
Les violences sexuelles sont des violations flagrantes des Droits des femmes et des filles au sein de la société. Elles sont récurrentes mais la sous dénonciation reste criarde. Ces violences ont des conséquences néfastes sur la santé des victimes et constituent un lourd fardeau économique. Au Sénégal, il ne se passe pas un seul jour sans que la presse ne relaie de comptes rendus de procès ou des récits d’abus sexuels à l’endroit des femmes et des filles. Cette recherche va permettre de faire une analyse situationnelle et de proposer des solutions pertinentes pour contribuer à l’éradication des violences faites aux femmes et aux filles au Sénégal. Pour se faire, une enquête qualitative a été menée auprès des acteurs impliqués notamment les victimes, les prestataires de soins, les procureurs et les responsables d’ONG de lutte contre les violences. Les violences surviennent le plus souvent au niveau des foyers. En milieu familial, elle émane principalement du mari. La victime refuse de dénoncer par peur de divorce. Cette sous dénonciation est plus fréquente chez les filles victimes de violences sexuelles car les parents proches ont peur de représailles du présumé agresseur et/ou de son entourage. Elles souvent victimes de viols des proies faciles pour les agresseurs sans aucune surveillance parentale. Les prestataires de soins éprouvent d’énormes difficultés pour la prise en charge des victimes de violences sexuelles liés au retard de consultation. Les procureurs soulignent que de rares cas de violences sexuelles parviennent en milieu judiciaire malgré les actions de sensibilisation menées par les acteurs des ONG. Ces derniers sont souvent stigmatisés ou « diabolisés » par la communauté. Face à ces constats, des recommandations sont formulées. Il s’agit de renforcer la communication sur les conséquences néfastes des violences sexuelles, l’éducation sur la sexualité, la formation en matière d’établissement et de délivrance de certificats médicaux, l’accessibilité financière aux certificats médicaux, des tests de diagnostic (tests ADN…) et l’autonomisation économique des femmes.
Introduction
Selon l’OMS, la violence sexuelle signifie : « tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne, en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s’y limiter, le foyer et le travail »1. La coercition vise le recours à la force. En dehors de la force physique, l’agresseur peut recourir à l’intimidation psychologique, au chantage, ou à d’autres menaces (blessures corporelles, renvoi d’un emploi ou ne pas obtenir un emploi). La violence sexuelle peut survenir alors que la personne agressée est dans l’incapacité de donner son consentement parce qu’elle est ivre, droguée, ou incapable mentalement de comprendre la situation. Faire des rapports sexuels avec des mineurs même s’ils « consentent » est considéré comme violence sexuelle. Au Sénégal, il ne se passe pas un seul jour sans que la presse ne relaie de comptes rendus de procès ou des récits d’abus sexuels à l’endroit des femmes et des filles. Face à cette situation, le Sénégal a pris des mesures pour lutter contre ce fléau. En effet, vers la fin des années 1990 et tout au long de la première décennie, des années 2000, un ensemble de dispositions législatives et réglementaires avait été pris par l’État du Sénégal sanctionnant les
violences contre les femmes. Cette recherche vise à mettre en exergue la violation des Droits fondamentaux des femmes en matière de dignité, d’égalité et d’accès à la justice en vue d’aboutir à des mesures de lutte efficaces contre les violences sexuelles faites aux femmes et aux filles.
Contexte
Le système de santé du Sénégal est organisé selon une structure pyramidale qui comprend un niveau central, un niveau intermédiaire constitué par les Directions Régionales de la Santé et un niveau périphérique appelé District sanitaire. Le Sénégal compte, en 2019, soixante-dix-neuf (79) districts sanitaires, cent trois (103) centres de santé, mille quatre cent quinze (1 415) postes de santé polarisant deux mille six cent soixante-seize (2 676) cases de santé. Les établissements publics de santé au Sénégal sont au nombre de quarante (40) dont trentesix (36) hospitaliers et quatre (4) non hospitaliers. Les EPS hospitaliers sont structurés en trois niveaux : les EPS de niveau 1 ; les EPS de niveau 2 et les EPS de niveau 3 (localisés uniquement dans les régions de Dakar et de Diourbel)[1].Sur le plan judiciaire, le Sénégal comptait 11 TGI. Les trois régions nouvellement créées en 2008, à savoir Kaffrine au centre, Kédougou au sudest et Sédhiou au sud n’en disposaient pas encore et dépendaient respectivement des TGI de Kaolack, Tambacounda et Kolda.
