"Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité et ne servent qu'à la
relever davantage."
Pascal
La cloche a sonné ! La récréation est terminée ! Ceux qui attendaient avec impatience la réponse du Président de la République suite à l'appel au dialogue qu'il avait lui-même lancé à l'opposition, et à propos duquel cette dernière a répondu non sans avoir posé ses conditions, ont été servis et bien servis.
Non seulement Maître a répondu mais il a répondu avec la "manière" en désert, cette manière bien à lui, alliant la violence verbale, dans son visage le plus hideux, et le manque de diplomatie qu'on lui connaît en faisant tout simplement fi des valeurs qui doivent caractériser tout homme d'Etat conscient des responsabilités qui lui incombent. Un véritable festival d'insanités et d'énormités dignes de ces duels épiques dont avaient l'habitude de nous gratifier nos vaillantes soeurs quand elles se donnaient rendez-vous à la borne fontaine, jadis leur lieu de recontres d'où jaillissaient leurs secrets les plus passionnants et les plus bouleversants mais aussi le lieu où elles aimaient se crêper les chignons pour une bassine ou pour un seau d'eau versés.
Faut-il pour autant s'étonner de cette réponse d'Abdoulaye Wade dont la teneur, rappellons-le, frise à la fois l'absurdité la plus absolue et une violence sans commune mesure tellement les propos prononcés sont virulents ? Apparemment non car pour qui connaît l'homme, notre Président de la république est coutumier des faits. C'est d'ailleurs le contraire d'une telle attitude qui aurait été surprenant car ce Monsieur est incapable de prendre de la hauteur par rapport aux situations respectives qui se posent à lui. Nous nous garderons cependant, par décence, de revenir dans l'énumération des griefs qu'il a portés contre l'ancien régime socialiste car ce serait verser dans un misérabilisme inutile qui, de toutes les façons, ne correspond ni à notre éducation ni à l'objet de nos présents propos.
Sans doute, Maître Wade a certainement oublié que le peuple sénégalais a fini de régler ses comptes avec l'ancien régime depuis un soir de Mars 2000 et qu'il croyait avoir définitivement tourné cette page de son histoire politique pour pouvoir enfin exiger qu'on s'occupât des véritables préoccupations qui agressent son quotidien déjà trés mal en point. Mais non, c'était sans compter avec l'irresponsabilité légendaire qui caractérise cet homme, une irresponsabilité qui, de toutes les manières, est incompatible avec les charges de chef d'Etat et qui constitue, par delà tout, la marque de fabrique de ce renard politicien.
Pour autant, nous ne saurions taire le passage de la lettre sur l'affaire Maître Sèye puisque c'est Abdoulaye lui-même qui en fait allusion dans sa missive envoyée à l'opposition. Si comme il crie sur tous les toits du monde, cette triste et douloureuse histoire a été instruite et jugée par le régime socialiste avant l'alternance et que lui, Abdoulaye Wade a été "blanchi" pourquoi, alors, n'a-t-il pas enclenché des poursuites ou même apporté un simple démenti quand un des anciens tueurs, en l'occurrence Pape Ibrahima Diakhaté, les a ouvertement accusés, lui et sa femme Viviane, dans le brûlot du journaliste Abdou Latif Coulibaly, L'affaire Me Sèye, un meurtre sur commande, d'avoir été les principaux commanditaires de ce meurtre odieux ? Pourquoi ne l'a-t-il pas fait, lui qui est si prompt à attaquer et à poursuivre en justice tous ceux qui ont l'audace de s'en prendre à lui ou à sa famille ? L'exemple du jeune journaliste El Malick Seck en est une parfaite illustration. En quoi El Malick serait d'ailleurs si différent de Latif au point que l'on méprise l'un et que l'on craigne l'autre ?
Dans tous les cas, que Maître nous permette de lui rappeler que si le régime socialiste l'avait "absout" de ce crime, il avait par contre condamné à des peines de réclusion criminelle trés lourdes les meurtriers qu'étaient Clédor Sène et compagnie et qu'il n'avait jamais pensé qu'un jour ces assassins au col blanc seraient graciés et amnistiés. C'est lui, Abdoulaye Wade et lui tout seul, qui a pris la lourde responsabilité de gracier ces gens avant de les amnistier à travers la loi feu Isidore Ezzan. Pourquoi l'a t-il fait ? Lui seul le sait mais qu'il sache qu'un jour ou l'autre, il devra s'en expliquer avec feu Maître Babacar Sèye devant le Tout-Puissant qu'il aime évoquer sans croire ni en son existence ni à son pouvoir. Sa conscience, le torturerait-t-il au point qu'il s'agite dés qu'on parle de cette affaire ?
