
Le Sénégal a vécu hier un jour pas comme les autres. Des députés en plénière étaient en train de voter une loi, au même moment, devant l’Hémicycle, des milliers de personnes manifestaient leur désapprobation par rapport au projet de loi constitutionnelle qui allait être voté pour l’institution de l’élection simultanée du président et d’un vice-président de la République au suffrage universel direct.
Le Sénégal a vécu hier un jour pas comme les autres. Des députés en plénière étaient en train de voter une loi, au même moment, devant l’Hémicycle, des milliers de personnes manifestaient leur désapprobation par rapport au projet de loi constitutionnelle qui allait être voté pour l’institution de l’élection simultanée du président et d’un vice-président de la République au suffrage universel direct.
Ce fut une journée longue, très longue même, eu égard à l’angoisse qui a étreint le cœur de millions de Sénégalais qui, à travers la radio, la télévision ou Internet, suivaient les manifestations à Dakar, la capitale, ainsi que dans plusieurs régions du pays.
Une journée porteuse de dangers car les manifestants, face à des forces de l’ordre dont il faut saluer ici le courage, la sérénité et le professionnalisme, ont fait usage de la violence à certains moments, à travers des casses et autres actes à déplorer.
Mais, au-delà de la peur suscitée par cette folle journée, qui faisait redouter le pire pour notre démocratie et particulièrement pour les populations, la raison a prévalu lorsque les députés de la majorité, sensibles à la délicate situation porteuse de dangers, ont, après concertation, décidé de ne pas voter le projet de loi. Dans le même temps, juste après la reprise des travaux, le ministre d’Etat, ministre de la Justice, porteur du projet de loi, informait l’Assemblée de la décision prise par le président de la République de retirer le projet, source de toutes les controverses.
Les autorités religieuses, jouant leur partition, étant par essence des relais sociaux très importants dans un pays comme le Sénégal, ont convaincu le chef de l’Etat de faire procéder au retrait du projet de loi constitutionnelle.
Cette sage décision a permis de désamorcer une bombe sociale aux conséquences lourdes de menaces. Les télévisions ont servi en boucle le film des manifestations aux quatre coins de la capitale et certaines scènes des régions. Fidèle à ses convictions de démocrate, qui a toujours affirmé qu’il ne marcherait pas sur des cadavres pour accéder au pouvoir, Me Wade a favorablement répondu à cette demande des autorités religieuses, musulmanes comme chrétiennes, de toutes les familles confrériques unies.
L’appel à la paix et à la sérénité a été entendu par le premier magistrat du pays, ainsi que par les députés, par essence représentants du peuple.
Au regard de la grave situation qui prévalait hier, il ne pouvait en être autrement. En aurait-il été ainsi dans d’autres pays ? Ce n’est pas sûr, ni évident.
L’exception sénégalaise a prévalu avec une mention spéciale à tous ces chefs religieux qui n’ont ménagé aucun effort dans cette quête de paix et de stabilité.
Tout au long de la journée d’hier, ils ont fait entendre leur voix, appelant à la paix et au calme sur les ondes. Par le biais du téléphone aussi, ils ont mené des concertations que le commun des Sénégalais n’a pas perçu. Dans un élan uniforme, mus seulement par le désir de préserver la stabilité sociale, ils ont honorablement joué leur partition. Leurs efforts n’ont pas été vains parce qu’en fin de journée, ils ont eu gain de cause, obtenant que le président Wade retire le projet de loi constitutionnelle.
Il a été dit et redit que le rôle des chefs religieux et de leurs familles confrériques s’est presque toujours affirmé à chaque fois que des crises majeures ont secoué le pays. Cette responsabilité fondamentale de stabilisation sociale a été bien portée hier par ces leaders.
Ce n’est pas la première fois que le Sénégal traverse, dans son histoire politique, de l’indépendance à nos jours, des moments de crise opposant des chapelles politiques autour d’enjeux de pouvoirs, ou des crises sociales profondes mettant en prise l’Etat et des centrales syndicales.
Mais, à chaque fois que les positions se sont cristallisées jusqu’à mener à un point de non retour, à un point de rupture, leur discrète et efficace médiation a toujours permis de dépassionner les débats et de désamorcer la crise.
Il est évident aussi que le président Wade a reçu certainement des appels émanant de chefs d’Etat de pays amis pour qui le Sénégal constitue une référence en matière de stabilité démocratique et sociale en Afrique de l’Ouest.
Notre pays doit impérativement préserver cette place tant enviée. Appréciant également à sa juste valeur le rôle de l’opposition, qui a joué sa partition, à savoir s’opposer au vote du projet de loi qui ne le rassurait point par rapport à l’élection présidentielle de 2012, le chef de l’Etat a donc pris une mesure qui va dans le sens de l’apaisement, de la concorde et de la paix sociale tout en renouvelant, à travers le communiqué du Conseil des ministres d’hier, sa disponibilité à poursuivre des discussions approfondies sur le projet de loi.
Ce faisant, comme l’adit le ministre d’Etat, ministre de la Justice, répondant donc aux « préoccupations » des députés de la majorité et de l’opposition, le président Wade a été à l’écoute de son peuple. Il revient à un parti au pouvoir d’initier des lois comme il est de la responsabilité d’une opposition de manifester sa désapprobation, à travers des manifestations pacifiques.
Malheureusement, la journée d’hier a été le point d’orgue d’actes de violences qu’il faut regretter. Il faut que la sérénité prévale, quels que soient les points de divergence entre le pouvoir et l’opposition.
Des scènes apocalyptiques venues de pays africains comme la Côte d’Ivoire, la Tunisie, l’Egypte, etc. doivent enseigner que la violence n’est que le lit de la déchéance pour un pays.
Dans un pays où les populations votent depuis plus d’un siècle, où donc les joutes électorales ne sont point une nouveauté, il est possible, en empruntant les voies du dialogue, de trouver des solutions partagées aux problèmes qui opposent le pouvoir et l’opposition.
Les chefs religieux ont donc une autre carte à jouer pour rapprocher les positions. Aujourd’hui, le dialogue s’impose entre le pouvoir et l’opposition. Les positions cristallisées doivent être dépassées pour l’intérêt du Sénégal, de son peuple et de l’avenir de ses enfants.
Le président de la République a réitéré, hier, son ouverture au dialogue, appel repris par les autorités religieuses. L’opposition doit saisir cette main tendue. Impérativement ! Dans le jeu démocratique, les seuls grands vainqueurs doivent être le peuple et la démocratie.
Par Cheikh THIAM
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