La menace que nous cherchons à juguler par le dialogue se précise. Mon aîné Ousmane Tanor Dieng, « l’opposant républicain » vient d’intervenir dans le débat, avec le style qui est le sien, où presque jamais la fermeté ne l’emporte sur l’élégance. Il dit en substance ceci : « Nous prendrons d’ici là toutes les initiatives politiques nécessaires pour dissuader Wade de violer la Constitution de notre pays et de nous éviter ce qu’on peut appeler la « tandjanisation » du Sénégal… Nous ne ferons grâce à Wade d’un seul jour de plus…C’est donc sur le terrain de la lutte que nous nous situons et non sur celui de la compromission avec Wade. Et nous sommes prêts à tous les sacrifices pour cela ».
Ceci rend le dialogue encore plus urgent avant l'affrontement annoncé.
Trois hypothèses sont sur la table de travail des leaders politiques sénégalais, de l’Afrique et de nos partenaires au développement. Cette tâche exige lucidité et courage. Ne rien exclure au départ. Ces hypothèses sont :
1. le départ de Wade en 2012 défendu par l'opposition et la plupart des constitutionnalistes qui se sont exprimés sur le sujet.
2. le maintien de Wade jusqu'en 2019 voulu et défendu par certains responsables de la majorité présidentielle, porteurs de sa candidature en 2012
3. le départ de Wade en 2014 après deux mandats de 7 ans comme solution intermédiaire.
J’ai pour ma part commandité des études à des cabinets de constitutionnalistes réputés pour bénéficier des meilleurs éclairages disponibles sur ce que dit la loi sur la recevabilité de la candidature Wade. J’ai aussi consulté des instituts de sondage pour recueillir l’avis des électeurs sénégalais autrement que par les émissions interactives « wax sa xalaat » ou fora internet. Je compte fonder mon opinion finale sur des bases rationnelles et irréfutables, avant de proposer au comité directeur de mon parti ou au besoin à son Congrès de se saisir officiellement de la question.
Je me désole de devoir inviter certains « politologues »et ceux qui leur ressemblent à s’écarter de ce travail sérieux dont l’enjeu est la paix et la stabilité de notre pays. Car, en choisissant l'insulte et la vulgarité à la place de la discussion courtoise, argument contre argument, ils en polluent inutilement l’atmosphère et déshonorent cette classe exceptionnelle d’analystes politiques dont dispose le Sénégal. Le Tout Puissant prescrit à ses serviteurs la bonne parole. Même à Moise Il prescrit de parler gentiment à Pharaon. Un intellectuel qui nie tout ce qui échappe à ses propre vue et écoute est un faible d'esprit. Notre message s'adresse humblement aux doués d'intelligence et à ceux dont le cœur, la vue, et les oreilles ne sont pas cadenassés par la vente de leur âme à des commanditaires d’insultes peu courageux pour participer à un débat qui gêne leurs intérêts.
Merci en revanche à ceux qui critiquent noblement, courtoisement et solidement l’hypothèse avancée dans mon interview sur Rfi. Cela répond à l’encadrement de notre travail politique par des experts compétents et vertueux. Car notre dialogue ne peut en aucun cas déboucher sur un consensus qui ne soit pas strictement respectueux de la constitution et du calendrier républicain.
N'oublions jamais cependant que le débat peut théoriquement s’enrichir de données nouvelles, portées par des événements nouveaux. Ceux qui manquent de vision ne l’intègrent pas aujourd’hui. Le Président de la République a toujours l'initiative d'une reforme constitutionnelle pour fixer les règles de son choix. La seule vraie contrainte du Président est l'obligation que lui prescrit la constitution d’obtenir l'accord du Peuple souverain par referendum. Il n'en a pas toujours tenu compte. Mais c’est la seule voie. Si le peuple choisit de lui dire non, il pourra sortir par la porte des grands hommes comme De Gaulle en 1969. S'inclinant dignement devant le verdict du seul Maitre de qui il tient, après Dieu, sa charge: le peuple sénégalais souverain. Il n'y aurait aucune honte à cela. Et personne ne pourra se prévaloir de l'honneur d'avoir électoralement déboulonné ce monument de la politique du Sénégal, ce pape du Sopi. Pas même moi.
Une dernière requête que j’adresse à tous : écoutons-nous, maîtrisons nos nerfs et respectons-nous. C’est une exigence pour tout leader de pouvoir travailler sous très forte pression sans jamais faillir ni physiquement, ni psychologiquement, ni nerveusement. Allah valorise l'écoute comme porte d'accès à la science. C'est peut être pourquoi Il aime associer deux de ses noms dans son Livre: « l’Audient » et « l’Omniscient ». Ceux qui sont dignes d'accueillir la science et de diriger sont ceux dont l'écoute est aiguisée. Serigne Touba aimait ceux qui, après avoir acquis une parfaite maitrise du Coran, savaient en recevoir à nouveau l'enseignement, sans que leur nouveau maître puisse déceler cette maitrise antérieure, tellement ils savaient écouter.
« Avant de casser la bouche du berger, il faut écouter son souffle ». C’est une sagesse de chez nous qui échappe à ceux qui sont subjugués par leur peu de science et voilés par leur manque de politesse.
Que les concernés me pardonnent si ces mentions les offensent. Ils se consoleront de la gloire de pouvoir participer à cet échange vital pour le devenir de notre pays. Poliment si possible.
Idrissa SECK
Maire de Thiès
Membre du Comité Directeur du PDS
Ancien Premier Ministre du Sénégal
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