
Pour peu que l’on veuille bien analyser, avec toute la distance critique qui sied, le bilan du chef de l’Etat aux commandes de l’administration sénégalaise ; et que l’on prenne le temps de mesurer l’immense attente que le peuple senegalais avait placé en lui en ce début de millénaire, l’on se rend compte que le Président de la République aura déçu bien des espoirs.
A observer la prestation du Président de la République au soir du 14 juillet 2011, force est de reconnaître que pour une fois, Me Wade “l’opposant historique, le pape du Sopi” est en total déphasage avec son peuple. Le cordon qui le reliait aux jeunes qui l’avaient porté au pouvoir en 2000 est irrémédiablement coupé. Le glas a sonné.
Au lendemain des dernières élections présidentielles, la majorité des sénégalais n’avait vraisemblablement pas manifesté de griefs majeurs à l’encontre du Président Wade. Au contraire, ils l’avaient “plébiscité” contre toute attente et pronostics des experts en la matière. Cependant, en lui accordant leur confiance, les sénégalais lui avaient donné droit à un TICKET simple ( encore ce fameux ticket! ) pour un trajet dont la destination finale est l’échéance du 26 février 2012. La locomotive est pratiquement arrivée à la gare de destination mais Me Wade se refuse à descendre de sa station présidentielle. Le réveil sera brutal, car pour Me Wade et ses thuriféraires, la ligne du chemin de fer s’arrête là!
La décence, la sagesse de l’homme d’Etat et le respect de la Charte constitutionnelle dont il est le gardien devraient interdire au Président Wade de participer aux prochaines joutes électorales. Les acrobaties verbales, les intimidations, les forcings et les interprétations partisanes et subjectives de la constitution n’y changeront rien. Ces hommes et femmes de tout âge, de classes sociales différentes, d’obédiences diverses qui se sont dressés depuis le 23 Juin 2011 n’en ont cure et réclament leur totale souveraineté.
Une obstination à vouloir procéder à une dévolution monarchique du pouvoir, et un acharnement à garder le PDS aux rênes pendant 50 ans, ne sont en nulle manière les préoccupations premières de ce pays. En face des coupures intempestives d’électricité, des inondations, de l’inflation des prix des denrées de première nécessité, de la mal gouvernance, de la corruption galopante, du règne de l’impunité, du manque criard d’infrastructures sanitaires…, la coupe est pleine et les sénégalais en ont marre. Très avertis, mobilisés et engagés ils sont dans une optique du “Daas Fannanal”, le 26 Février 2012, ils choisiront.
Les signes ne trompent pas quand un régime tire à sa fin. Les détenteurs du pouvoir multiplient les abus, les masses populaires conscientes de leurs forces acculent le pouvoir dos au mur. Les présidents Ben Ali en Tunisie, et Moubarak en Egypte très récemment ont connu le même sort et ont eu une fin de règne peu enviable que l’on ne souhaite pas au Président Wade. Il serait bon que le Chef de l’Etat retienne les leçons de l’histoire. Il serait malheureux et imprudent qu’un homme politique de son envergure et de son âge s’obstine à vouloir briguer une nouvelle fois la présidence de la République.
La quasi totalité des constitutionalistes sénégalais, et éminents juristes se sont penchées sur la question et ont déclaré sa candidature irrecevable. S’appuyant principalement sur les articles 27 et 104 de la Constitution, tous s’accordent à dire – le Président Wade au premier chef après sa réélection en 2007 devant les caméras – qu’ayant épuisé 2 mandats, il ne pourrait en briguer un 3e.
Il est temps que le Président Wade déclare sans équivoque sa non-candidature à l’élection présidentielle de 2012, afin que les sénégalais puissent se focaliser sur l’essentiel:
choisir le leader qui devra prendre en charge les destinées du pays au soir du 26 Février et braquer leur regard vers le futur.
