La refondation du PDS est nécessaire
Après une interview donnée au journal Le Soleil «dans laquelle j’avais initié une réflexion sur la refondation du PDS, des frères du parti ont donné leur opinion, soit par écrit soit dans des discussions informelles. Qu’à cela ne tienne ! L’objet d’une telle discussion publique est que chacun puisse s’exprimer sur une question aussi cruciale dans un climat sain et serein avant que le Secrétaire Général National (SGN) ne tranche. Tout le monde sait que le jour où le SGN tranchera cette question, je serai sur sa position, celle du parti. Je n’aurai pas de position antérieure ni postérieure. J’aurai et assumerai la position du parti. Qu’on se le dise ! Dans l’intervalle de temps nous séparant de la décision, des positions contradictoires se sont exprimées et c’est cela la force d’un parti démocratique comme le nôtre. Discussion large, unicité de décision et unité d’action ! D’une certaine manière, cette contribution est la participation d’un militant à un débat ouvert depuis quelques mois et qui n’est pas encore tranché par le SGN et le parti.
Après avoir lu et écouté les uns et les autres intervenir dans le débat, je demeure encore plus convaincu quant à une nécessaire refondation du parti, à la création d’un nouveau parti qui s’appuiera sur les succès et les faiblesses du PDS, sur ses victoires et ses défaites, sur sa doctrine initiale et sur sa politique économique et sociale d’aujourd’hui, sur sa composition sociale d’hier et sur les résultats de sa massification d’aujourd’hui, sur ses projets d’hier et ses perspectives d’aujourd’hui, un PDS s’appuyant sur son passé mais tourné vers l’avenir.
Pour éviter un certain nombre de confusions qui pourraient donner lieu à des divergences inutiles, il s’agit ici et maintenant de poser la problématique de manière précise, claire de la refondation du parti. Que ceci est une nécessité de refonder le PDS. Je constate qu’il y a de vagues analyses, une compréhension erronée de la problématique et une mauvaise volonté d’ouverture pour la refondation de la part de certains. Il faut préciser en quels termes se pose le débat, définir y compris les mots utilisés, fixer les objectifs, tracer les voies à emprunter pour atteindre ces objectifs. Comme toujours, il s’agit avant tout d’une question de méthode.
1. Refondation ou ravalement ?
Proposons une approche par illustration.
Prenons l’exemple d’une maison, en supposant que l’on dispose d’un terrain et de moyens financiers, pour la construire, il faut préalablement un plan architectural, des plans béton-armés et un permis de construire. La construction elle-même commence par la fondation. Suivant l’importance de cette dernière, on peut construire une maison à un étage, deux étages etc. Il n’y a pas une fondation qui puisse supporter une infinité d’étages.
Après la construction et avec l’exploitation de la maison, il se peut que les peintures extérieures soient détériorées ou d’une manière plus générale il se peut que les façades présentent « un caractère inesthétique et vétuste », alors à ce moment on prescrit un ravalement pour rendre la maison encore attrayante. On ne touche pas à la fondation bien entendu. Il y a bien sûr d’autres cas où on peut réussir des modifications sans toucher à la fondation. Par souci pédagogique et sans que cela ne nuise à notre analyse, nous appellerons ravalement toute intervention qui ne touche pas à la fondation.
Si on se rend compte, par exemple, que la maison doit être plus haute ou que la masse supportée doit être plus importante ou qu’il y a des extensions modifiant l’équilibre du bâtiment, en ce cas, il faudra modifier les plans et toucher la fondation (refonder pourrait-on dire).
On peut aussi décider de raser toute la maison et de construire une autre (la nature aussi peut aussi s’en charger). En ce moment, on projette de construire autre chose, une autre maison, avec d’autres plans, d’autres fondations etc. Il s’agit, de toute évidence, d’un autre projet.
Revenons maintenant au parti. Aujourd’hui, on constate des dysfonctionnements qui bloquent l’évolution du parti, dysfonctionnements dus à l’ancienneté des structures, et aux modifications des conditions historiques (parti d’opposition, parti au pouvoir). Par analogie aux maisons, on peut envisager de manière schématique trois possibilités :
- ravaler le parti (rénover)
- refonder le parti (pour le rendre plus apte à supporter de nouveaux poids)
- construire un parti nouveau (détruire l’ancien et construire un nouveau avec de nouveaux plans (programmes et statuts), une nouvelle programmation d’implantation etc.
