Le théâtre sénégalais a connu ses heures de gloire avec les Douta Seck, Doura Mane, Jacqueline Scott Lemoine et tant d’autres. Aujourd’hui, hélas, Sorano agonise et ses talentueux comédiens végètent et ne survivent que dans les souvenirs des années de gloire avec le Président Poète, feu Léopold Sedar Senghor. Abandonnées, des troupes mythiques comme le Cercle de la Jeunesse de Louga et Le Ngalam de Youssou Mbargane ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes. Jamonoy Teey est « mort ». Daraay Kocc désespère et pleure toujours Cheikh Tidiane Diop. Très tôt sevrée, la jeune génération (de troupes et de comédiens) tourne en rond, ne sachant où donner de la tête en regrettant peut être d’avoir choisi un métier aussi ingrat.
Pendant ce temps là, le théâtre ivoirien et celui burkinabé (et même malien et béninois, semble-t-il) font le tour du monde. Tandis que les dérives de l’amateurisme dans le domaine du théâtre sénégalais inquiètent parents, éducateurs, professionnels et techniciens. Plus de salles de spectacles dans nos quartiers. Plus d’encadrement, ni pour les troupes ni pour les comédiens ni pour les scénaristes. Plus de soutiens consistants aux activités culturelles. Alors, cela va de soi, presque plus de festivals dignes de ce nom, plus d’œuvres littéraires dignes d’être portée sur la scène. Et nos maigres planches se vident. Nos Centres Socioculturel sont abandonnés à eux même. Nos Associations Sportive et Culturelles s’amputent (à juste titre ?) de leur dimension culturelle. Nos télévisions, innocemment, peut-être, promeuvent et encouragent le théâtre de pacotille. Chaque jour, des comédiens, metteurs en scène et écrivains talentueux abandonnent la profession. Et je regrette Abou !
Camara, Babou faye, Makhouradia Gueye… Et je devine alors, aisément, le sentiment de désolation qui habite les cœurs des doyens, le professeur d’art dramatique Mamadou Diop, les metteurs en scène Seyba Traoré et Jean Pierre Leurs, les comédiens Père El Hadj Ablaye Seck, Ismaila Cissé, Omar Seck, Mamadou Ndiaye Doss, Samba Wane, Joséphine Zambo et tant d’autres.
Aujourd’hui, tout le monde est d’accord qu’il est vraiment grand temps que nos autorités en charge du théâtre réagissent, que les techniciens et les professionnels du théâtre sénégalais se réunissent pour réfléchir sur leur métier, son avenir et sa mission éducatrice en essayant de retracer les frontières entre les genres, les formes et les acteurs du théâtre (1). Car le théâtre, me semble-t-il, à l’instar de tous les arts est d’abord un métier, ensuite un remède en ce sens qu’il soulage, redresse et améliore l’état des êtres humains tout en les divertissant.
Mais un métier ça s’apprend, et un remède mal utilisé est pire qu’un poison, nous rappelle la vieille sagesse africaine. D’où l’urgence de la réglementation. Car un médicament entre les mains d’un fou ou d’un inconscient peut faire mal, très mal.
De nos jours, hélas, les « Keur serigne bi » du théâtre sénégalais foisonnent. Et l’on veut réciter sans avoir appris. L’on divague, désinforme, déforme. L’on confond comédie et pitrerie, dire la vérité, être naturel et faire preuve d’insolence.
Car le souci premier de beaucoup parmi ceux là qui s’agitent dans le théâtre chez nous, c’est la célébrité. La célébrité en vue du « Sambay mbayan » diront d’aucuns.
Or, l’artiste, je veux dire le créateur véritable confronté à son œuvre, ne pense ni à l’argent ni à la célébrité, mais à son art. La récompense viendra. Elle vient toujours. « L’art ne se prostitue pas », disait le plasticien feu Campbell Wagane Sakho qui « ne vivait pas de l’art, mais faisait vivre l’art. »
Or, nous ne devons jamais l’oublier, nous avons un peuple à éduquer, un pays à développer, un gap énorme à combler.
ABDOU KHADRE GAYE
Président de l’Entente des Mouvements et
Associations de Développement (EMAD)
Auteur de « Yaay Kan ? » et de
« Les chantiers de l’Homme »
Tel : 33 842 67 36
Email : [email protected]
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