En attendant d’y voir plus clair, la Goana est née avec comme but déclaré l’autosuffisance alimentaire et l’abondance. On remarquera que les acteurs saisis à titre principal, ou en tout cas en premier, ne sont pas les plus intéressés. En lieu et place des agriculteurs et de leurs organisations, des techniciens du monde rural et des chercheurs de renom que compte notre pays, ce sont les fonctionnaires du commandement et autres directeurs de société qui ont été conviés à la présentation du plan. C’est eux que Sa Majesté a instruit d’exploiter chacun au moins 20 ha, avec la promesse de leur fournir équipements et intrants ; pourvu que cela ne soit pas de simples… ‘goana’ ou tromperies. Et en avant pour la production de 500 000 t de riz, de 2 000 000 t de maïs, de 3 000 000 t de manioc, etc. Grand Dieu, que de choses à dire sur ces promesses de même que sur ces objectifs de production fixés, si on pouvait percevoir le moindre sérieux ou la moindre bonne foi dans leur formulation ! C’est l’évidence, il est complètement inutile de se lancer dans des spéculations quant aux conditions de faisabilité de cette Goana telle que présentée, car en réalité, les résultats qu’en attend Me Wade, peuvent être très éloignés de ceux exprimés.
L’appétit du roi pour la terre est très grand, tout le monde le sait. Il est aussi clair que si, dans la mise en œuvre de cette Goana, un fonctionnaire du commandement territorial peut s’octroyer un minimum de 20 ha de terre et accorder à n’importe qui autant de surfaces et ‘sur simple demande’, on peut facilement imaginer ce dont les autres clients du pouvoir pourront bénéficier, à fortiori ce que sera la part des membres directs et alliés de la cour des Wade. Ainsi, plus qu’autre chose, ce pseudo plan apparaît comme un moyen idéal pour le pouvoir d’assouvir sa boulimie foncière. Le laissera-t-on faire ? C’est devant nous, comme on dit.
Au-delà de l’amour qu’ils éprouvent pour la terre, Me Wade et les siens semblent aussi raffoler d’argent plus qu’El Hadj Mor. Or la Goana peut aussi se révéler un excellent prétexte pour élaborer des semblants de projets, demander et obtenir des financements dont on usera, grâce à l’Agence de l’agriculture de la nourriture et de l’abondance (Aana) à créer, pourquoi pas, comme on a usé de ceux de l’Anoci. C’est vrai que Me Wade a bien dit qu’il ne veut pas d’argent des bailleurs éventuels, et qu’il demande plutôt du matériel ; mais n’oublions pas qu’il a aussi dit - et maintes fois prouvé - qu’il est ‘un homme nuancé’. N’a-t-il pas d’ores et déjà tendu la main en direction de ceux qui voudraient lui accorder du crédit pour l’achat de semences ?
Mais peut-être que, faute de bailleurs dans l’immédiat, et vu l’urgence, cela pourrait s’arranger, si on trouve acquéreur pour les actions du Sénégal dans la Sonatel. Ah oui ! Et voilà qui clouerait le bec à ces Sénégalais stupides qui disent ne pas voir de raisons à ce que Sa Majesté veuille aliéner les parts de l’Etat dans une société aussi bien gérée et aussi rentable. La Sonatel, grâce au travail opiniâtre de ses agents, à la compétence de ses cadres, singulièrement de son directeur, a fini par s’imposer à l’échelle de la sous-région et à forcer le respect à travers le continent et au-delà. Mais si le roi a besoin d’agent frais pour par exemple démarrer un plan aussi important que la Goana, tous les moyens sont bons pour en avoir. Puisque la bonne santé financière de la Sonatel laisse supposer qu’elle est facilement vendable, pourquoi hésiter ? Si encore le Dg était maniable, on tenterait de s’y prendre autrement pour avoir du liquide sans trop de complications.
Malheureusement, ce cadre formé à bonne école, digne fils de son regretté père, n’est peut-être pas facile à entraîner dans certaines combines, d’autant qu’il ne doit rien ni à Sa Majesté ni au prince. Alors vendons, et on en parle plus. Et d’ailleurs, en plus des possibilités de doter la future Aana de moyens en attendant que d’autres sources de financement mordent à l’hameçon, cette vente, si elle se réalise, aura aussi l’avantage non négligeable, du point de vue du roi, de neutraliser cet autre Sénégalais brillant qui, comme Jacques Diouf, Moussa Touré et compagnie, risque de faire ombrage aux éclats lumineux du Maître inégalable et inégalé !
L’alternance aura déçu sous plusieurs rapports. Mais elle a ce côté sans doute des plus pernicieux et des plus détestables, de cultiver l’idée que la fin justifie tous les moyens, comme cela transparaît de ce qui précède.
Aujourd’hui, dans la région de Saint-Louis notamment, des responsables locaux du Pds, appuyés par des ministres, pour ne pas dire sous leur cynique instigation, sont en train de monter des dossiers mensongers pour déstabiliser leurs adversaires présidents de conseil rural. Ils oublient qu’au niveau de leur communauté rurale où les conditions de vie sont souvent insupportables, ils devraient travailler à s’unir pour prendre à bras le corps leurs problèmes du terroir, pour la solution desquels ces ministres qui ne sont que leurs alliés conjoncturels, ne lèveront pas le petit doigt.
Diviser les populations à la base est un moyen que tout responsable politique devrait exclure dans sa quête d’assise et d’aura. Mais chez Me Wade et au Pds, on voit les choses autrement : on ne s’encombre pas d’éthique et de morale ; tout est permis pour faire mal à l’adversaire, y compris l’enduire d’excréments, si on ne le fait pas éliminer physiquement. Triste sort que celui du Sénégal de nos jours ! Mais l’espoir est permis, car des patriotes déterminés œuvrent sans relâche à chasser les démons.
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