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A certaines « surenchères revendicatives », le gouvernement doit opposer des actes forts !

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A certaines « surenchères revendicatives », le gouvernement doit opposer des actes forts !

La gouvernance des Wade était consubstantielle aux actes caractéristiques de mauvaise gestion. Elle l’était aussi à des grèves cycliques basées, pour nombre d’entre elles, sur des « surenchères revendicatives ».  J’ai emprunté cette expression à la dernière chronique hebdomadaire (« Les lundis de Madiambal »), que j’ai lue avec un grand intérêt. J’ai, en particulier, bien apprécié le thème du jour : « Le cadeau de trop aux juges ».

Dans un pays, il arrive des moments critiques, où il faut avoir le courage de prendre ses responsabilités. C’est ce que mon frère Madiambal a fait dans sa chronique du lundi 30 juillet 2012. La langue de bois n’a jamais rien réglé de durable.

Nous venons de sauver, dit-on, le Sénégal d’une année blanche. Était-ce là l’essentiel ? Même sauvée, cette année scolaire et universitaire 2011-2012 ne risque-t-elle pas de laisser des séquelles lourdes qu’elle traînera pendant longtemps comme un boulet ? Nous verrons avec le temps.

D’ores et déjà, les négociations entre le gouvernement et le Saems-Cusems ne s’annoncent point sous de bons auspices.  Apparemment, tous les accords signés et qui entraînent une incidence financière seraient remis en cause par leur interlocuteur, le Ministre de la Fonction publique. Les responsables du Saems-Cusems ne l’entendent évidemment pas de cette oreille et se préparent déjà à « des luttes de grande envergure qui feront reculer ce gouvernement ». Ils promettent surtout de « mener ce combat avec d’autres ». L’école sénégalaise est donc loin de sortir de l’ornière.  Et elle en sortira difficilement, étant donné le fossé profond qui sépare les enseignants du Saems-Cusems et le gouvernement.

Le gouvernement serait aussi en désaccord total (ou presque) avec  l’Union des Magistrats du Sénégal (Ums), à propos de ce « cadeau » que leur aurait fait l’ancien vieux président politicien, avec « la mise en place d’un fonds commun » réservé à leur corps. Plus d’une fois, j’ai essayé d’attirer l’attention de mes compatriotes sur la générosité sans limite du vieux politicien en faveur des magistrats. Madiambal Diagne me dispense d’y revenir. Il connaît parfaitement l’institution judiciaire et a livré, dans sa chronique du lundi 30 juillet 2012, toutes les informations dont nous pourrions avoir besoin pour apprécier la légitimité du mouvement auquel se prépareraient les magistrats. Le lecteur qui prend connaissance de la chronique de M. Diagne ne comprendrait vraiment pas que l’Ums menace de bloquer l’institution judiciaire, si on remet en cause ce qu’elle appelle un avantage acquis : « Le Fonds commun des magistrats ».

Le vieux politicien ne leur a pratiquement rien refusé. On peut même affirmer qu’il leur a tout donné. En fin de compte d’ailleurs, certains compatriotes se demandaient s’il n’y avait pas finalement, dans notre pays, des citoyens de première et d’autres de seconde zone. Les magistrats ont beaucoup d’avantages par rapport à nombre de fonctionnaires de la même hiérarchie. Pour ne donner qu’un exemple, au moment où, en 2006, le vieux politicien leur accordait une indemnité de judicature de 800000 francs, des médecins, des administrateurs civils, des ingénieurs de toutes catégories (agents de l’État), etc, n’avaient pas un salaire mensuel brut de 250000 francs. Ils en étaient même peut-être loin.

Je me garderai, évidemment, de faire cas des milliers d’autres d’agents de l’État dont le salaire mensuel fait à peine 100000 francs. Quid des millions d’autres Sénégalais qui gagnent difficilement 1000 francs par jour ! Et puis, si les policiers et les gendarmes exigeaient un fonds commun à  partir de l’argent payé par les milliers de conducteurs de véhicules qu’ils verbalisent tous les jours pour non respect du Code de la Route ? Il faut donc savoir raison garder !

Nous sommes en tout cas dans un pays démocratique et chacun est libre de ses choix. Cependant, si l’Ums mettait en exécution sa menace de paralyser le fonctionnement de l’institution judiciaire, le mouvement   risquerait d’être très mal perçu. Il pourrait même faire rapidement tache d’huile, de modestes agents qui ont toutes les peines du monde à joindre les deux bouts pouvant être tentés de se dire : pourquoi pas nous, nous qui arrivons à peine à manger à notre faim ?

