C’est la période des élections des responsables d’Amicales des facultés à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). A cette occasion, nous avons coutume d’assister à une tornade de bêtises humaines dans le temple du désordre, pardon, temple du savoir. Injures, vandalisme et batailles rangées amplifiées par un tourbillon d’armes blanches se disputent l’ambiance dans les lieux de vote. Sans un atome de retenue, les étudiants bondissent et rebondissent, telles des bêtes blessées, au rythme de leurs sports favoris : la bagarre et la casse. Casse-pieds, ils font de la sécurité un vrai casse-tête pour les autorités.
Tout le monde sait que cette cascade de violence n’a qu’une seule et unique cause : l’argent, le nerf de la guerre. En effet si les étudiants sont prêts à s’entre-dévorer pour trôner dans les Amicales c’est pour des raisons essentiellement pécuniaires. Les Amicales constituent des lieux de pouvoir avec des enjeux financiers aussi puissants que l’éclair qui déchire l’atmosphère. Et à cause du laxisme des autorités, les délégués en profitent pour s’adonner à des pillages et gaspillages ahurissants.
De l’argent, il y’en a à gogo dans les Amicales. Chaque année, elles roulent sur des budgets qui oscillent entre 3 et 9 millions de francs Cfa. Cette manne financière provient des ristournes sur les inscriptions mais aussi des subventions du COUD (Centre des Œuvres Universitaires de Dakar), du rectorat et du décanat. Et même si ces deux dernières institutions nient avoir subventionné des Amicales, la réalité est tout autre. Cette année l’Amicale de la faculté des Sciences et Techniques a reçu 500.000f CFA du décanat et 200.000f CFA du rectorat. En dehors de leurs budgets les Amicales ont aussi la main mise sur les cybers installés dans les facultés et y tirent beaucoup de profits.
Les délégués bénéficient en outre de beaucoup d’avantages et de privilèges dans les Amicales. Durant les vacances, en plus d’être logés et nourris, ils perçoivent des indemnités journalières de 1500f CFA. Ceci en raison de leur participation à certains travaux du COUD et des facultés durant cette période. Outre ces indemnités, ils reçoivent aussi des per diem dont le montant total gravite autour de 1 million de francs Cfa. Ceci à l’occasion des travaux de codification pour la distribution des chambres aux étudiants. Et c’est le lieu de signaler que tous les délégués sont logés sans conditions préalables. A noter aussi que les délégués ont charge l’attribution des bourses sociales octroyées par la direction des bourses aux étudiants nécessiteux.
Mais ce qui est regrettable dans tout cela, c’est le fait qu’aucun système n’est mis en place pour contrôler la gestion des fonds des Amicales. Aucun délégué n’est contraint à rendre compte devant une quelconque autorité. Ils gèrent tout de façon discrétionnaire. Ce qui conduit naturellement à beaucoup de dérapages. Et le plus saillant est la vente illicite des chambres du campus.
Ce trafic a atteint des proportions effarantes ces dernières années. Enormément de lits se vendent en catimini par les délégués. 150.000f CFA pour une chambre individuelle, 300.000f CFA pour une chambre à 2 lits et 450.000f CFA pour celle à 3 lits. Sans modération aucune, ils s’adonnent à ce sale business de façon démesurée ce qui diminue de façon drastique le nombre de bénéficiaire. Mais le plus scandaleux c’est que tout se fait avec la complicité flagrante du COUD. Non seulement les responsables de cette institution sociale ferment les yeux sur ces pratiques mais certains de leurs agents sont fortement impliqués dans ce commerce malsain. Nombre de ces agents sont de connivence avec les délégués dans la vente des chambres. C’est dire qu’il n’y a pas qu’à la poubelle où l’on trouve des ordures…
Et il n’y a pas que les chambres qui font l’objet de fraude à l’université. Les bourses sociales suscitent aussi beaucoup de controverses. Leur attribution doit se faire sur la base de critères sociaux. Mais le comble est arrivé quand des étudiants de situation sociale précaire ont été obligés de corrompre des délégués pour pouvoir bénéficier de ces bourses.
Voilà autant de dérives qui caractérisent les Amicales des facultés et sur lesquelles les autorités universitaires n’ont jamais pipé mot. Est-ce une fuite de responsabilité ? Ont-elles peur que les délégués révèlent des informations explosives leur concernant ? C’est des questions.
En tout cas selon le chroniqueur Tamsir Jupiter Ndiaye: « Se taire, ce n’est pas refuser de parler mais c’est parler. C’est parler par une mise en silence des mots. »
L’UCAD forme des cadres certes. Mais elle forme également des menteurs et des voleurs hors pair à travers ses Amicales. Et c’est malheureusement ceux là qui vont constituer la classe dirigeante du Sénégal de demain. Il suffit de convoquer l’histoire pour voir que beaucoup de dirigeants du pays qui excellent aujourd’hui dans la tortuosité ont fait leurs débuts dans ces instances de syndicalisme estudiantin. C’est pourquoi d’aucuns pensent qu’il vaudrait mieux les supprimer. Il y va de la stabilité même de l’université. Dans le cas contraire, il y’a lieu de s’inquiéter pour l’avenir et le devenir de notre pays.
Arouna BA
Etudiant en Physique-Chimie à l’UCAD
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