Le caractère crapuleux de ce crime ne nous autorise même pas à nous y apesantir tellement cela nous fait frémir de peur. Alors, par décence et par respect à la famille de Maître Sèye et surtout pour le repos de l'âme de cet illustre personnage qui a tout donné à son pays, Abdoulaye Wade devrait cesser de ressasser cette affaire à tout bout de champ car, à vrai dire, il est mal placé pour le faire. Une chose est cependant évidente, au regard de la réponse apportée à l'opposition, il donne l'impression d'un homme qui a renoncé à une vertu essentielle en politique qui est justement de gèrer toutes les composantes d'une même entité sociale avec toute l'humilité et toute la lucicté requise quand pèsent sur ses épaules les charges de chef d'Etat. Il montre de manière honteuse ses limites dans sa capacité à pouvoir construire un discours dépourvu de toute souillure. Il montre tout simplement son incapacité à pouvoir être un être humain car comme le disait Lacan: "Un être humain, c'est un corps qui parle".
Abdoulaye wade ne comprend pas non plus que toute société, quelle qu'elle soit, renferme en son sein des contradictions que tout homme chargé de gèrer ne serait-ce qu'une parcelle de responsabilités au sein de la station étatique, se doit de manipuler avec une extrême prudence. Les invectives tout comme les propos injurieux et les propos incendiaires n'ont jamais fait leur preuve et ne font jamais le politique, au sens le plus noble du terme. Ce n'est évidemment pas le cas d'Abdoulaye Wade qui, sous ses airs de Tchaka Zoulou, donne l'air d'especimen qui a perdu toutes ses facultés auditives et olfactives, incapable de comprendre qu'on ne gère pas un pays comme on gère une famille ou un parti politique. Gèrer un pays, c'est savoir dialoguer avec tout le monde, même avec ses pires adversaires.
Quand on essaye de percer ce de discours de Wade (comme tous ses discours d'ailleurs), on sent que c'est l'évolution de la dégradation psychique à travers le langage d'un homme qui est totalement absent. Abdoulaye Wade semble totalement absent par rapport aux réalités du moment ou du moins en décallage par rapport aux différentes crises qui secouent notre pays. C'est pourquoi nous nous refusons à penser comme Marc Gendron que nous sommes des minables quand il disait: "Nous sommes tous des minables pris dans l'engrenage et personne d'entre nous n'a jamais vu la roue". C'est Abdoulaye Wade qui cherche à nous "minabiliser" mais nous ne sommes nullement des minables. Nous sommes tous absolument conscients des dangers qui guettent notre pays avec un tel type de discours qui n'est rien d'autre que l'apologie du réglement de comptes et de la haine.
Nous ne saurions, dés lors, laisser ce type enfoncer notre pays dans des dérives aux conséquences incalculables sans réagir pendant qu'il est encore temps. Ce pays a consenti tant de sacrifices politiques, économiques et surtout humains pour pouvoir se mettre à l'abri des catastrophes que nous avons connues et que nous continuons encore à connaître dans des pays qui se situent à deux pas de chez nous. Malheureusement, quand on ne reconnaît plus le sacrifice humain, on réduit l'homme a l'état barbare. Des barbares, voilà ce que Abdoulaye Wade cherche vaille que vaille à faire de nous. Il cherche à mettre notre humanisme dans une inhumanité totale mais qu'il fasse gaffe car lui-même pourrait ne pas sortir indemne des conséquences qu'engendrerait une telle surenchère verbale car "Finta Ngay Nélaw, Yalla Reube Na Kou Ko Yé". A bon entendeur, salut !
Ce choix de Wade d'adopter ce discours va-t-en-guerre n'est que l'expression d'une violence dont il use pour étouffer la vérité des faits qui est là et qu'il ne veut pas reconnaître: lui comme son régime sont en fin de régne. Ce choix ne fait, d'ailleurs, que valider ses stratégies individuelles par rapport à notre stratégie collective. Il cherche à présenter notre République sous les traits d'une espèce rare et exotique qu'il peut exposer pour exciter la cruosité et impressionner la galerie, une véritable république bananière. Nous refusons énergiquement de basculer dans ce piège que nous tend Abdoulaye Wade car nulle peuple n'est obligé d'accepter des propos attentatoires des droits des citoyens et de la cohésion sociale. La trajectoire de l'histoire politique de notre pays et la trajectoire de chacun d'entre nous doivent nous aider à nous opposer à tout ce qui renvoie au fardeau de préjugés et de sentiments négatifs et à lutter contre la promotion de l'irrationnel, de la peur et de la cruauté.
