
Quel contenu donner au concept en vogue de « dialogue politique » décliné autrement en « retrouvailles libérales » ? La presse en parle, les grand » places en bruissent, les états majors politiques se prononcent et les commentateurs extrapolent, depuis cette déclaration du Président Macky Sall : « Je vais appeler à des concertations avec l’opposition. Et le PDS doit être au premier rang à propos de ces concertations ».
En 1988, de retour d’un voyage à l’étranger, le Président Abdou Diouf, avait été interrogé sur l’éventualité d’une transition évoquée en son absence dans une perspective de pacification de la vie politique en surchauffe d’alors. « Transition vers quoi ? » avait rétorqué Diouf, dans une réponse restée célèbre. En référence à cela, l’on se demande aujourd’hui ce que les uns et les autres voudraient signifier par « dialogue politique », « concertations » voire « retrouvailles libérales ».
Les Sénégalais retiennent de la trajectoire politique de Macky Sall, une rupture fondamentale avec le PDS, motivée par le télescopage de deux options antagoniques de la gestion publique, laquelle s’est manifestée notamment en 2008 par l’éviction du Président de l’Assemblée Nationale d’alors. Construit sur le refus de la patrimonialisation du pouvoir public, le culte de l’égalité des citoyens devant la loi et la primauté de la République, un projet politique a émergé de ce combat-là, porté et crédibilisé par des Sénégalais de divers horizons. Ainsi est née l’Alliance Pour La République (APR) qui a porté Macky Sall au pouvoir, la majorité des Sénégalais ayant cru en son leadership, mais aussi à la crédibilité de ses compagnons. En 2012, l’ancien ordre libéral fut négativement sanctionné, et avec lui son personnel politique, ses méthodes et ses pratiques.
Au regard de toutes ces considérations, toute réinstallation aux affaires publiques de ce personnel politique libéral ainsi congédié relèverait d’un déni de la volonté du peuple. Les Sénégalais, souverainement, ont en effet décidé en 2012, du profil et de l’identité des dirigeants qu’ils se sont choisis, pour un mandat présidentiel de sept (7) ans. Par la même occurrence, ils ont décidé du sort des autres, durant cette séquence : tenter de reconquérir le pouvoir à la prochaine échéance. Il n’y a aucune gloire pour un pouvoir à tirer de l’étonnement suscité par le choix de son personnel politique. Au contraire, la surprise dans le casting conduit à brouiller le message politique. C’est elle qui a conduit un Abdoul Mbaye, premier Premier ministre de Macky Sall, à avoir une ambition présidentielle. Remarque : cette décision de devenir un opposant est moins surprenante que celle de sa nomination à la fonction de PM en 2012. D’autres Abdoul Mbaye qui squattent les positions de pouvoir où ils ont été installés se dévoileront un jour, au gré des péripéties...
Apparaît ainsi donc la vacuité de toutes concertations autres que celles définies et encadrées déjà par les lois et règlements du pays dans les rapports entre le pouvoir et l’opposition. Autrement dit, pour reprendre la tautologique et pédagogique expression : « l’opposition s’oppose, le pouvoir gouverne ». Quand ce n’est pas le cas, non seulement la volonté populaire est foulée aux pieds, mais pis des menaces guetteraient notre démocratie. Il est certes de bon aloi d’avoir des rapports pacifiés entre pouvoir et opposition, mais rien n’est plus dangereux que les consensus mous faisant accroire l’idée que les hommes politiques seraient dans des combines et entourloupes, et que leurs discours ne sont destinés qu’aux gogos. L’on a vu les conséquences désastreuses auxquelles on a abouti au Mali lorsque ce pays se distinguait par un consensus mou autour d’un Président de la République sans parti et sans opposition...
Un pouvoir a besoin d’une opposition forte, dans sa fonction de vigie. Les droits de l’opposition sont connus et définis, ils ne sauraient procéder d’une quelconque générosité du pouvoir. De même, la responsabilité qui s’attache à ce statut d’opposant est claire, l’État disposant des moyens de l’encadrer.
Depuis l’élection présidentielle de 2012 et toutes les consultations qui s’en sont suivi, la volonté populaire se manifeste par sa cohérence. À travers la consultation référendaire de 2016, des esprits malins ont cru tenir l’occasion d’installer la chienlit pour anticiper l’élection présidentielle de 2019. Ce à quoi le peuple a dit Non, en votant Oui... L’on ne comprendrait donc pas qu’au sortir de cette échéance-là, avec un prononcé si limpide de la volonté populaire, puisse s’instaurer un jeu dont la saine finalité se rechercherait en vain.
Abou Abel THIAM
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