Pour la postérité et afin de garantir le respect de Notre Constitution par nos dirigeants actuels et futurs, le Président Wade doit s’abstenir de briguer un troisième mandat. Au cas échéant, nous, forces vives de la nation, nous dresserons devant lui. Dura lex sed lex. Au Sénégal, l'ère des candidatures illimitées est révolue.
Sur ce point, l’exemple des Etats Unis mérite notre attention car il montre d’une part - quelles répercussions les choix opérés par les leaders d’une nation à un moment donné de l’histoire ont sur l’avenir d’un peuple, et d’autre part - quels acquis un peuple organisé peut obtenir, en exerçant sur ses gouvernants de fortes pressions.
A ce jour 44 chefs d’Etat, se sont succédés à la station présidentielle américaine et ceci pendant 222 années. Par conséquent, pendant ces 222 ans, un seul président a exercé plus de 2 mandats en la personne de Franklin Roosevelt pendant la deuxième guerre mondiale.
Chaque président – qu’il soit médiocre ou excellent - apporte sa contribution à sa manière à la construction de la nation et se retire à la fin de sa mission. Cette mission n’excède pas 2 mandats.
Le respect de la limitation des mandats présidentiels est un principe sacro-saint. L’organisation périodique d’élections libres et transparentes, la limitation des mandats, le respect scrupuleux de la Constitution participent à la respiration démocratique d’une nation. Chaque président apporte des idées fraiches, une vision nouvelle et contribue avec son administration à l’édification de la nation.
Le bilan du Président ces 11 dernières années est très mitigé. Cependant son apport sur le secteur des infrastructures routières ne saurait être occulté. Cet apport restera à son actif tant qu’il aura la sagesse de saisir l’opportunité qui lui est donnée pour se retirer à temps et sortir honorablement par la grande porte. Cette voie de sortie qui lui était aménagée se rétrécit néanmoins, et tous les signes montrent le ras-le-bol de la population.
Les sénégalais ont atteint un niveau d’exhaustion et d’exaspération jamais égalé, à force de voir leurs priorités ignorées et leur Constitution tripatouillée par ceux qui en sont les gardiens et ont la charge de la faire respecter.
Le 23 juin a sonné le glas de la complaisance au sommet de l’Etat de manière irréversible. Mais ces acquis doivent être maintenus.
Nous appelons tous les Sénégalaises et Sénégalais soucieux de préserver la stabilité et la paix sociale à se lever et à joindre leurs forces, à s’organiser pour exercer la pression sur les élus afin que les réformes qui doivent être entreprises pour assainir les institutions de notre République soient mises en œuvre dans les meilleurs délais. Pour un développement économique et social durable, nous aurons nécessairement besoin de structures institutionnelles viables et fortes.
Nous invitons les membres du Conseil constitutionnel à faire preuve de la sagesse qui sied à leur statut et à prendre toutes leurs responsabilités devant la gravité de l’heure et l’importance et l’imminence des enjeux. Vu la tournure que les évènements ont pris en Cote d’Ivoire, nous les invitons a dire le droit afin de nous éviter une confrontation et une tragédie dans ce pays. Devant l’histoire, ils ne peuvent se prévaloir d’aucune incompétence en la matière.
Last but not least, nous invitons le Président de la République – à qui nous souhaitons une longue vie et une santé de fer bien après la présidence - en sa qualité de gardien de la Constitution à s’élever à la hauteur de ses responsabilités d’homme d’Etat et de citoyen et
de poser les jalons pour le futur et pour un espace démocratique plus sain
de s'abstenir de briguer un 3e mandat en respect de la Charte constitutionnelle
d’organiser des élections libres et transparentes selon le calendrier républicain.
L'histoire jugera de son affection et de sa dévotion au Sénégal qui lui aura tout donné.
Alioune Badara Seck
Coordonnateur Mouvement du 23 Juin / Mouvement Citoyen de la Diaspora
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