L’idée de poser la question de savoir si on devrait supprimer les élections présidentielles me taraude l’esprit de plus en plus. Je pensais même à plus. Tenez-vous bien ! Je suis même entrain de réfléchir sur comment vivre dans une société sans Etat. Un pays sans état, cela ressemblerait à quoi ?
Mais en attendant, essayons de voir s’il faudrait supprimer les élections présidentielles ? Cette question n’est pas incongrue pour la bonne et simple raison qu’il y a beaucoup de pays où elles n’existent pas du tout. Elles n’existent pas au sens qu’elles ne s’effectuent pas à partir du suffrage universel (Israël, Italie, etc.). Elles n’existent pas non plus parce que ce peut être un régime monarchique ou discrétionnaire (Maroc, Singapour, Libye, Myanmar, etc.).
Mais, dans une certaine mesure, quand on se demande s’il faudrait supprimer les élections présidentielles, on se résoudra au fait qu’elles ne servent à rien ou que si elles servent à quelques choses, elles produisent beaucoup plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.
On peut supposer que c’est le cas de plusieurs pays africains, et en particulier de ce pays qui se veut phare de la démocratie africaine, en l’occurrence le Sénégal.
Ce pays qui d’une part, tient son président comme un roi, ou à défaut comme « le propriétaire du pays », se laisse gouverner ou régenter comme si ce président était un omnipotent, un omniscient, un démiurge quoi !
D’autre part, on pense que s’il est omni, c’est … vore et non potent ou scient! Et après avoir fini de se convaincre de son… omnivoracité, il met tout en œuvre pour se pérenniser au pouvoir, quitte à mentir, à inonder, à lécher les bottes des mourides ! Drôle de président ! Guignol des infos ! Pantin ambulant !
Voilà, omnipotent ou omnivore, c’est à cette situation qu’il ne faudrait jamais parvenir. Les jugements que l’on peut avoir sur un président ou une présidente sont sans doute toujours exagérés, mais il n’en demeure pas moins vrai que cette stature ou cette station pour parler comme un autre omnivorace, cristallise ou suscite beaucoup de passions de part et d’autre. Et si on est un peu sérieux, on verrait qu’un seul individu ne peut pas faire le malheur ou le bonheur de tout un peuple, même s’il est très prétentieux comme goorgi !
Cependant, on peut observer que cette stature de président de la république ou de chef présente une autre facette sacrificielle ou de bouc-émissaire qui fait qu’au lieu de voir le mal partout et que tout le monde se tape dessus, on se défoule sur le chef en ne votant pas pour lui lors des prochaines élections. Et c’est un éternel recommencement !
Que se passe-t-il lors des élections ? Au début, c’est l’état de grâce, tout ce que le président fait, c’est bien. Après vient le temps de la disgrâce. Tout ce qu’il fait, c’est mauvais, haram et on va même jusqu’à le rendre responsable de tous les maux du pays.
Avant dans certaines contrées africaines ou indiennes, quand il y avait épidémie, risque de guerre, ou autres maux, on mettait à mort le chef, le plus vieux ou le plus vil. On trouvait toujours un bouc-émissaire. Ce qui serait mieux qu’une chasse aux sorcières ou une guerre aux conséquences désastreuses.
Maintenant, reste à savoir si on aurait une situation moins accaparante si on avait un régime autre que présidentiel ?
Il semble que dans les vraies démocraties, l’essentiel ne réside pas totalement dans les élections, encore moins dans le régime, mais dans les mécanismes employés pour éviter qu’un ou plusieurs individus, qu’un ou plusieurs groupes ne monopolisent quoique ce soit ou ne décident de ce qu’on appelle « l’Etat d’exception ».
On a inventé plusieurs dispositifs ou plusieurs machins : équilibre des pouvoirs, parallélisme des formes et autres trucs dont les défauts ne se trouvent point dans les théories, mais dans les pratiques. Ainsi, on peut affirmer que même si on avait un autre régime tant que les pratiques ne seront pas contrôlées ou contrôlables, ce sera du pareil au même. On se focalisera toujours sur quelqu’un ou quelques uns !
Ainsi, une autre question essentielle serait de savoir ce qui fait qu’en Afrique, au Sénégal, les pratiques ne sont pas républicaines, c’est-à-dire qu’on néglige ce principe universaliste qui voudrait qu’on ne reconnaisse que le citoyen abstrait, qui ne pourrait donc être défini par aucune qualité religieuse, sociale, culturelle, sexuelle, territoriale ou autre.
Il semble que l’explication la plus appropriée serait de dire que les sociétés africaines, et donc sénégalaises, sont des sociétés qui fonctionnent encore non pas sur la base de « la préférence nationale » (qui, il faut le reconnaître, est une forme de communautarisme), mais sur la base des ces préférences ethnique, tribale, parentale, familiale ou religieuse. Toutes des préférences par ressemblance qui ne contribuent pas à une certaine consolidation nationale, et qui ne poussent pas à l’instauration d’un Etat républicain. Ce qui veut dire que dans l’Etat, il y aura des manifestations non républicaines à plus d’un titre. Un état quel qu’il soit est souvent à l’image de la société dans laquelle il évolue. Parfois, il arrive qu’il soit autre que la volonté du peuple en louvoyant(en démocratie) avec ce peuple ou en se transformant en dictature (en autocratie).
Dans tous les cas de figure, on reconnaitra qu’élections présidentielles ou on, c’est du pareil au même dans la mesure où ce qui importe ce n’est pas le mode de désignation du chef, encore moins le chef, mais les mécanismes ou les dispositifs mis en œuvre de concert pour qu’aucun individu ou groupe ne puisse décider seul ou monopoliser quoique ce soit dans un pays. Donc, que ce soit Abdoulaye Wade, Niasse, Tanor, Idy, Niokhobaye, Goormak, Farba, Kenbougoul, Penda, Fatou, Dibor ou Aline, c’est la même chose !
Mamadou Moustapha WONE
Sociologue
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