La schématisation ne rend pas compte de tous les scénarii. Bien qu’ayant, comme toute schématisation, ses défauts, elle constitue un outil de travail qui peut nous permettre de progresser Ces questions ne sont pas spécifiques à nous mais se posent à tous les partis à un certain niveau de leur développement. Le PS sénégalais pour n’avoir pu résoudre ces questions s’est disloqué et a perdu pour longtemps le pouvoir. En Europe, ce débat se pose tous les jours dans les grands partis. Il n’y a pas là de spécificité sénégalaise.
Alors de quoi s’agit-il ? Je n’ai ni entendu ni lu ceux qui se réclameraient de la destruction de notre parti et de la construction d’un nouveau. Les responsables qui sont intervenus se sont prononcés soit pour le ravalement soit pour la refondation. Un troisième groupe remarque bien que la maison parti ne peut plus contenir tout ce monde et dit « surélevons sans toucher à la fondation » or cela est techniquement impossible si ce n’était pas explicitement prévu dès le départ. Or mon assertion est que le PDS était créé pour prendre le pouvoir dans des conditions historiques données face au parti de Senghor/Diouf mais que le PDS n’était pas un parti de gestion de pouvoir. Certains esprits malicieux vont me dire « Oh que non ! Le programme permettait de s’opposer et de gérer ». Certains plus téméraires ajouteront « dans n’importe quelles circonstances historiques ».
Ce n’est pas mon opinion et je le démontrerai. Des problèmes nouveaux non prévus explicitement par le programme sont apparus. Notre pratique du pouvoir nous a mieux armés sur le plan de la doctrine. La maison n’était pas outillée pour accueillir des centaines de milliers de nouveaux militants, peut-être même des millions de nouveaux militants. La fondation n’est pas suffisante pour supporter tout ce nouveau monde. Il faut une nouvelle fondation. Il faut refonder. Telle est et demeure mon opinion.
Précisons à nouveau l’objectif et plaçons-nous dans cette courbe de l’objectif.
2. Où allons-nous ? Où en sommes-nous ?
Nous avons pris le pouvoir au Sénégal après une lutte acharnée faite de sacrifices et d’abnégation. Ce dont il s’agit c’est de le préserver durablement et de conquérir le pouvoir en Afrique. Voilà l’objectif que nous devons nous assigner. Certains vont sursauter au plafond et s’exclamer « voilà la preuve que l’auteur est un rêveur ! » J’en ai entendu d’autres mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Quel est notre objectif ? Nous, démocrates et panafricanistes, nous, militants du PDS, notre objectif est d’instaurer la démocratie (le libéralisme politique), de montrer au Sénégal et à l’Afrique comment on peut bâtir un pays même sans grandes ressources naturelles dans le contexte mondial actuel, notre objectif c’est d’unifier l’Afrique qui est le seul ensemble politique et économique viable à long terme, l’unifier sur la base de l’économie de marché intégrant les conditions sociales, sur la base des principes de la démocratie universelle.
Précisons. Le Président Wade a pris le pouvoir et l’a conservé, avec un ensemble hétérogène, hétéroclite même, un peuple qui lui voue un culte certain, des partis, des mouvements et des organisations diverses. Le principal parti est bien entendu le PDS. Mais c’est quoi le PDS aujourd’hui? En parcourant mon département de Dagana, je suis entré dans un village. Ils me parlaient de cellule et de secteur, et me montraient des cartes. Je les ai écoutés comme il se doit mais à dire vrai je me disais qu’ils vivaient un autre monde, autre monde qui a créé celui-ci il est vrai, mais monde devenu dépassé. Cellules, secteurs, sous-sections, sections, fédération des anciens, des arabisants : tout cela n’a aucune réalité pratique aujourd’hui. Le PDS existe dans tel village, dans telle ville, dans telle commune d’arrondissement parce que certains sont connus ou ont été nommés récemment (souvent contestés) ou parce que Monsieur X s’est autoproclamé SG de la localité. Il arrive des cas où le village entier adhère et auto-désigne son responsable PDS.