Le fond de commerce politique de Abdoulaye Wade, c'est l'événementiel. Il crée des événement en les superposant les uns sur les autres pour un seul et unique dessein: paraître pour ne pas disparaître. Refusons, à ce titre d'être distraits par ses pratiques dont nous nous sommes hélàs habitués depuis trés longtemps. Au moment où le peuple dénonce les dérives de son régime et croupit sous le poids des difficultés quoitidiennes, Wade ne trouve rien d'autre à faire que de nous annoncer que 35°/° des retombées financières du monument de la Renaissance lui reviendront parce qu'il en détient la propriété intellectuelle.
Il nous annonce dans la même foulée que cette somme servira à mettre sur pieds une fondation dont le Président du Conseil d'Administration ne serait personne d'autre que son fils. L'écho de ses propos frise vraiment le ridicule et l'indecence: "Je suis l'auteur du monument. 35°/° des retombées financières m'appartiendront et 65°/° à l'Etat (...)J'en suis le propriétaire intellectuel. Je vais créer une fondation de la Renaissance africaine dont mon fils sera le Président du Conseil d'Administration. D'autres personnes en feront partie". Plus loin, il nous dit: "Le monument de la Renaissance africaine n'a pas coûté de l'argent mais du terrain. Nous avons échangé le monument contre des terrains..." Qui nous ? En tout cas, ce n'est certainement pas le peuple sénégalais qui a donné son aval pour de telles fantaisies. D'ailleurs, si nous comprenons bien Abdoulaye Wade parle de terrains qui appartiennent au peuple sénégalais. Scandaleux ! Gravissime ! Il vient de nous faire le terrible aveu qu'il a mené des transactions foncières avec des bien immobiliers, propriétaires de onze millions d'âmes sénégalaises.
Dés lors, comment peut-il être propriétaire intellectuel d'une oeuvre qui a été construite avec les déniers de l'Etat car c'est un secret de polichinelle que plus d'une dizaine de milliards de nos francs ont servi à financer cette objet maçonnique (ce n'est même pas une oeuvre d'art) ? Pire, Abdoulaye Wade pousse le ridicule jusqu'à nous parler de la durée de vie de ce machin qui serait de 1200 ans comme si la durée de vie de ce statut vaut la vie des millions de nos concitoyens chez qui le doute et l'incertitude ont fini d'élire domicile dans leur esprit et dans leur coeur. Décidément, Abdoulaye Wade n'a rien compris.
Du haut de sa tour présidentielle, il régente la vie politique et sociale du pays au gré de ses humeurs et sur l'odeur du temps. Et, s'il se livre à ce jeu somme toute dangereux, ce n'est point le goût de faire évoluer les choses qui guide son action mais plutôt son obsession à vouloir demeurer le maître du jeu d'une compétition dont il a fini de pervertir toutes les règles. Plus personne ne peut dire aujourd'hui à quoi ressemble tout ce qui est en train de se passer au Sénégal.
Nous n'investissons pas le champ émotionnel mais à certains moments, il faut que l'incantation cesse et que l'on regarde ce Sénégal sous Abdoulaye wade dans ses bas fonds pour se rendre compte du danger que représente ce Monsieur pour notre pays. C'est Germaine Tellier qui disait: "Je suis sévère avec l'espèce humaine, c'est une espèce dangereuse qu'il faut surveiller". A ce titre, nous pouvons dire sans risque de nous tromper qu'Abdoulaye Wade symbolise l'incarnation du danger ambiant pour notre pays, le Sénégal.
De l'opposant nihiliste et opportuniste qu'il a été au chef d'Etat farfelu et incompétent qu'il est, agissant au gré de ses humeurs et des fantasmes tels les caprices d'un gamin de six ans à qui on a retiré sa sucette de la bouche, le génie politique de Abdoulaye Wade se situe justement dans sa capacité à transgresser toute les règles de l'éthique et de la morale républicaine. Cela n'est pas du génie politique, c'est de la bassesse politique doublée d'un machiavélisme à la petite semaine. On l'a dit et on ne le dira jamais assez, Abdoulaye Wade ne croit en rien d'autre qu'au pouvoir et c'est tout. Chassez le naturel et il revient au galop.
