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Il arrive un moment où le principe de l'identification ne peut et ne doit plus être circonscrit ni subordonné aux circonstances de temps de d'espace.
Et quand ce moment arrive, toute précaution et tout instinct de conservation deviennent secondaires. Ils ne peuvent trouver de sens que lorsque cet instinct de conservation se justifie par la célébration de ce qui nous semble plus important, plus essentiel et surtout plus juste que la seule salvation de notre intérêt immédiat : notre humanité partagée, incompressible et invariable.
Ce moment est arrivé pour tous les noirs du monde, ce moment est arrivé pour tous les êtres humains du monde ; ce moment est arrivé pour l'humanité tout entière.
Docteur Martin Luther King nous rappelait avec conviction et de manière poignante que l'injustice quelque part est une menace de la justice partout ; mais pour le cas des noirs cette injustice a été et reste présente partout et tout le temps aussi loin que notre mémoire peut nous mener. L'assassinat en pleine lumière du jour de notre frère George sous le genou vicieux et tyrannique du policier blanc n'est que la métaphore morbide d'un traitement déshumanisé et immoral du noir par la race blanche. Une race qui s'est comportée impunément à son égard à travers l'aliénation, la domination, la déshumanisation et l'oppression systématique et ce traitement n'est pas exclusif à l'Amérique. Elle l'a exacerbé mais ce phénomène ne lui est pas unique.
La mort de George Floyd sera celle qui amènera le changement salvateur car cette situation ne peut plus continuer ; il y va de la raison d'être même de l'humanité.
Actuellement, le monde entier est sous l'emprise d'un ennemi mortel sous la forme d'un être invisible qui, pendant des mois, a tout paralysé et remis en cause toutes les certitudes. Ce virus a ébranlé toutes ces convictions qu'on s'était confectionné dans une perspective vaine de différenciation au sein de la communauté humaine. Il vient nous rappeler qu'en dernière analyse nous sommes faits des mêmes fibres et aussi vulnérables en tant qu'individu peu importe la race, la station, le statut, la position. Il ne fait aucune distinction.
Nous n'accepterons plus que le noir soit traité différemment ; le noir est un être humain et désormais il revendique plus et mieux que jamais sa place légitime et longtemps déniée. Il revendique ce qui lui revient de droit : une existence humaine. Ni pitié, ni pitance, ni tolérance, mais une existence humaine ni plus ni moins.
Aujourd'hui le Sénégal ne peut rester apathique lorsque George Floyd est tué de cette manière parce qu'il est noir.
Nous avons une longue et active tradition de solidarité à l'égard de nos frères et soeurs de la diaspora et ce matin nous avons la responsabilité morale de suivre les pas de nos
devanciers qui ont toujours marché, manifesté, combattu pour le respect du noir où qu'il se trouve. Nous ne pouvons rester silencieux quand ils continuent de tuer nos frères et soeurs dont le sort à bien des égards, aurait du mal à se différencier de celui d'un vulgaire cafard.
Le temps où le blanc pouvait se comporter de manière aussi cavalière à l'endroit du noir, estimant qu'il a un droit presque divin de préséance sur lui et de décision sur ce que son destin doit contenir, a pris fin avec l'assassinat de George Floyd.
À travers sa mort aussi indue que familière, on voit défiler le visage agonisant de tous ces jeunes noirs assassinés à travers les années aux états unis et dans tous les autres pays où nos frères et soeurs ont été les victimes innocentes de leur condition existentielle.
À travers les cris poignants de George on entend l'écho déchirant de tous ces jeunes noirs innocents qui n'avaient que leur maman à invoquer dans ces moments de détresse où dans leur conscience meurtrie, ils entendaient le son d'un glas immérité.
Ce temps est révolu. Désormais ce phénomène ne doit plus se reproduire dans ce monde et tous les blancs de cette terre se doivent de le considérer pour irréversiblement vomi. Le temps de la neutralité est révolu. Ou vous vous engagez pour le rétablissement définitif de la dignité du noir, ou le monde ne pourra plus s'attendre à rester tel quel.
Nous sommes tous George Floyd ou nous ne sommes rien.
Aziz Fall
Auteur de "Les Promesses d'une Devise"
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