Peut-être parce que nous n’avons pas l’habitude de la pratique de la maïeutique et de l’observation introspective des situations qui nous entourent, nous Sénégalais et Sénégalaises, ne nous sommes pas encore rendu compte de la réalité politique et économique que nous vivons depuis quelques mois maintenant, sous le règne de Me Wade. En effet sous quelque angle que nous l’analysons, cette situation n’est rien d’autre qu’une véritable dictature que, par pudeur ou manque de réalisme, nous hésitons à nommer tel quel.
A n’en pas douter, le principal trait qui distingue une démocratie d’une dictature n’est rien d’autre que l’organisation d’élections libres et transparentes. Cette pratique unique en son genre et qui constitue la seule opportunité paisible, offerte au peuple, de sanctionner positivement ou négativement ses dirigeants est gelée sous le ciel de Djoloff, et renvoyée aux calendes grecques. En effet, toute personne sensée et objective sait pertinemment qu’aucune élection n’est organisable au Sénégal dans un cours terme d’au moins 3 années. Au lieu de crier sur tous les toits pour contester cette évidente réalité, les thuriféraires de ce régime devraient prendre la primaire précaution d’aller voir de quelle manière les inscriptions se font sur les listes électorales, de même queles énormes problèmes et quasi- insurmontables problèmes liés aux cartes d’électeurs, l’impossibilité d’une supervision efficace des opérations électorales sur l’ensemble du territoire national, sans parler de ce crève-cœur que constitue l’inégalité des candidats devant les moyens matériels de l’Etat et l’abus des médias publics que fait sans aucune vergogne le Parti “démocratique” sénégalais. Un simple survol qui prouve, à lui seul, qu’il n’y aura pas d’élections au Sénégal, n’en déplaise à Ousmane Ngom qui, d’ailleurs, intègre parfaitement cette inévitable donne, malgré son cinéma devant les caméras pour endormir ce malheureux peuple sur les “avancées” de ce processus. En parfaite intelligence avec son “patron”, il donne certes jusqu’ici avec succès le change, et le petit peuple n’y voit que du feu, en attendant que le temps confirme que tout cela n’était que de la diversion pour gagner du temps et nous placer devant le fait accompli, comme ce régime a pris l’habitude de faire.
Ainsi il n’y a pas d’élections libres et justes au Sénégal dans l’agenda de Wade, pour toutes ces années. Alors que se passera-il ? RIEN. Ceci est aveuglant pour notre nouveau “maître”. Pour lui, et il ne se prive jamais de le clamer haut et fort, avec les Sénégalais, vous pouvez toujours en rajouter et il en restera toujours. En somme dans sa théorie, confirmée par son entourage, vous pouvez tout imposer aux Sénégalais aussi longtemps que vous le permettront vos scrupules, ils resteront impassibles. Ceci est le principal jugement que Maître a de son peuple. Il l’a clamé lorsqu’il était opposant, et tous les actes qu’il a posés, depuis son avènement au pouvoir, par la violation régulière et très brutale de toutes les lois de la République à quelque niveau que ce soit, le confirment. A preuve, la première des lois du Sénégal, à savoir la Constitution de la République votée par le peuple souverain, ne vaut pas plus maintenant que le bout de papier sur lequel elle est couchée. Pourquoi ? Parce que, selon lui, c’est à la Constitution de se plier devant lui et non le contraire. Cette vision inqualifiable est vérifiable chaque jour sous le règne de l’Alternance, et les exemples sont si nombreux que sûrement vous en connaissez plus que moi.
Alors dans un pays, lorsqu’il n’y a pas d’élections et que les autorités n’ont aucune envie d’en organiser, lorsque le peuple regarde avec un profond détachement pour ne pas dire stoïque cette mise au fer sans broncher comme sous le régime des Bokassa, Mobutu, Eyadema ou autre Kim Jong Il, dans quel régime sommes-nous ? Ne nous faites pas l’offense de soutenir qu’on est encore sous une démocratie. En fait, on est bel et bien dans une dictature au Sénégal.
Comme dans les dictatures précitées, et comme dans le Sénégal d’aujourd’hui, l’image du chef de l’Etat est surévaluée et surdimensionnée, sans commune mesure avec ses mérites ou réalisations au bénéfice du peuple. Toutes les réalisations, jusqu’aux plus insignifiantes, lui sont attribuées. Suivez le journal télévise de ce soir et vous vous rendrez compte que ceci est vrai au-delà de toutes normes que devrait imposer la décence et même l’intelligence. Bokassa ou Idi Amin avaient le dada des centaines de médailles accrochées à la poitrine, avec Abdoulaye Wade ce sont les prix. Un psychologue qui se pencherait sur cette bizarre propension nous dira, peut-être, que cela pourrait se justifier par le fait qu’il n’a jamais eu de prix a l’école primaire n’ayant pas été un élève brillant. Quoi qu’il en soit, nous en payons le... prix, car tous les moyens sont bons pour célébrer avec nos maigres ressources et à coup de milliards ses lassantes distinctions, tant il est vrai que tout ce qui excessif est insignifiant. Comme dans une dictature qui se respecte, le Sénégal de Wade ne saurait faire exception en organisant une chasse impitoyable contre toute l’opposition et toutes les oppositions. Toute critique tant soit peu virulente contre ce régime, qu’Abdoulaye Bathily a qualifié de vrai malheur pour le pays, est désormais un billet gratuit pour les geôles de sa majesté. Un état de fait qui fait que, comme dans toutes les dictatures, toute l’opposition est frappée d’une léthargie caractérisée par les déclarations mesurées des rares opposants qui croient encore à une hasardeuse possibilité de ramener la démocratie.
Ainsi nous partageons avec Cuba et le Zimbabwe d’avoir l’un des Présidents les plus vieux, pour ne pas dire le plus vieux, mais aussi que nous vivons dans le même régime politique à savoir la dictature menée par un homme sans scrupule pour le seul profit de son prestige, de sa famille et de ses courtisans, alors que l’écrasante majorité de la population vit dans la misère.
Certes, à la petite différence des autres régimes autocratiques, la dictature sénégalaise n’est pas classée comme telle par la communauté internationale. C’est pour exorciser ce démon que le prix Houphouët Boigny a été attribué à Maître Wade, mais apparemment la greffe n’a pas pris, car tout le monde sait que notre Président fait en ce moment un lobbying d’enfer pour faire avaler à la communauté des nations libres son funeste projet de faire suspendre les élections de 2007 jusqu’à nouvel ordre, peut-être en 2009 pour dit-il finaliser ses projets. A ce rythme, c’est le règne à vie pour lui à cause de l’absence totale de respect que Wade a manifesté pour sa parole depuis toujours. En somme, nous savons que Wade n’est qu’un dictateur, et la communauté mondiale en sera bientôt convaincue de long en large. Les Américains ont déjà dit leur écœurement devant un projet si injuste.
Adopter l’attitude de l’autruche n’y change rien, le Sénégal vit aujourd’hui dans la première dictature depuis son indépendance. A nous tous d’en tirer notre parti.
Oumou DEME - [email protected] - Boston - Mass.Etats-Unis
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