Présentement, il n’y a plus de doute sur la volonté d’Abdoulaye Wade de se faire succéder par son fils. Quelque soit le prix à payer. Est-ce pour lui une façon symbolique de poursuivre son règne ou la matérialisation de son acharnement au pouvoir ? Cela revient au même. Si son plan était de hausser la cote politique de son fils en le faisant aimer par les Sénégalais, nul ne trouverait à redire. Même s’il a tardivement montré son intérêt pour le pays, on ne peut pas lui reprocher de prétendre à la magistrature suprême. Seulement, tout le monde sait que ce plan a largement échoué depuis les locales de 2009. Comment peut-on avec tous les moyens à sa disposition se faire si mal aimé par un peuple dans sa quasi-totalité jusqu’à se faire battre dans son propre bureau de vote ? C’est parce qu’il n’est pas à la hauteur : ni du minimum qu’on lui exige, à savoir un travail rigoureux, rapide et soigné lorsque tous les moyens sont disponibles et encore moins d’une ingéniosité pour créer ces moyens lorsqu’ils font défaut ; ce dont, par ailleurs, nous avons le plus besoin.
Il ne sera même pas nécessaire de se pencher sur les qualités imaginaires que lui prête celui qui, à mon humble avis, se projette sur la personne de Karim Wade. En d’autres termes, je crois que lorsque Abdoulaye Wade nous énonce les qualités de son fils, dans son for intérieur, il ne parle pas de Karim Wade en tant que tel mais de lui-même lorsqu’il avait l’âge actuel de Karim Wade.
Le transfert est un procédé par lequel un sujet fixe sur un non concerné des préoccupations qu’il héberge sur lui-même ou sur une autre personne. Il peut être positif (lorsqu’il est associé à de l’amitié, de l’amour…) comme il peut être négatif (lorsqu’il est associé à de la haine, de la violence…). Dans le présent cas, d’Abdoulaye Wade à Karim Wade, il s’agit d’un transfert positif. Mais ce n’est pas que cela parce qu’il a la certitude des insuffisances de son bien aimé. Face à une réalité difficile à absorber, deux attitudes s’offrent à nous : celle qui consiste à s’y résoudre avant de prendre les dispositions nécessaires pour que pareille ne se reproduise et l’autre qui consiste à se trouver un refuge dans lequel on se crée un monde à soi qui compense toutes les privations de la réalité. Malheureusement, il y en a toujours qui préfèrent la seconde option.
La plupart des récits fabuleux à l’endroit d’individus que l’on a voulu présenter comme exceptionnels ont vu le jour dans un contexte d’humiliation ou de privation. Il s’agit de rehausser par le biais de la fabulation l’image d’une personne que la réalité a fini de dégrader. Prenez le temps, chaque fois que l’on vous présente une histoire fabuleuse laudatrice envers un personnage, de vous demander à la suite de quelle humiliation ou privation a-t-on jugé nécessaire d’engager ce travail de rafistolage. Sur le plan individuel, il arrive que le rêve remplisse le même rôle en permettant de revivre des événements avec des modifications grâce auxquelles nous devenons les héros de l’histoire et non les perdants comme nous l’avait imposé la réalité. Les mythomanes recourent au même principe en enrichissant un récit réel de données imaginaires. On leur en voudrait moins si on acceptait qu’ils sont entrain de dire non pas ce qui est, mais ce qu’ils auraient aimé que les choses eussent été. C’est pareil pour notre cher président. Il aurait aimé que son fils eût été le premier de la classe mais la nature en a décidé autrement.
Si une personne qui a largement fait preuve de son incompétence, de son insouciance de la bonne gestion des deniers publics, de son incapacité à être rigoureux, de son inaptitude à apprendre ne serait ce qu’une langue du pays prend un jour le pouvoir, il s’installera au Sénégal un règne de l’arbitraire, de la corruption généralisée, de l’injustice…de l’anarchie pour dire simple. Il n’a pas la carrure d’un homme d’Etat et il n’a aucun amour pour ce pays. Pour sur, ceux qui prendront le pouvoir en 2012, devront si nécessaire aller le cueillir jusqu’en enfer pour qu’il rende compte de sa gestion cautionnée par celui qui, sans doute ni drible, sera la personne la plus controversée que le Sénégal n’ait jamais engendrée. Karim Wade n’est pas un homme d’Etat et il ne peut pas en être un parce qu’il est gouverné par le principe de plaisir tandis que quelqu’un qui se propose à trouver une solution aux difficultés des populations doit se conformer au principe de réalité dont l’essence est que l’on ne peut se permettre de faire n’importe quoi dés lors que cela agit sur autrui. Si c’était son cas, il ne voyagerait pas en jet privé tandis qu’une bonne partie du peuple croupit dans la misère. Si c’était son cas, il accepterait un audit sans limite de sa gestion de l’ANOCI. Si c’était son cas, il ne ferait pas des routes à 7 milliards le kilomètre. Si c’était son cas, il ne retaperait pas son bureau à prés d’un milliard de nos francs.
Pour ma part, rien que pour ne pas prendre le risque de se faire gouverner par lui, je suis prêt à lui pardonner le quart de ses frasques s’il renonçait publiquement à notre magistrature. Mais il devra s’expliquer sur le reste.
Nous ne voulons pas d’un ingénieur de la surfacturation pour nous gérer nos maigres ressources.
Ousmane Thiané Diop
Université du Québec à Trois Rivières
0 Commentaires
Participer à la Discussion