Le leader du Bloc des centristes gaïndé (Bcg) doit bien du fond de sa cellule ruminer son erreur. Celle d’avoir prêté le flanc et permis à Me Wade de solder ses comptes avec lui. La dernière tentative du pouvoir, faut-il le rappeler, s’était soldé par un échec. Pris dans le piège religieux, accusé de manquer du respect à la très active minorité chrétienne, le pouvoir a été obligé de libérer Jean Paul Diaz. Cela a du reste été facilité par une médiation de la famille Tall, qui entretient depuis plus d’un demi-siècle des relations privilégiées avec l’Eglise catholique. Visiblement, malgré la libération (forcée ?) de Jean-Paul Dias, le pouvoir ne faisait que reculer pour mieux sauter.
Une intention de solder ses comptes avec Jean-Paul Dias d’autant plus évidente que le leader du Bloc des centristes gaïndé (Bcg) affiche à la face de ses ex-camarades libéraux un engagement politique en faveur d’Idrissa Seck. Il faut néanmoins relever qu’en pleine tempête de desséckisation en 2003, Jean-Paul Dias alors pressenti à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres), appliquait contre Idrissa Seck la même violence verbale. Mais cela, le pouvoir ne le retient pas. Tout ce qui l’intéresse, c’est que les Dias ne parlent plus. Ou alors, lorsqu’ils retrouveront la liberté de parole, qu’ils pèsent bien leurs mots avant de se lâcher. Une discipline à laquelle tient Me Wade d’autant plus que Dias-fils a abordé un sujet qui fâche : l’âge du Président. Selon des proches du Président, Me Wade n’aime pas qu’on parle de son âge, préférant plutôt qu’on lui présente un miroir de jeunesse dans un pays où pourtant le vieillesse est élevée au rang de valeur. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le bulletin de naissance des marabouts les plus influents du Sénégal. Mais chez les Wade, le sujet est sensible. Mieux, chaque fois qu’un homme politique en fait allusion, ce sont des injures qui accompagnent ses « impertinentes » remarques. Et pourtant, comme l’a si bien fait remarquer Jacques Habib Sy, cette question n’est point tabou. Elle se pose dans toutes les démocraties avancées. Le Sénégal qui n’en est plus une, ne peut cependant pas éluder cette question. De la même façon qu’on peut s’interroger sur le jeune âge d’un homme qui se présenterait à l’élection présidentielle, de la même façon, il n y a rien de grave et de délictuel à s’interroger sur les capacités physiques et intellectuelles d’un homme qui aspire à diriger 10 millions de sénégalais. Le débat « politiquement incorrect » qu’il faut éviter de poser est celui touchant, à l’origine, la naissance, au sexe, la couleur de la peau etc. Or, c’est bien malheureusement à ce spectacle qu’on assiste. En décidant d’enquêter sur la nationalité de Jean-Paul Dias, le ministère public, donc l’Etat veut sans doute rendre le coup à ce dernier. Le résultat visé est d’amener les sénégalais à porter un regard de type nouveau sur un homme qui est né dans ce pays, qui y a grandi. Et qui a surtout accompagné Me Wade dans l’opposition alors que le Prophète du sopi d’alors ne pensait même pas un jour accéder à la magistrature suprême. On se croirait facilement en Côte d’Ivoire. Sauf qu’ici, au Sénégal, le pays de Léopold Sédar Senghor et de Cheikh Anta Diop, Alassane Ouattara, c’est Jean-Paul Dias. Que cherche donc le pouvoir ? A humilier jusqu’au degré le plus ver de terre de la bassesse, le leader du Bloc des centristes gaïndé, Jean-Paul Dias ? Quelle pertinence à poser un tel débat dans un pays où des groupes organisés bien connus du pouvoir sont à l’affût. Pouvant entrer en action au moindre claquement de doigts de leur Maître. Me Wade, qui est le gardien de la Constitution ne doit point laisser un tel débat enfler. Quel que soit le poids des rancoeurs, il y a des limites en démocratie que le chef de l’Etat doit observer et faire observer. Sinon on en arriverait même à oublier que Me Wade a reçu, le 16 mai dernier (il y a exactement 3 mois) le Prix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix. Si lui-même, face aux enjeux politiques qui se profilent, n’a pas déjà oublié.
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