L’éternel problème du DUT (Diplôme universitaire de Technologie)
A l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar (ESP), un climat de guerre y règne depuis quelques jours. Les étudiants réclament l’application des décisions prises au conseil d’administration ayant eu lieu le lundi 15 décembre 2010 stipulant qu’il n’y a pas de dut payant dans cette école. Mais en quoi consiste réellement ce dut payant ?
Un peu d’histoire
Auparavant, pour accéder à l’ESP, il fallait passer un concours au mois de juin permettant de choisir la crème de la crème parmi les bacheliers qui avaient postulé. Ainsi, les sélectionnés allaient suivre une formation de deux ans qui serait sanctionnée par un DUT (Diplôme universitaire de technologie). Après l’obtention du DUT, pour continuer les études dans cette même école, deux choix se posaient : faire un DIT (Diplôme d’ingénieur technologue) ou un DIC (diplôme d’ingénieur de conception). Il faudrait préciser que toutes ces formations précitées étaient publiques et le choix très sélectif. N’accédez pas à ces formations qui le voulaient. Le DIT était beaucoup plus choisi par ceux qui préféraient faire 4ans de formation après le bac et non 5ans. Pour les DIC, on choisissait les meilleurs de la classe, parfois 2 ou 4 ou 8. Tout dépendait de la branche qu’on suivait que cela soit génie chimique, mécanique, informatique ou électrique. Les étudiants qui avaient réussi à suivre ces formations que cela soit le DUT, le DIT ou le DIC avaient la possibilité d’avoir une chambre dans le campus social, bénéficiaient de tous les services du COUD (Centre des Œuvres Universitaires de Dakar) et avaient aussi une bourse nationale.
Les années passaient, et une nouvelle formation fut créée. Il s’agissait du DST (Diplôme Supérieur de Technologie) qui a été mis sur pied pour ceux qui n’avaient pas eu la chance de réussir au concours d’entrée du mois de juin. Le prix de la formation variait en fonction de la branche qu’on voulait suivre. Dans la même optique, pour permettre à ces étudiants qui avaient leur DST de pouvoir continuer leurs études dans l’école, de même que ceux qui n’avaient pas la possibilité d’accéder au DIC, il leur avait été offert la possibilité de continuer leur formation en DIT moyennant une forte somme d’argent. C’est ce qui explique que par la suite, le DIT est devenu entièrement privé. Aucun étudiant ne peut espérer aujourd’hui y accéder sans payer.
Depuis trois ans, et toujours dans la même optique de leur soif d’argent, deux départements : génie électrique et génie mécanique se sont emparés du DUT et veulent en faire un diplôme payant. Doit-on les laisser faire ?
Le dut payant proprement dit
Comme cela a été souligné plus haut, le DUT a toujours été un diplôme public. N’y accédaient que ceux qui réussissaient au concours d’entrée et il a été bien écrit dans l’article premier du décret portant organisation et fonctionnement de l’ESP que c’est un établissement public à vocation interafricaine. Pourtant, deux départements à savoir génie électrique et génie mécanique se sont permis de recruter des étudiants pour leur donner au bout de la formation un DUT moyennant à la fin de chaque mois une somme d’argent supérieure ou égale à 100000f CFA. Depuis quand, de simples professeurs ont-ils le droit de créer de nouveaux diplômes? Le pire c’est que, contrairement aux autres départements, où tout l’argent passe par la caisse centrale de l’école, dans ces deux départements l’argent rentre directement dans leur poche. Un professeur faisant partie de ceux qui ont créé ce dut payant a été questionné sur ce sujet et il soutient ceci : « j’ai des enfants, ils vivent au Sénégal, ils étudient au Sénégal. J’aimerai bien les amener en France par exemple pour qu’ils y poursuivent leurs études mais je n’en ai pas les moyens hélas. Pourtant les professeurs des autres départements gestion ou encore informatique n’ont pas leurs enfants au Sénégal, ils sont tous à l’extérieur et les miens sont au Sénégal. C’est pourquoi je tiens vraiment à ce qu’il y ait cette formation de dut payant afin que je puisse emmener mes enfants loin d’ici ». Tels ont été les propos de ce professeur. Doit-on passer par mille chemins pour vous faire comprendre que ces professeurs là n’y voient que leur intérêt ?