Approche méthodologique
Une enquête qualitative a été menée. Les populations d’étude étaient constituées par les victimes, les responsables de services des urgences et / ou gynéco-obstétricaux des EPS 2 ou EPS 3, les responsables au niveau des tribunaux, les responsables des ONG de lutte contre les violences. Des entretiens individuels ont été réalisés pour recueillir les perceptions des différents acteurs. Les données issues de cette enquête ont été analysées.
Constats
- Profil des victimes de violences sexuelles
Les foyers sont les lieux de prédilection des violences. Les violences conjugales restent fréquentes. Pour la plupart du temps, la violence émane du mari. S. D., âgée de 40 ans affirmait : « …mon mari est revenu d’un voyage après 3 mois, tout se passait bien la journée, j’ai préparé un repas succulent et copieux à mes propres frais, juste pour lui faire plaisir. La nuit, au lit, il n’a même pas voulu me toucher, il m’a tourné le dos et a commencé à dormir. Son comportement bizarre ne m’a pas empêché de le réveiller mais ce dernier m’a intimé l’ordre de ne plus le déranger car il n’a pas envie d’avoir des relations sexuelles ; ce que j’ai considéré comme un refus de satisfaire sa femme après une longue absence ».
Certaines mamans ne prennent pas assez de temps pour surveiller leurs filles. D’autres fuient leurs responsabilités vis-à-vis de leurs progénitures. Celles-ci, laissées à elles-mêmes constituent des proies faciles pour les agresseurs provenant d’habitude de leur entourage proche. Il est fréquent de constater qu’il s’agit des parents ou des voisins. Ceci témoigne d’un manque d’attention des parents et on parle d’environnement social précaire prédicteur de la survenue de violences.
F. T., maman de SG (12 ans), violée par l’ami de son grand-frère disait : « …On se remet à Dieu, j'ai même envoyé ma fille vivre chez sa tante pour permettre que les blessures se cicatrisent mais c'est toujours difficile pour nous de nous acquitter des frais d’ordonnances pour sa prise en charge médicale… ».
Craignant d’être dénoncés, les agresseurs menacent leurs victimes. M. P., âgée de 51 ans affirmait : «...ma fille a été abusée par son père adoptif, ce dernier justifiait son acte comme motif pour sortir sa famille des difficultés financières. Je n’ai pas pu porter plainte par peur de perdre mon ménage vu que j’ai eu deux garçons avec lui. Depuis cet incident, j’ai confié ma fille à une de mes sœurs pour bien s’occuper d’elle… ». Certes, le viol peut être dissimulé mais à un stade avancé, la grossesse est difficile à cacher, l’apparition soudaine d’un « gros ventre » pousse ainsi le voisinage à s’interroger sur l’identité de l’auteur. Une responsable d’une ONG de lutte contre les violences faites aux femmes témoignait : « F.S., 15 ans, victime d’inceste de son père et enceinte, a décidé de faire un abandon volontaire de l'enfant car pour elle c'est impossible de le garder, vu sa situation, nous continuons à la soutenir moralement, financièrement et même sur le plan judiciaire…».
- Difficultés rencontrées pour une bonne prise en charge médicale et/ou judiciaire de victimes de violences
Les victimes ainsi que leur entourage peinent à supporter les frais des examens paracliniques notamment le test ADN, la radiographie, le scanner. De même, les victimes sont confrontées aux difficultés à disposer d’un certificat médical jugé cher. Preuve médicolégale de l’agression subie, le certificat médical est souvent l’élément le plus important aux yeux de la victime et de son entourage qui le privilégie souvent au détriment des examens complémentaires. Il lui permet d’avoir une preuve de son agression et d’enclencher la poursuite judiciaire contre le présumé agresseur. Un gynécologue expliquait : « C’est fréquent en consultation, la semaine passée j’ai reçu une fille âgée de 19 ans accompagnée de sa mère. Après l’interrogatoire, l’examen a montré une défloration récente de l’hymen, je leur ai prescrit une ordonnance pour les soins et un bilan biologique à faire. Mais la maman de la victime privilégie le certificat médical au détriment des soins ; car pressée de défendre l’honneur de sa fille. Cet exemple, parmi tant d’autres, montre que les victimes ainsi que leurs accompagnants ont plus tendance à se préoccuper de l'obtention du certificat médical que d’effectuer les soins et les examens complémentaires… ».
