« Un pays fait son histoire, mais subit sa géographie », répétait le chancelier prussien Bismarck. Cette bribe de leçon élémentaire de la géopolitique n’a cessé de prendre un relief singulier au sud du Sénégal. Hier, les ondes de choc de la lutte de libération nationale en Guinée-Bissau, éprouvèrent durement le Sénégal ; aujourd’hui, les vicissitudes l’actualité grise voire noire du pays de feu Malan Beccai Sanha, inquiètent profondément le Sénégal.
Question légendaire de Lénine : que faire ? Rien d’autre que s’accommoder des mœurs de cet Etat géographiquement voisin mais politiquement aux antipodes.
C’est ce que Senghor avait fait ; c’est ce qui s’était imposé à Diouf. Et voilà que Wade se coltine, à son tour, la très pesante équation bissau-guinéenne. Exercice politique et géopolitique d’autant plus délicat que l’accommodement ne rime pas avec la confiance, prélude à l’amitié. Le topo : pérenniser une étroitesse des relations bilatérales qui réduit – à défaut de supprimer – toute marge de nuisance en Casamance.
Telle fut, au demeurant, la ligne du Président Senghor qui, de 1960 à 1980, planifia (avec un mélange d’intelligence et d’ambiguïté) une politique complexe de voisinage, successivement avec la colonie portugaise, et avec l’Etat souverain de Guinée-Bissau. D’où les vingt ans de contacts suivis entre Lisbonne et Dakar, d’une part ; et d’autre part, les deux décennies de rapports cordialement méfiants ou chaleureusement vigilants entre le premier Président du Sénégal et les deux premiers dirigeants du peuple bissau-guinéen : Amilcar Cabral et Luiz Cabral.
Dans un contexte de fièvre
nationaliste, de déclin du colonialisme et d’âge d’or idéologique (paroxysme de
la guerre froide) en Afrique, Senghor avait su manœuvrer tous azimuts, pour
stabiliser le flanc sud du Sénégal. Membre fondateur de l’Organisation de
l’Unité Africaine (OUA) le Sénégal avait, bien entendu, fait siens les idéaux
de
A ce titre, le socialiste (et
pro-occidental) Senghor aida effectivement le Parti africain pour la libération
de
C’est pourquoi, le Sénégal soucieux
d’avoir son fer au feu (en dehors du fer de l’OUA) suscita, finança et parraina
en Guinée Bissau, un mouvement de libération, ouvertement rival au Paigc,
dénommé Front de libération nationale de
Ainsi, les Casamançais projetés
en première ligne par la géographie, payèrent un lourd tribut, au cours des
années 70, pour la libération de ce pays voisin. Jusqu’à présent, les localités
de Samine et de Tanaffe portent les marques dramatiques des bombardements des
avions « Fiat » que l’Otan fournissait à l’armée du régime
politiquement fasciste et économiquement exsangue du duo Salazar et Caetano. L’armée
sénégalaise perdit également des soldats et des officiers, le long de la
frontière. Ironie navrante de
l’Histoire, c’est un Président du Sénégal (oublieux de ce passé récent et
sanglant chez lui) qui ira donner sa bénédiction à l’action de l’aviation de
l’Otan contre un autre pays africain :
C’est précisément à cette époque, par le biais des épreuves partagées entre Guinéens de Bissau et Casamançais, qu’une sorte de dette ou de pacte du sang a vu le jour, puis soudé secrètement beaucoup de responsables du Paigc à tout leadership dans le sud du Sénégal. Y compris celui du Mfdc. Ce qui n’a jamais exclu du côté de Bissau, bien au contraire, le jeu classique de tout Etat désireux de conforter ses intérêts chez le voisin, en utilisant toute carte disponible (le Mfdc en est une) comme moyen de pression.