Le Comité Exécutif des Etudiants (CEE), amicale chargée de défendre les intérêts des étudiants du DUT et du DIC, ne compte pas les laisser faire. A l’année scolaire 2009-2010, ils ont menés une rude bataille qui leur a permis d’avoir un protocole d’accord stipulant qu’il n’y avait pas de dut payant pour le moment. Mais cette année ci, ce protocole a été violé par ces deux départements qui ont encore recruté des étudiants en dut payant. C’est pourquoi le CEE s’est encore levé pour ne pas permettre à ces départements d’arriver à leur fin. Le directeur de l’école mis au courant a adressé un bon nombre de correspondances aux différents étudiants qui étaient inscrits en dut payant pour leur expliquer qu’ils n’avaient pas le droit d’être ici. Il s’est déplacé par la suite jusque dans leur classe pour le leur dire de vive voix. Aux étudiants étrangers de ces classes, il a adressé des correspondances à leur ambassade pour les mettre au fait. Le CEE, aidé par les étudiants, a mené aussi de son coté un bon nombre d’actions empêchant à ces individus recrutés en dut payant de ne pas faire cours. Cela a conduit à la tenue d’un Conseil d’Administration (CA) dans les plus brefs délais. Ce CA a eu lieu le 15 novembre dernier et avaient été présents le recteur de l’université, le directeur de l’ESP, les chefs de département, le représentant du ministre, les représentants des professeurs… Pour statuer donc sur ce dut payant, ils ont procédé à un vote et la décision qui y a été prise était qu’il n’y avait plus de dut payant. Mais le Procès verbal tarde à sortir, les étudiants recrutés en dut payant continuent toujours à faire cours dans les locaux même de l’ESP. Et pire, juste après que la décision du CA fut tombée, les professeurs du département mécanique se sont permis de suspendre les cours pendant une semaine empêchant ainsi aux étudiants du DUT « normal » de faire cours. Ce qui n’a pas manqué de frustrer plus d’un. Pourtant, ce que veut le CEE est simple c’est juste l’application des décisions prises au conseil d’administration. Pourquoi ce PV tarde t-il à sortir ?
Pour se faire entendre, les étudiants de l’ESP ont eu à fermer toutes les portes de l’école le jeudi dernier empêchant ainsi toute activité dans l’école. Sans résultat, ils ont bloqué la corniche le vendredi en kidnappant un bus Dakar Dem Dikk. Cela a entrainé l’arrivée massive des GMI, qui ont capturé un étudiant de l’école et en ont blessé certains autres. L’étudiant capturé a reçu des gifles, des bastonnades et des coups de pieds de la part des GMI. Heureusement qu’il a pu s’enfuir quand tous les GMI étaient beaucoup trop occupés à lancer des lacrymogènes aux étudiants. Et depuis ils ont assiégé l’ESP, y passant même leurs nuits à faire du thé et à jouer aux mots fléchés.
Ce lundi 13 décembre, les étudiants avaient encore décidé de bloquer les portes quand ils y ont trouvé les GMI. Ces derniers leur en ont empêché et subitement c’était la guerre entre eux : GMI contre étudiants. Des étudiants qui n’avaient que leurs pierres contre des GMI qui ont leurs lacrymogènes qui lancent même du coté des chambres. Ils ne se limitent même plus à la porte de l’école, mais sont entrés jusque dans le campus universitaire. En un moment donné, ils ont commencé à entrer dans les pavillons des étudiants et nul ne sait ce qui se serait passé s’ils avaient eu l’autorisation d’entrer jusque dans les chambres. Pour l’instant il campe dans le jardin du campus attendant impatiemment le premier pas des étudiants.
Ce qui est sur c’est que le dut payant est devenu un problème délicat. D’une part des professeurs qui n’ont aucune autorité dans l’école, qui se permettent de faire de l’insubordination caractérisée ; d’autre part des étudiants, soucieux de leur avenir, voulant que leur diplôme continue à valoir le même prix. Disons nous la vérité, est ce que ces étudiants n’ont-ils pas raison ? Pour une école qui enregistre presque 4000 étudiants dans le privé, si on ose ajouter à cela des étudiants qui auront un dut payant, pensez vous que ce DUT aura toujours la même valeur quand l’école formera 2000, 3000 ou 4000 DUT par an ? Que ferons-nous quand toute l’école sera privatisée ? Avez-vous pensez à ceux qui vivent au fin fond du Sénégal, qui n’ont pas les moyens de se payer leurs études, pourront ils espérer un jour faire des études supérieures ? Devrions-nous substituer l’argent au mérite? Et si ces professeurs ont senti que ceux qui sont recrutés en dut payant sont aptes à avoir un dut pourquoi ne les ont-ils pas tout bonnement recrutés en dut normal c'est-à-dire non payant ?
Méditez là-dessus et choisissez votre camp !
10 Commentaires
Wakh Deug
En Décembre, 2010 (21:59 PM)Reply_author
En Mai, 2021 (10:05 AM)Ept
En Décembre, 2010 (22:06 PM)Footbabs
En Décembre, 2010 (23:34 PM)Fc Thies
En Décembre, 2010 (23:34 PM)Dit 2o1o
En Décembre, 2010 (11:00 AM)Sans Nom
En Décembre, 2010 (11:17 AM)Polytechnicien
En Décembre, 2010 (12:54 PM)Sss
En Décembre, 2010 (13:56 PM)Wakhdeugdé
En Décembre, 2010 (14:57 PM)Sans Nom
En Décembre, 2010 (11:33 AM)Participer à la Discussion