Le retard de consultation médicale des victimes rend difficile la tâche des prestataires de soins dans l’établissement du certificat médical. Il s’agit d’une preuve pour les autorités policières et judiciaires pour l’inculpation du présumé agresseur suivie de sa sanction pénale une fois que les faits qui lui sont reprochés sont avérés. Selon le responsable du comité régional de lutte contre les violences faites aux femmes (CLVF) de Tambacounda : « … il existe un manque de moyens financiers et logistiques pour mener toutes les activités souhaitées dans le cadre de la lutte contre les violences … ». Les ONG indexent par ailleurs la stigmatisation dont elles font l’objet. Certaines utilisent le terme de « diabolisation » pour exprimer les problèmes rencontrés sur le terrain de la part des populations. Les ONG vont même jusqu’à être mal reçues des populations. Le responsable de l’ONG TOSTAN de Matam disait : « …On fait face à une forte intimidation quand on éveille les consciences on dit qu’on va à l’encontre de l’Islam. Même avec des guides religieux, parfois on n’est pas bien reçu dans les villages… ».
- Nature de la société sénégalaise
Pour la majorité des interviewés, la société sénégalaise est construite sur la base du « sutura ». Le « sutura » a comme élément fondamental la pudeur. Cette pudeur encourage les victimes à garder dans l’intimité leur souffrance. Pour préserver la cohésion familiale et sociale, elle impose un règlement à l’amiable des cas de violences. Elle dicte que la vie en communauté impose des sacrifices qui permettent de maintenir une certaine stabilité sociale. S’exposer publiquement serait gage d’opprobre général. Le procureur de Fatick affirmait : « … les gens vivent en communauté et dès que quelqu’un s’oppose à la communauté il est écarté de la société. De ce fait les victimes et leur entourage proche ont tendance à dissimuler les faits et optent pour une vie dans la souffrance sans que justice ne soit faite… ». Concernant les agressions des filles, ce « sutura » est d’autant plus important pour les victimes qu’il permet de « protéger la fille» et de préserver son avenir. Ainsi cet enfant ne risque pas une stigmatisation ultérieurement. Pour les règlements, ils se faisaient à l’amiable et dans ce cas on privilégie le dédommagement financier. Le type de société traditionnelle interviendrait également selon eux dans la sous dénonciation. Le procureur de Fatick affirmait : « Dans certaines sociétés traditionnelles, telles que les milieux sérères, en général, les gens n’aiment pas saisir la justice pour dénoncer les cas de violences ». Dans le Sud, selon le Procureur du tribunal de grande instance de Tambacounda : « …les croyances psycho-sociales qui font que la femme doit être soumise à l’homme, c’est comme une sorte de légitimation de la violence de l’homme envers la femme… ».
- Nature des liens entre l’agresseur et la victime
La violence désolidarise la famille qui est un élément fondamental au sein de la société sénégalaise. Selon les interviewés, pour préserver la cohésion familiale, les victimes et/ou l’entourage proche optent souvent pour un règlement à l’amiable des cas de violence. Un procureur du tribunal de grande instance affirmait : « Les violences sont très fréquentes dans la zone surtout dans les quartiers populaires. Très souvent les auteurs de ces actes font partie intégrante de la famille, l’entourage sacrifie la victime au nom de la cohésion familiale et du « sutura ». Cela explique la sous dénonciation c’est-à-dire beaucoup de cas ne sont ni révélés aux autorités sanitaires ni aux autorités policières et judiciaires. Par conséquent, la victime est souvent affectée au plan psychologique (elle se sent coupable) d’où sa fragilité et sa peur d’entamer un combat qui la mettrait au-devant de la scène médiatique et sociale. Ainsi, l’absence de correction de l’agresseur peut pousser ce dernier à récidiver en reproduisant ces actes sur la même personne ou d’autres dans son environnement proche ».
Méconnaissance du Droit par les victimes Selon les procureurs, la majorité de la population sénégalaise n’a pas assez de connaissances sur la justice. Cette méconnaissance, déterminant de la sous dénonciation s’explique par la non instruction, prépondérante chez les victimes et le manque d’informations sur leurs Droits. Les procédures de justice longues décourageraient certaines victimes et/ou leur entourage proche à entamer la poursuite judiciaire contre le présumé agresseur.
- Difficultés rencontrées pour une bonne prise en charge judiciaire de victimes de violences
Les difficultés ont trait à la gestion des preuves, à la nature des audiences judiciaires, aux difficultés financières des victimes.
- Nature des audiences judiciaires
Les audiences publiques augmentent le sentiment de honte et d’angoisse surtout pour les filles victimes de violences.