Confortablement assis sur son trône à l'abris des grands vents et des houles politiques qui vont vaciller le Sénégal jusqu'au plus profond de ses fondements, une analyse de l'attitude de Wade face à l'horizon incertain qui a fini de s'installer dans notre pays, permet de voir l'inquiétante et dangereuse légèreté avec laquelle il conduit les destinées de la République. Il suffit seulement qu'il ait rêvé ou même qu'il ait fantasmé sur une idée pour que tout le pays soit en danger car l'homme ne lésine pas sur les moyens quand il s'agit d'assouvir ses fantasmes politiques. Peu importe quelles peuvent en être les implications à court, moyen ou long terme.
Il ne sert, alors, à rien de vouloir créer une culture de la démocratie et du dialogue face à cet homme qui n'est pas démocrate et qui se refuse à respecter le choix d'un peuple qui tient à rester constant dans sa posture politique comme ce fut justement le cas depuis un certain soir de mars 2000. Abdoulaye Wade n'est pas démocrate et il ne le sera jamais. Il ne veut pas dialoguer car quand bien même il le voudrait, il ne le pourrait pas. Tout ce qu'il sait faire dans sa vie, c'est manoeuvrer, encore manoeuvrer, toujours manoeuvrer. Son appel au dialogue n'était qu'un leurre. Il est dés lors impossible de discuter sincèrement avec un homme comme lui car on risque facilement de tomber dans un faux dialogue quand on est en face de quelqu'un qui ne veut pas se remettre en question et qui snobe tous ceux qui défendent des valeurs différentes.
Cette conviction d'Abdoulaye wade qu'il est le chemin assuré, la voie royale pour maintenir son parti au pouvoir pendant cinquante ans, comme il le dit lui-même, c'est peut-être, là, la distinction d'un homme qui se croit le maître du monde, son libérateur, son sauveur ou son créateur. Là est sa façon folle d'établir cette grande et déraisonnable idée qui fait qu'il pense pouvoir mettre tous les sénégalais au garde à vous par des injures et des invectives sans que le peuple ne trouve à redire. Nous lui souhaitons alors beaucoup de courage car, des sénégalais dignes et vaillants, il en trouvera toujours sur son chemin pour lui dire non. Pour des raisons qui tiennent à son histoire et à son itinéraire, c'est l'honneur de notre pays qui est en jeu.
Cette conception tient aussi à une certaine ambition qui a toujours marqué la trajectoire de cet homme que rien jamais ne relâche, ni les défaites politiques, ni les crimes politiques qui doivent souiller sa conscience encore moins le poids de l'âge qui, quoi qu'on dise, le place aujourd'hui dans l'anti-chambre de la mort. Mais de tout cela, Abdoulaye Wade n'en a cure car s'il est pour lui un pays où est ancrée l'idée selon laquelle le pouvoir est un jeu, la République un instrument de ce jeu et que ce jeu n'a pour fin que de permettre à un homme ou à un clan de se servir avant de servir le peuple, c'est bien le Sénégal. Pour Wade, les sujets de droit que nous sommes ne sont autres que ses jouets. Il y a comme qui dirait chez lui quelque chose lié à un magique usage de prestigitation ou de délectation qui le pousse à croire qu'il est peut tout se permettre sans le moindre souci. Tout ce qui se fait chez cet homme n'obéit à rien d'autre qu'à son bon vouloir, un point c'est tout.
Nous nous devons surtout de rester vigilants et refuser de cautionner un telle logique qui frise l'injure de notre volonté sinon nous serons débiteurs de ces pratiques qui évoluent en marge de l'éthique et de la morale, seuls facteurs essentiels qui doivent guider nos objectifs de tous les jours. Dans sa volonté de demeurer, lui et son parti, au pouvoir à tout prix, rien ne semble ébranler Abdoulaye Wade, même pas la volonté inébranlable du peuple qui lui a envoyé le 22 Mars dernier un message dont il ne semble pas avoir tenu compte de la teneur.
Adoptons alors une autre stratégie pour faire face à cet homme dangereuxqui culpabilise tout le monde, quitte à mettre notre vie en jeu car pour lui nos vies ne valent pas grand chose et parce qu'au delà de nos libertés individuelles et collectives, c'est la cohésion nationale qui est menacée. Quand le monstre se réveille brutalement et que toutes les solutions imaginables et inimaginables pour le combattre aboutissent à l'échec, la résistance devient alors notre seule alternative, au risque même du péril de notre vie.
Amadou Mbaye
75013 Paris
[email protected]
0 Commentaires
Participer à la Discussion