les vertes prairies marron. Et pourtant, on ose encore nous faire croire que la patrie prime sur le parti. Et qu’on s’est engagé sur le chemin de... l’émergence.
Être un pays émergent, ce n’est pas seulement aligner les chiffres. C’est aussi peut-être tenir compte de son environnement social et culturel. On ne peut pas être émergent en continuant à ne pas avoir une politique ambitieuse pour assainir nos modes de gestion.
En dépit de nos bons résultats en matière économique, répondant aux exigences des normes internationales, si nous continuons toujours à voler, détourner, corrompre jusqu’à mettre en danger les patients dans les hôpitaux pour quelques pauvres milles FCFA, l’émergence de notre pays ne servira qu’aux cols blancs qui profiteront de ces effets positifs pour s’enrichir davantage.
Si ceux qui sont censés veiller à l’orthodoxie continuent toujours à racketter les populations au lieu de les protéger, l’émergence tant souhaitée ne sera qu’une illusion.
Hier, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) a publié son premier rapport depuis sa mise en place. Des personnalités sont encore éclaboussées. Qu’est-ce que ça va changer si ceux qui doivent prendre des décisions croisent les bras ?
En tout cas, lors de l’installation des douze membres de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), le président de la République, Macky Sall, était clair : la lutte contre la corruption, disait-il, est « une nécessité sociale », mais surtout « une condition du développement ».
Devant un parterre de personnalités dont le président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, la présidente du Conseil économique, social et environnemental, des membres du gouvernement, des chefs de mission diplomatique, des partenaires techniques et financiers, le chef de l’État avait ajouté que la lutte contre la corruption est « une exigence éthique », avant d’être un « impératif démocratique ».
Il avait soutenu que « cette lutte contre la corruption traduit une volonté forte de rompre avec l’injustice, de promouvoir la compétence et l’intégrité, de récompenser le mérite et d’optimiser l’utilisation des ressources publiques au profit du citoyen ».
Parlant de l’Ofnac, il disait : « Je l’ai doté d’importants pouvoirs et lui ai conféré un statut juridique approprié, lui permettant d’exécuter efficacement ses missions. L’extension de son champ de compétence à la réception et au contrôle des déclarations de patrimoine des personnes assujetties, constitue une nouvelle manifestation de ma volonté de le renforcer et de mon engagement ferme à combattre la corruption ».
Nous vous prenons au mot, M. Le Président. Votre engagement est clairement exprimé. On attend de vous maintenant des actes concrets.
L’Ofnac a fini son travail, a éclaboussé des gens, surtout des fonctionnaires et des responsables de votre parti, l’Alliance pour la République (Apr) qui dirigent des sociétés nationales (La Poste, le Coud...). Si vous voulez lutter efficacement contre la corruption comme vous le prétendez, c’est l’occasion d’en administrer la preuve à l’opinion. Les actes, dit-on, sont plus éloquents que les paroles.
Nous ne demandons qu’une chose : que justice soit rendue au peuple. C’est « une nécessité sociale », « une condition du développement ».
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