Après les enseignants et les magistrats, nous nous arrêterons un peu sur les revendications des différents syndicats de la santé. Il est vrai que, pour le moment, les structures sanitaires connaissent une certaine accalmie. Ce n’est malheureusement pas sûr que cela dure. Les revendications vont peut-être bientôt reprendre de plus belle, et porteront davantage sur des salaires, indemnités et autres primes que sur les conditions générales de travail. La prime de motivation en particulier pose problème et empoisonne souvent le fonctionnement du système. Elle s’élèverait à 50000 francs et serait payée, à la fin de chaque trimestre, à tous les agents dits de santé (chauffeurs et agents d’entretien notamment), qu’ils travaillent dans une structure sanitaire ou non.  Il serait intéressant de remonter à l’esprit de cette prime, d’en faire l’historique. Elle était conçue, au départ, semble-t-il, comme une prime d’attente, le gouvernement (on était en 1999) ne pouvant alors satisfaire les revendications financières du Sutas, et n’était destinée qu’aux seuls agents de l’État. Certaines revendications seront par la suite satisfaites et la prime est malgré tout maintenue et étendue à tout le monde. Même aux contractuels !

Les régions périphériques manquent cruellement de médecins, de sages-femmes d’État, d’infirmiers.  On comprendrait alors qu’une forte prime, celle-là vraiment de motivation, fût accordée aux agents de la santé  qui exercent dans ces localités difficiles. Le gouvernement aurait donc intérêt à s’intéresser de plus près à cette fameuse prime. Est-il raisonnable d’attribuer, trimestriellement, des centaines de millions de francs sous forme de prime de motivation à tous les agents de la santé, alors que les structures sanitaires éprouvent toutes les peines du monde à fonctionner, faute de moyens ?

Dans l’histoire de tous les pays du monde, il arrive des moments cruciaux, où gouvernants et gouvernés doivent prendre leurs responsabilités. Ce temps est bien arrivé au Sénégal, après douze ans de graves dérives des Wade. L’État doit faire courageusement face aux revendications des organisations syndicales. Celles-ci – c’est leur vocation –, demanderont toujours plus. Non seulement elles demanderont des salaires et des indemnités toujours plus élevés, mais elles ont de plus en plus tendance à exiger des promotions parfois trop faciles, qui finiront par tuer chez leurs militants le goût de l’effort et du travail. Ainsi, il arrive souvent de trouver dans leurs plateformes des demandes d’extinction de corps et des promotions fulgurantes. Á cet égard, de nombreux exemples existent, aussi bien dans la santé que dans l’enseignement. Aucun pays ne s’est développé dans la facilité ! Les agents de l’État doivent faire l’effort d’apprendre leur métier et passer d’une hiérarchie à une autre par la voie normale, c’est-à-dire à la sueur de leurs fronts.

Les fonctionnaires et autres agents de l’État ne font pas plus de 150000, sur douze millions de Sénégalais dont plus de 60 % sont pauvres. Il y a aussi que le pays, mal en point, fait face à d’immenses besoins, qu’il a du mal à satisfaire. Invité à l’Émission « Grand Jury » de la Rfm du 29 juillet 2012, le Ministre de l’Économie et des Finances Amadou Kane, a brossé un tableau sombre du Sénégal. M. Kane révèle que notre pays est sans grandes ressources et traîne une dette dont l’encours atteint 40 % du budget et 37 % de nos recettes. Or, précise-t-il, conformément aux normes de viabilité admises, le dernier indicateur ne doit pas atteindre 30 %. Un malheur ne venant jamais seul, le niveau de nos recettes ne suffit plus à couvrir nos dépenses. Le Sénégal est donc pratiquement fauché. Peut-être pas autant qu’un roi d’église.

Dans ces conditions-là, est-il prêt à se lancer dans le respect d’accords signés par l’ancien gouvernement, qui coûteraient au Trésor public des dizaines de milliards de francs Cfa ? Il ne le fera sûrement pas et opposera aux organisations syndicales les limites du budget. Celles-ci rejetteront naturellement cet argument qu’elles trouveront trop facile. Et elles n’auront pas tout à fait tort, puisque ces difficultés budgétaires n’empêchent pas toujours des dépenses qui sont loin d’être prioritaires. Dans ces conditions-là, le bras de fer syndicats-gouvernement va continuer, au grand dam du pays tout entier, dont aucun secteur ne sera épargné.

Il appartient donc à l’État de prendre, pour une fois, ses responsabilités et de poser des actes très forts. Des actes justes et de portée générale. En particulier, il doit faire revenir tout le monde à l’orthodoxie, c’est-à-dire à l’application rigoureuse des textes de lois et de règlements qui définissaient les critères d’attribution de salaires et d’indemnités diverses aux agents de l’État. Il faut remettre de l’ordre dans tout ce que l’éléphant Wade a mis sens dessus dessous.

