La Presse, les directeurs de conscience, les politiciens et les stars commencent paradoxalement à s’inquiéter du bilan des comportements des sénégalais nonobstant leurs innombrables campagnes de sensibilisation contre le Covid 19. Ces comédiens en 3D, qui se disputent quotidiennement la palme de la médiocrité à travers de nouveaux épisodes bouffons dignes de Kouthia Show, se livrent à de rocambolesques défilés de grimaciers, par le canal de je ne sais quelle tempête médiatique, au nom d’une prétendue guerre contre la pandémie. Arborant un masque au menton, en lieu et place du nez, ces dramaturges à bonne école nous enseignent ainsi dignement la première consigne de barrière.
Comble d’infortune, un des leurs, certainement le plus instruit, nous recommande avec beaucoup d’insistance de nous armer toujours d’un savon ensaché dans notre poche, ignorant joyeusement que ce dernier, après avoir touché l'eau, devient un nid à bactéries. Trêve de singeries, s’il vous plaît !
De l’autre côté du spectacle surréaliste, dans le feu des épreuves, des cercles sporadiques d’amis du quartier ou de la même profession, contre toute attente, s’adonnent à des commentaires puérils autour du thé les après-midis, bien entassés, riant à pleines dents, se tapotant et lorgnant occasionnellement les quelques rondeurs providentielles devenues une denrée rare, qui sont de passage. En témoigne l’arbre à palabres des chauffeurs de taxi situé juste à côté du supermarché Casino de Bourguiba. Ce troupeau de néandertaliens vous offre une scène de cirque tel un « sabar bou tass » à même de vous plonger dans un tournis. Sans doute, est-ce la raison pour laquelle le philosophe Hegel disait : « Le nègre représente l’homme naturel dans toute sa barbarie et son absence de discipline ».
Dans le sillage de ces derniers, des enfants à courtes vues, faisant peu état de la menace et refusant de sortir du moyen-âge, jouent froidement au football, et ce au nez et à la barbe de leurs parents, tous espérant ainsi détrôner un jour Lionel Messi.
Du coté des loges VIP, notre nouveau Roi par procuration, sourire aux lèvres pour faire bonne figure, croit qu’avec quelques coups de coude et un soupçon de chorégraphie bienveillante avec ses opposants, ces derniers s’honoreront de le laisser réaliser douillettement ses rêves. Juste devant moi, un homme vêtu de blanc, qui serait dans le secret des Dieux, débordant d’imagination, chuchote çà et là : « ce virus ne vise pas les musulmans », à l’oreille de ses disciples, qui, croyant au père Noël, acquiescent de la tête, voilà de l’esprit à profusion !
Avons-nous réellement pris la mesure du corona ? Pendant que ce « machin » retors est en train de couver mystérieusement et sourdement un projet aussi apocalyptique qu’irréparable, au moment où la panique salvatrice et la bonne information s’avèrent plus que nécessaires pour un changement imminent de comportement, notre ministre de la santé se permet de dire, « les sénégalais doivent s’inquiéter mais nous ne devons pas les inquiéter », cette dialectique hégélienne, trop compliquée pour ma pauvre petite intelligence m’intrigue à bien des égards.
Venons-en à l’analyse de ces comportements.
Une première explication psychanalytique pourrait trouver sa source dans les coulisses inextricables de « l’inconscient collectif », notre fâcheuse disposition à projeter systématiquement le mal sur les autres, « l’enfer, c’est les autres », selon le mot de Sartre, « les fous, c’est les autres », « les hypocrites, c’est les autres », et décidément, « les contaminés, c’est les autres ». Si chaque sénégalais est maladroitement convaincu qu’il n’est pas malade, non plus ses connaissances, je n’en attendais pas moins des résultats.
Une deuxième explication médiatique, d’ailleurs la plus fulgurante, serait l’inadéquation du discours. Les émetteurs devraient prendre en compte le tact qu’exige la communication de se mettre à la portée des différents esprits. Cette paëlla, dans laquelle il y a tout en même temps, que nous servent les journalistes sème la confusion chez plus d’un. Les chiffres « contacts », cas communautaires » vont dans tous les sens, et tout le monde spécule. On dirait des consultants à Wall Street. Et le côté schizophrène dans tout ça, c’est que les notions d’échantillon et de représentativité des tests sont fatalement occultées, par ceux-là même qui occupent le devant de la scène. En attestent les propos de notre super députée Mme A. Kanouté sur les plateaux de Walf-Tv ce mercredi 15-04-20 : « Le Sénégal a enregistré 19 cas communautaires sur seize millions d’habitants, un chiffre à minimiser ». Ainsi, dissimule-t-elle le petit échantillon et avance-t-elle le chiffre « seize millions », comme si on avait testé tous les sénégalais, tout ça pour dorer la pilule, au risque d’inciter dangereusement à la négligence et au laisser-aller, à l’heure où le Sénégal est sur un volcan. Cette manipulation sordide corrobore parfaitement les propos de Friedrich Nietzsche : « l’État est le nom du plus froid des monstres glacés,...l’État ment dans toutes les langues, quoi qu’il dise, il ment… » ! Effarant !
Une troisième explication éducationnelle, serait le marasme intellectuel dont nous sommes victimes, qui conduit à l’indiscipline caractérisée et à l’ignorance abyssale, notamment dans ce pays de Cheikh Anta Diop où le nombre d’écoles de qualité renvoie à celui des pièces de musée.
Détrompons-nous, l’indice de sévérité du covid19 faisant du Sénégal le bon élève de la planète n’est pas une constante. Au demeurant, la disposition des pays occidentaux à recueillir de très bonnes données statistiques dessert leur cause dans ce cas de figure. Nous n’avons pas de vraies statistiques en Afrique, d’ailleurs, le sénégalais n’a pas la culture de la précocité du diagnostic. Il n’est d’autre explication pour les cas communautaires, si ce n’est que cela dépasse l’État. Donc arrêtons les violons !
Au regard de toutes ces réalités propres au Sénégal, en particulier la non disponibilité de données statistiques fiables pour une écologie de la décision, surtout à l’ère du management par la « data », et ce dans un contexte d’extrême pauvreté où nous nous sommes investis à corps perdu pour moissonner mille milliards, je m’attendais personnellement à ce que le Président envisageât le pire scénario et qu’il proposât le confinement total, ne fût-ce que pour un mois, si tant est que ce dernier soit articulé à la distribution simultanée des vivres à qui de droit.
Par conséquent, d’une pierre deux coups, on aura situé à terme l’ensemble des foyers contaminés, pour ensuite passer à autre chose tout en restant très attentif à la porosité des frontières. Toujours faut-il rappeler que l’idéologie capitaliste qui privilégie l’Économie au détriment des vies humaines ne s’accorde pas à nos valeurs.
Du reste, l’Occident a les moyens de sa politique.
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