Phénomène que le Président Abdou Diouf a rudement éprouvé dès son accession au pouvoir. En effet, un contentieux né du vieux tracé de la frontière maritime, à la hauteur du cap Roxo, va entrainer de brefs accrochages entre les armées des deux pays. Une tension qui a conduit les deux Etats à accepter la saisine conjointe d’un tribunal arbitral à Genève. Le 31 juillet 1989, le tribunal présidé par l’Argentin Julio Barberis a rendu son verdict qui consacre juridiquement les prétentions sénégalaises sur la portion de mer (litigieuse) située entre les parallèles 220 et 268.
Mais, le Président Nino Vieyra
doublement conscient de la vulnérabilité du Sénégal en Casamance, et de
l’excellent atout qu’est le Mfdc, a rejeté le verdict de Genève, dans une
conjoncture régionale où Dakar était au bord de la guerre avec
Une faveur qui n’a pas désarmé les Guinéens ; puisque la collusion entre l’entourage du Président Nino Vieyra et les rebelles du Mfdc a culminé de façon explosive, avec la découverte, en 1998, d’un trafic d’armes. Un scandale qui a eu trois conséquences : la mutinerie du Général Ansoumana Mané ; le déclenchement de l’opération Gabou et la chute de Nino. Et un quatrième et positif résultat, à savoir l’arrivée au pouvoir, par les urnes, du chef de l’opposition, Kumba Yalla.
Lorsqu’en mars 2000, Abdoulaye
Wade est élu Président du Sénégal, c’est le Général Ansoumana Mané, auteur de
la mutinerie victorieuse, qui est aux commandes de l’Etat guinéen. Période de
réelle et réciproque aversion entre les deux hommes de formation et de
trajectoire très opposées. Officier courageux au feu mais analphabète en
politique, Ansoumana Mané est le contretype de l’universitaire accompli et
magicien des idées qu’incarne le renard Wade. Il s’y ajoute que
Mais si les nuages ont maintenant
disparu au plan bilatéral, il en va autrement à Bissau, avec la houle qui n’a
cessé de balayer l’échiquier politique.
Au point d’en faire une espèce de Triangle des Bermudes où les hommes
d’Etat ou chefs de partis passent et trépassent. Et à quelle allure ?
Depuis 17 ans, aucun Président élu n’a bouclé son mandat. En outre, trois chefs
d’Etat-major des armées ont péri par le feu : les généraux Ansoumana Mané,
Verissimo Correa et Tagme Na Wai. Enfin,
Il va sans dire que telles mœurs
politiques ne présagent pas d’une succession constitutionnellement correcte.
Une perspective chargée d’inquiétudes pour le Sénégal qui subit les pesanteurs
de la malgouvernance d’un pays qui constitue militairement (avec
Mille et une raisons, historiques et géopolitiques, commandent au
gouvernement sénégalais de décrypter le vide vertigineux qu’entraîne –
provisoirement ou durablement – la mort du dernier monstre sacré de l’odyssée
guerrier et politique du Paigc : Malan Beccai Sanha. Un impératif que
renforce l’irruption d’acteurs extra-régionaux comme l’Angola et le Portugal
qui, par le truchement de
33 Commentaires
Fatick
En Janvier, 2012 (10:15 AM)c'est toujours été comme ca depuis nino vieira jusqu'a becai sagna
le senegal veillera discretement sans tambours ni trompette à ce que le prochain president soit dans notre poche
nous aimons le peuple de guinée bissau c'est pour ca nous avons un oeil dessus
Dxb
En Janvier, 2012 (10:16 AM)Góorgi Jóop.