Le procureur du tribunal de grande instance de Fatick disait : « …la majeure partie des dossiers portant sur des violences faites aux femmes et aux filles étaient des cas de viols, le plus souvent les victimes étaient mineures et travailleuses dans les champs ou parfois des élèves qui traversent les champs pour se rendre à l’école. Ces viols surviennent souvent durant l’hivernage où hommes, femmes et enfants se réunissent dans des champs ; cette zone qui fait partie du bassin arachidier crée l’affluence de plusieurs hommes qui viennent travailler pendant cette période (juillet à octobre) comme « sourga » et sont auteurs de la plupart des agressions. Face à cette situation nous rencontrons des difficultés surtout chez les victimes mineures … l’audience publique est un facteur bloquant… ». Un procureur du tribunal des mineurs de Dakar expliquait : « En procès la fille victime de viol refuse de parler parce qu’elle a peur et je suis obligée de l’interroger seule dans mon bureau. Je prends tout mon temps pour gagner sa confiance, la rassurer afin de l’amener à raconter toute l’histoire et dénoncer son agresseur. Je ne vous le cache pas : la majeure partie des victimes que j’ai eu à interroger connaissent bien leurs agresseurs. Ces derniers proviennent du voisinage ou de la famille : ceux qui sont censés les protéger. Certaines victimes ont dénoncé leurs pères comme violeurs donc des cas d’inceste ».
- Difficultés financières des victimes
Selon les procureurs, les violences surviennent le plus souvent dans les milieux où sévissent la pauvreté et l’analphabétisme. Ainsi, les familles qui y vivent éprouvent d’énormes difficultés pour assurer les frais médicaux et disposer du certificat médical. Ce qui concourt à une déperdition des preuves. Ce manque de moyens est criard surtout pour les victimes issues de familles pauvres.
- Insuffisance de moyens de la justice
La quasi-totalité des procureurs sont unanimes sur le manque de ressources humaines. Beaucoup de tribunaux de grande instance ne disposent pas d’archiviste. Par conséquent, les dossiers sont difficiles à exploiter, mal entretenus et mal rangés car entassés dans une salle.
Recommandations
- Ériger le bureau de prévention de la violence et des traumatismes du MSAS en programme national de lutte contre les traumatismes intentionnels et non intentionnels
Inscrire les « traumatismes et violences » comme un problème prioritaire de santé dans le prochain Plan National de Développement Sanitaire et Social (PNDSS) est une démarche importante pour une lutte efficace contre les violences sexuelles qui menace la vie des personnes surtout celles vulnérables (femmes et filles). Avec ce programme, un plan stratégique quinquennal sera élaboré prenant en compte la prévention et la prise en charge des violences avec la pleine participation des ministères, du parlement, de l’université, des collectivités locales, de la société civile (organisations communautaires), des ONG internationales de lutte contre les violences. Il sera un document de référence de toutes les stratégies planifiées à mettre en œuvre pour les 5 prochaines années. Ainsi, selon les recommandations de l’OMS, 4 orientations stratégiques (OS) doivent être prises en compte :
. OS1 : Leadership et gouvernance
. OS2 : Fournitures de services et capacité des soignants
. OS3 : Prévention
. OS4 : Information et bases factuelles
- Subventionner les coûts directs médicaux de prise en charge des victimes de violences sexuelles
Le Ministère en charge la santé et de l’action sociale doit mettre à la disposition des structures, des kits de prise en charge (consultation, hospitalisation, antibiotiques, contraception d’urgence, bilan biologique…). Il doit encourager les populations à adhérer aux mutuelles de santé pour une protection contre les risques financiers. Au préalable, l’État par l’intermédiaire de son agence pour la couverture sanitaire universelle doit rendre les mutuelles de santé plus attractives par une articulation avec les initiatives de gratuité (plan Sésame, gratuité chez les enfants de moins de 5 ans, gratuité de la césarienne). L’attractivité des mutuelles se traduit aussi par le renforcement du paquet de soins pour couvrir les gros risques. Cette articulation va permettre d’assurer la soutenabilité financière de ces mutuelles face aux dépenses de santé comme celles qu’auraient supporté les victimes de violences.
- Élaborer et mettre en œuvre un plan national de communication sur les violences faites aux femmes et aux filles
Le but de ce plan est de contribuer à l’élimination des violences sexuelles au sein de la société.