Cette mesure ne suffirait d’ailleurs pas : l’État devra vivre effectivement dans la sobriété que le président de la République nous a promise. Ce qui n’est pas encore tout à fait le cas, malgré quelques efforts constatés ça et là. Il existe encore, aujourd’hui, de nombreuses niches de gaspillages. Le maintien d’un sénat, par exemple, est incompatible avec les limites décrites le Ministre Kane. Nous pouvons nous développer et approfondir notre démocratie sans l’ombre d’un sénat. Combien de milliards le sénat du vieux président politicien nous a-t-il coûtés depuis sa création ? Dans quel domaine d’activité a-t-il apporté une seule valeur ajoutée ? En réalité, il n’a servi qu’à entretenir une clientèle politique. Le sénat de Macky Sall ne fera sûrement pas mieux.

En lieu et place d’un sénat, nous pourrions, en attendant de meilleurs jours, reconduire le Conseil économique social (Ces). Un conseil économique et social nouvelle formule, dont les membres seraient moins des politiciens que des compétences avérées venues de divers horizons. On y retrouverait par exemple, les représentants du patronat (Cnes, Cnp, etc), des organisations de la société civile (Cncr, Congad, Forum civil, Raddho, etc), des artisans, des travailleurs de la terre, des métiers des arts, etc. De nouvelles missions lui seraient fixées, en accord avec la gouvernance sobre, vertueuse, transparente et efficiente qu’on nous promet de mettre en œuvre. S’il le faut, des moyens importants seraient mis à la disposition de ce conseil, pour permettre à ses différentes compétences de jouer efficacement leur partition dans le développement économique et social du pays.

Toujours en attendant de meilleurs jours pour la mise en place d’un nouveau sénat, la décentralisation sera notablement approfondie, renforcée. Les collectivités locales seront dotées de moyens matériels, financiers, humains substantiels, pour leur permettre d’exercer convenablement les compétences qui leur sont transférées. Il serait souhaitable, à cet égard, d’élaborer à l’intention de leurs différentes ressources humaines, un vaste programme de formation. Une radio et une télévision (pourquoi pas ?) à leur intention faciliteraient notablement cette formation qui sera continue.

Le gouvernement donnerait également des gages de sa bonne volonté, en supprimant purement et simplement les directions et agences nationales qui n’ont pas leur place dans une administration moderne et efficace. Dieu sait qu’il en existerait encore beaucoup.

Le gouvernement ne s’arrêtera pas en si bon chemin : il fera un audit profond de la Fonction publique, pour en expurger tous ces agents venus de nulle part et bénéficiant de contrats spéciaux vraiment sur mesure. Nombre de ces gens ne seront capables de se prévaloir d’aucune compétence. Ils devront être purement et simplement remerciés. Dans la santé comme dans l’éducation, des milliers d’agents sont payés à ne rien faire. Les postes qu’ils occupent indument doivent être libérés.

Les nouvelles autorités devront faire montre de bien d’autres efforts sur la voie de la sobriété et de l’efficience. Les organisations syndicales ne seront jamais prêtes à se laisser abuser par des mesurettes ou des promesses sans lendemain. Á la limite, le nombre des membres du Bureau de l’Assemblée nationale devrait être revu notablement à la baisse. Trois à quatre vice- présidents, trois à quatre secrétaires élus suffiraient à faire le travail de l’institution. De même, les responsables syndicaux à qui on oppose les limites du budget ne comprendront jamais qu’on donne mensuellement une dotation de mille litres de carburant et des « facilités » de téléphone à chaque membre du bureau de ladite assemblée. Sans compter les présidents de commissions qui seront peut-être une  quinzaine. Peut-être plus, peut-être moins.

Pendant douze longues années, le vieux président a créé des sinécures sur mesure, des injustices flagrantes qui ont eu pour conséquence de chauffer régulièrement le front social. Il a créé des écarts de salaires et d’indemnités qui défient tout bon sens, toute décence. Le front social ne sera jamais stable, tant que cette situation n’est pas corrigée. L’avantage acquis qu’on opposera à une telle initiative ne tient pas la route. Un avantage acquis sur des bases illégales, sur du yaa ma neex (à la tête du client) doit être remis en cause.

La mise en œuvre des mesures qui viennent d’être suggérées exige beaucoup de volonté politique et de courage. Nos gouvernants sont-ils prêts à prendre le risque pour en appliquer au moins quelques-unes ? Seul Dieu sait. Ce dont ma modeste personne est, par contre, sûre, c’est que l’immense majorité du peuple sénégalais les approuverait sans réserve, s’ils prenaient leur courage à deux mains pour appliquer sans état d’âme lesdites mesures. Elle les approuverait encore plus, s’ils menaient à leur terme les audits et la chasse aux biens mal acquis.

Dakar, le 01 août 2012        

Mody Niang, e-mail : [email protected]



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