En Janvier, 2023 (04:33 AM)Ndarla
En Janvier, 2023 (04:56 AM)Reply_author
En Janvier, 2023 (09:03 AM)Angelique Manga
En Janvier, 2012 (10:17 AM)il sécurise la frontière comme ca nous on ne se salit pas les mains ,
l'aide au developpement de ce pays est toujours obtenu grâce au soutien de Dakar
la forte colonie manjack de dakar entretient ces liens et nous permet de garder l'oeil sur ce voisin instable
Le Feu
En Janvier, 2012 (10:20 AM)Trek
En Janvier, 2012 (10:28 AM)Tassmil
En Janvier, 2012 (10:35 AM)Leo Kor Dioor
En Janvier, 2012 (10:51 AM)Messieurs de SENEWEB, par respect, publiez des articles complets ou bien relisez avant de publier... Avez-vous remarqué la chute de cet article (Voir ci-dessus).
Kalachnikov
En Janvier, 2012 (10:58 AM)Le Con Lol
En Janvier, 2012 (11:00 AM)Ibson14
En Janvier, 2012 (11:04 AM)On l'aime bien nous!
Filho Da Africa
En Janvier, 2012 (11:04 AM)Il est bien vrai que les états sont supposeés ne pas avoir d'amis mais ont des interets. Or la Guinée Bissau sont des pays amis dont les peuples sont frères et ont des interets communs. Il n'y à pas si longtemps nous étions partie intégrante du même empire.
Africains levons nous et prenons en mains nos destins pour l'avenir de nos enfants
Thiaba
En Janvier, 2012 (11:21 AM)Manguo
En Janvier, 2012 (11:32 AM)Pinthu
En Janvier, 2012 (11:46 AM)Bien
En Janvier, 2012 (12:13 PM)Cachotier
En Janvier, 2012 (12:25 PM)Mais monsieur dit les choses à moitié...
mais il me semble que son peut etre claifié:
J'ai vu ailleurs que,
-l'Angola est Pro-Gbagbo,
-comme Jammeh est Pro-Gbagbo
-et la Guinée-Bissau post Becaye Sagna est non seulement Pro-Gbagbo mais Pro-Kadhafi...
Ce qui veut dire que Wade devrait après la prière à Touba retourner illico au Sénégal pour gérer la question géo-politique qui risque d'être "dynamique" en 2012
Il y a danger pour notre cher bien aimé Sénégal ....
Lisez le blog de mon ami et frère akandijack sur Wordpress, il a publié un article sur ce plan mais il l'a retiré. Dommage
Contribution
En Janvier, 2012 (12:29 PM)Amilcar Cabral
En Janvier, 2012 (13:01 PM)Cabral Francisco Fadul
En Janvier, 2012 (13:45 PM)Paco
En Janvier, 2012 (15:26 PM)Akan
En Janvier, 2012 (17:03 PM)Johnny Cash
En Janvier, 2012 (17:26 PM)Abatroses
En Janvier, 2012 (18:17 PM)Vivant en Guinée Bissau, je trouve que l'auteur a exactement relévé les problèmes en cours surtout sur le cas des pays extra-regionaux.
'est pourquoi, l prochain candidat au Sénégal doit tenir compte de ces enjeux stratégiques
Gardera
En Janvier, 2012 (18:55 PM)Bis
En Janvier, 2012 (19:18 PM)Si l'on devait choisir entre ces deux pays le choi serai difficile
mon cher il ne se passera jammais rien entre ces deux pays parceke on est frére
ON EST FRERE ET POUR LA VIE
Salazar
En Janvier, 2012 (22:58 PM)Sea Shepherd Bijago
En Janvier, 2012 (01:05 AM)Aguentas
En Janvier, 2012 (02:14 AM)Africando Aragon Maloja
En Janvier, 2012 (02:43 AM)Laba Sosseh El Maestro
En Janvier, 2012 (02:50 AM)Havana
En Janvier, 2012 (03:41 AM)Hulalene
En Janvier, 2012 (11:02 AM)La zone en litige est comprise entre les parallèles 12°N et 13°N; je ne comprends pas d'où vient 220 et 268
d’autant plus que la latitude est comptée de 0 à 90° et la longitude de 0 à 180°
Diatta Aline Sito
En Janvier, 2012 (21:41 PM)Participer à la Discussion