Du point de vue anthropologique et même épistémologique, il est extrêmement grave que l’Afrique en ce nouveau millénaire, continue à être à la traîne concernant des domaines centraux de la société, plus particulièrement la justice où on peut soupçonner l’influence étrangère d’où nous tenons nos règles en matière judiciaire et politiques pénales.
Même dans ce domaine, nous sommes incapables de définir l’indépendance de nos structures judiciaires. Ça devient un problème anthropologique parce qu’on doit remonter dans l’histoire pour comprendre cette incapacité des Africains à se définir à leur justice.
Nous avons traversé des siècles d’esclavage, s’en est suivie la colonisation avec des mentalités et des comportements inféodés à un système qui aujourd’hui se traduit dans notre subconscience par le refus de s’émanciper et de s’adapter par rapport aux nouvelles donnes mondiales.
Nous avons aussi hérité des textes qui ont été établis à des moments de l’histoire, aujourd’hui inadaptés, mais auxquels nous continuons à donner force parce que, nous sommes toujours enfermés dans ce carcan du suivisme. Et c’est ça le problème aujourd’hui pour ceux qui ont adopté le système, car ils sont incapables de penser par eux-mêmes mais ils sont obligés d’attendre des évolutions qui viennent de l’extérieur pour faire penser quelque chose à minima. Il n’y a aucune œuvre originale, expression d’une bonne administration de la justice et avec une incidence dans l’indépendance de la même justice venant de l’Afrique. L’exemple de ceux qui ont adopté le système français en matière de justice, un système basé sur le modèle inquisitoire avec la prééminence du parquet comme élément moteur de toute la procédure pénale. Ce système a connu une évolution grâce à la convention européenne des droits de l’homme signée par la France à laquelle, elle a accepté de s’y conformer.
Contrairement aux pays africains qui n’ont aucune notion de respect des chartes qu’ils ont signées, la France a été épinglée par la Cour européenne des droits de l’homme sur cette prééminence du parquet par rapport aux autres parties dans un procès.
Ce qui a amené un changement avec la mise en place de la réforme du juge des libertés et de la détention qui instaure un débat contradictoire lorsque la liberté d’une personne est en cause dans le cadre d’une procédure.
Le parquet doit représenter la société mais pas l’Etat, c’est ce qui fait que l’indépendance de la justice pose problème parce que le procureur est un procureur d’un gouvernement et non de la république.
Faire prendre des réquisitions au procureur de la république dans le sens de l’intérêt d’un gouvernement, c’est ignorer le rôle d’un parquet. La seule perspective qui peut sauver le système judiciaire africain et préserver la paix dans le continent, c’est de lier les deux systèmes : le système inquisitoire hérité du colon pour ce qui est du système français et le système accusatoire qui réintroduit le débat et l’équilibre des parties.
Faire en sorte que le parquet, dans les matières aussi sensibles à définir, qu’il ne puisse pas recevoir d’injonctions de la part du ministre de la Justice.
L’autre alternative, c’est la possibilité de permettre à des citoyens de mettre en jeu la responsabilité des magistrats en cas de défaillance dans le processus juridictionnel.
Boubacar Sèye
Chercheur en migrations internationales
Président d’Horizon Sans Frontières
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