Les cartes ne sont pas renouvelées depuis 1996. Les militants du PDS, ils se mobilisent à l’appel de leur chef qui est seul et unique, Maître Wade et c’est tout. Osons le reconnaître. Il est exceptionnel et même accidentel qu’un chef local émerge et construise et empreinte une structure du PDS. Les structures ont joué leur rôle jusqu’en 2000. La vieille garde était épuisée, la « génération de résistance » s’achevait paradoxalement en même temps que la prise du pouvoir. Les structures se sont effondrées. Il faut reconstruire, construire à nouveau des fondations qui s’appuient sur l’ancien plan mais intègrent la vision du monde d’aujourd’hui, la vision du leader après une pratique du pouvoir et des réalités politiques en Afrique.
- Que faire ?
Il s’agit de comptabiliser les militants et de s’organiser pour occuper la nouvelle bâtisse. Trois éléments me semblent importants pour cette nouvelle mission :
- définir une nouvelle architecture
- tenir compte des éléments de l’ancienne fondation
- asseoir la bâtisse sur la base de fondamentaux
- une nouvelle architecture
Il n’y a pas mille manières de se compter dans un parti comme le nôtre : il faut placer les cartes, il faut faire en sorte que chacun militant puisse en disposer, partout où il se trouve. Dans ce placement des cartes, de nouvelles structures vont être mises en place. J’estime que l’arborescence des structures de base internes devrait être simplifiée. Les cellules ne devraient plus exister. On devrait garder simplement les secteurs, les sous-sections, les sections et les fédérations en leur donnant un nouveau contenu. La logique des cellules d’un parti d’opposition qui veut former, résister aux assauts de l’adversaire est totalement différente de la logique d’un parti déjà au pouvoir et voulant rester au pouvoir. Des cellules de 25 personnes comme unité élémentaire du parti aujourd’hui me semblent difficiles à installer et à pérenniser dans tout le pays.
Pour simplifier nous pouvons garder comme unité élémentaire la section et avoir ainsi :
- les sections de village, les sections de quartier dans les communes (si ces sections dépassent 200 militants, les scinder en plusieurs)
- les sections de communautés rurales, les sections de communes, les sections de communes d’arrondissement
La fédération existerait au niveau départemental, et la coordination régionale existerait au niveau des régions pour coordonner l’activité des différentes fédérations. Il pourrait être envisagé d’avoir une sous-fédération des sections rurales et une autre des sections urbaines.
Les principales organisations verticales sont celles des jeunes et des femmes. Il faudra probablement créer une organisation des paysans et une organisation des ouvriers du parti. Je sais bien que les comités d’entreprise existent mais ceux-ci devraient être compris comme des sections de l’organisation des ouvriers.
Les structures de direction centrales comme le bureau politique, le secrétariat national, le comité directeur sont fondamentales et devraient si elles jouaient leur rôle être la base de l’animation du parti.
- associer l’ancien au nouveau
Si le placement des cartes et les nouveaux bureaux des structures ne sont pas gérés, dans presque tous les cas, les anciens militants seront écartés puisque généralement des cas les nouveaux militants ont plus de moyens que les anciens et bien que les nouveaux ne soient pas exclusivement des « transhumants ». Beaucoup de cadres, de jeunes, de femmes, tous émerveillés par la politique du PR et ses résultats nous ont ralliés dans les dernières années. Des militants, des responsables de haut niveau de partis dits marxistes nous ont rejoints ou vont le faire dans le processus de la refondation et cela non pas parce que ce serait la prairie bleue mais « Weedi Jis boku si ». Ce processus s’est accéléré avant, pendant et après la dernière campagne présidentielle.
Des militants et des responsables de l’ancien PDS seront écartés de la nouvelle configuration du parti. Nous en distinguerons les responsables dépassés et les responsables démunis
Il est évident que certains sont dépassés par le mouvement continu du parti. Rester et répéter inlassablement « je suis de 74 » et écarter la nouvelle vague d’adhésion ne participe à construire le nouveau parti et d’une certaine manière est contre le parti de 74. Le parti devra gérer ces anciens responsables nostalgiques mais pas en tant que dirigeants. Ils ont fait leur temps. Nous avons besoin de dirigeants présents en 2007, conscients des tâches qui les attendent, capables de communiquer et d’être à l’avant-pointe des combats.
