Un instant de vie où il n’y a plus de vies ; rien
que des Absences. Une nouvelle qui effiloche mon âme. Une réalité qui contredit
mes certitudes sur le temps et bouleverse mes repères dans l’espace. Tout en
moi n’est que confusion. Tout s’arrête, dégringole et se dérobe sous mes
appuis. Ma conscience m’a sûrement trahi.
Et je me tourne, impuissant, vers le Tout Puissant qui me
répond par un silence impassible et imperturbable. Et surgissent les multiples questions. Qu’est-ce
que mon Peuple a fait pour mériter cela ? Ou bien tout simplement,
qu’est-ce qu’il n’a pas fait pour éviter cette tragédie ?
Des interrogations qui,
jaillissant au fond de mon être, ne trouvent point de réponses claires et
définitives. Les échos que j’ai perçus ne sont que silences et spéculations. Et
je rumine, profondément, ma souffrance et ma peine. Et, s’ajoutant à l’ultime
épreuve que constitue mon incapacité à soigner, à rendre autre, à
révolutionner, me tutoient un chapelet de regrets, un mutisme de résignation,
un vide qui ronge, une peur intérieure ineffable.
S’il en est des événements qui encombrent notre mémoire
collective, c’est bien la tragédie du Joola. Des Hommes, des centaines
d’hommes, embarqués dans la souriante effervescence d’un voyage pourtant
attendu, ne savaient guère qu’ils étaient sur le point d’achever leurs œuvres
sur cette terre. Ainsi, s’en sont-ils allés, en communauté, nous laissant dans
les peurs, angoisses, misères et tristesses les plus absolues. Ils sont certes
morts, mais de simples morts, ils ne peuvent jamais être. Ils sont des
martyrs : NOS MARTYRS.
Avec ces centaines de morts, c’est non seulement une
partie de nous-mêmes qui s’en est allée, mais c’est encore, et plus même, des
symboles qui ont cessé d’exister. Ces hommes et femmes, en effet, par leur
mort, ont su refléter un trait de notre humanité : la solidarité, dans la
douleur et contre la douleur. Autre symbole est aussi le bateau lui-même. Il
est cette poésie qui nourrissait, par ses navettes, les racines profondes de la
chère région du sud. Bref, il est la Casamance l’Hospitalière, le Sénégal.
Ces disparitions nous ont, il est vrai, rendu tristes.
Mais, contrairement au cœur de Sisyphe enchaîné, faisons en sorte que nos
souffrances-là connaissent une fin, que cette tragédie qui nous est imposée
sous le double et paradoxal visage de la continuité et de la rupture installe
en nous une nouvelle conscience de notre citoyenneté. Je veux invoquer la
continuité de nos mémoires s’en souvenant à chaque instant pour mieux
révoquer l’absence de valeurs sur la responsabilité bien assumée. Et à ceux-là
qui identifient souvent la responsabilité à la liberté, rappelons-leur qu’il
n’y a pas de liberté absolue ; il n’y a que l’Absolu qui soit
libre.
2 Commentaires
Pharoah
En Septembre, 2014 (10:02 AM)Guerthe
En Septembre, 2014 (22:42 PM)Participer à la Discussion