Il y a d’autres « anciens » qui perdront des renouvellements non pas parce qu’ils sont déméritants mais parce qu’ils n’auront pas les moyens de parcourir leur localité et d’entraîner la base. Le parti n’a pas encore trouvé les moyens de récompenser tout le monde. La défaite de ces « anciens » est démocratique. Personne ne devrait pouvoir inverser le résultat d’un processus démocratique. Certains d’entre eux ont sacrifié beaucoup – ils diront toute leur vie – pour le parti. Le nouveau parti a besoin de garder dans ses directions ces cadres politiques, ces éléments récupérés de l’ancienne fondation. Comment ? Dans l’interview ci-dessus citée, je donnais une esquisse de solution mais disais que la question restait ouverte. Il est fondamental de trouver une formule pouvant garantir la présence des anciens dans les nouveaux bureaux tout en privilégiant le vote démocratique des militants.
- un programme simplifié
J’estime que le programme peut être simplifié et devrait se rédiger autour du triptyque : « libéralisme politique, libéralisme économique, panafricanisme ». J’ai déjà expliqué le contenu des 3 axes programmatiques mais il est évident que le programme rédigé devrait expliquer les liens intrinsèques entre les axes et s’appuyer sur notre histoire et notre politique. Un responsable du parti, pour s’opposer à la refondation, a expliqué que nous n’avons pas changé de programme donc nous ne pouvions pas refonder. J’ai réfuté son argumentation et montré la base théorique de la refondation car le programme de 1974, même s’il a gardé ses trames essentielles, a aussi évolué. Tout évolue, messieurs, tous les jours, à tous les instants. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » disait Héraclite, il y a déjà plus de 2 millénaires et demi.
A sa création, le parti devait exister, en s’appuyant sur la loi 76-26 du 6 avril 1976 mais en dénonçant et en mobilisant contre cette loi. Une partie du programme reflète cette opposition et est circonstancielle. Ainsi le parti disait « Vous dites que nous sommes obligés de nous réclamer du libéralisme. Soit. Nous signons le document du ministère de l’intérieur. Mais dans notre programme fondamental, nous ne réclamons du socialisme démocratique ». C’était une manière de lutter contre les lois 76-26 et plus tard 78-60 du 28/12/1978 et de mobiliser les populations contre le gouvernement et sa politique en montrant le caractère ridicule de ces lois. Mais le socialisme démocratique tel qu’il est défini dans le programme ressemble étrangement au libéralisme social théorisé plus tard par Maître Wade et pris en charge par le PDS. Certaines grandes idées inscrites dans le programme (case des tout-petits, bassins de rétention dit alors de captage etc.) ont déjà eu un contenu dans la vie. Certaines argumentations par exemple étaient contextuelles (Oncad etc.). Les quatre chapitres (projet de société du peuple sénégalais, organisation économique et gestion socialiste, Relations extérieures, Front National) devront être à nouveau rédigés, restructurés, refondus dans un nouveau programme fondamental.
J’ai explicité ma position et j’espère avoir convaincu. Tel était mon unique objectif. Nous voulons massifier davantage le parti qui sera l’instrument politique de pérennisation de l’action et de la pensée de Wade. Ce parti de Maître Wade, renforcé, modernisé, devra se transformer impérativement en parti du wadisme. D’autres frères et sœurs, d’autres responsables, ont des positions différentes ou ne jugent pas important ce débat. Notre expérience de la politique nous fait penser qu’il vaut mieux débattre, comprendre avant de s’engager dans la construction, surtout dans cette phase déterminante pour notre parti et notre pays. Nous savons bien que la paille des mots ne saurait remplacer le grain des choses. Ce débat n’a de sens que si, quelle que soit son issue, quelles que soient les formes transitoires ou définitives de l’organisation et de l’orientation, quelles que soient les places que nous occuperons les uns et les autres, nous nous engageons, de manière pratique, à défendre et à construire le PDS Nous avons les moyens d’atteindre nos objectifs. Encore une fois, notre doctrine, notre gestion de l’Etat et notre unité seront nos principaux atouts pour exister et bâtir un avenir pour le Sénégal et pour l’Afrique.
Oumar SARR, Ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction
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