- Affecter au moins dans chaque établissement public de santé de niveau 2 un psychologue clinicien
L’État devra intégrer le corps des psychologues dans la nomenclature de la fonction publique afin que ces derniers soient recrutés. En fait, actuellement, la non intégration à la fonction publique les pousse à s’installer dans les structures sanitaires privées inaccessibles financièrement pour la majeure partie des populations. Ainsi, les victimes sont obligées de se prendre en charge auprès des psychiatres, vu que ces derniers ont une certaine compétence dans ce domaine. Malheureusement, ces psychiatres sont inégalement répartis sur le territoire national. Le Ministère en charge la santé doit mettre à la disposition de chaque EPS 2 une unité de veille et de prise en charge psychosociale avec un psychologue et un assistant social. Il doit aussi collaborer avec la Faculté de Médecine, Pharmacie et Odontologie de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar et les unités de formation et de recherche (UFR) santé des universités des régions pour la mise en place d’un diplôme d’études spécialisées (DES) en psychologie médicale car n’étant pas encore disponible au Sénégal.
- Renforcer les capacités des médecins du secteur public comme privé en matière d’établissement et de délivrance de certificats médicaux
- Appliquer la loi relative à la criminalisation du viol La criminalisation des actes de viol et la pédophilie entraine un surpeuplement des prisons car la durée de détention provisoire des présumés coupables n’est pas encadrée par des délais en cas de crimes. Cette situation doit encourager les autorités judiciaires à appliquer davantage la loi publiée dans le Journal Officiel, numéro spécial du lundi 27 juillet 2020. Il s’agit de la Loi n02020 – 28 du 07 juillet 2020 modifiant la loi n065-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et consacrant le placement sous surveillance électronique comme mode d’aménagement des peines4. L’application de la Loi vise à désencombrer les prisons et à maintenir les liens familiaux de la personne concernée. Au cours de son placement sous surveillance électronique, le juge mène son enquête. Ce dernier reste confronté parfois à des difficultés pour apporter des preuves permettant d’incriminer le présumé coupable. Parmi ces preuves, le test ADN reste crucial mais il n’est pas accessible financièrement pour la majeure partie des populations et n’est disponible qu’à Dakar, au niveau du Centre de Diagnostic et de Recherche en Médecine Moléculaire (CDRMM) et de l’Institut
Recherche en Santé, de Surveillance Épidémiologique et de Formations (IRESSEF). Pour y apporter des solutions, l’État doit renforcer les capacités diagnostiques et techniques en biologie moléculaire au niveau des établissements publics de santé de niveau 2 et 3. Cette disponibilité du test ADN doit être accompagnée par une subvention de l’État pour une meilleure accessibilité des populations. Ce renforcement ne doit pas épargner la police scientifique afin qu’elle soit plus efficace dans les enquêtes criminelles. Elle doit être renforcée en outils de diagnostic en biologie moléculaire à titre d’exemple et en ressources humaines qualifiées notamment des pharmaciens spécialistes en biologie moléculaire, des médecins anatomistes, des médecins légistes. Cette police scientifique doit disposer d’une base de données ADN. Il s’agit d’un fichier numérisé de profils génétiques à partir d’échantillons ADN qui permet d’identifier le présumé agresseur par son ADN. L’application de la loi sur la criminalisation du viol doit pousser les médecins à plus de rigueur dans l’établissement de certificats médicaux, preuves médico-légales pour la sanction judiciaire des agresseurs. Un programme de renforcement des capacités des médecins en matière de certificats médicaux de qualité est nécessaire.
- Renforcer l’éducation à la sexualité en milieu scolaire
L’éducation complète à la sexualité reste une stratégie importante pour préparer les jeunes à une vie saine et productive. Le milieu scolaire est un bon cadre pour connaître les avantages d’une éducation à la sexualité de qualité basée sur les programmes scolaires. Le milieu scolaire est un grand apport pour éduquer les élèves sur la sexualité. Ainsi, il est important de réviser les curricula de formation en introduisant des modules de formation sur l’éducation à la sexualité ciblant les adolescents notamment durant les cycles moyen et secondaire. Pour une meilleure appropriation, ce processus de révision devra impliquer toutes les parties prenantes du secteur éducatif notamment les associations des parents d’élèves, les représentants des élèves, les syndicats des enseignants, les directeurs, principaux et proviseurs, les ONG et les représentants du Ministère de l’Éducation Nationale. Ce processus devra s’adosser sur le respect strict de nos principes et valeurs culturelles. La promotion des clubs éducation à la vie familiale (EVF) ouvre des espaces aux jeunes afin qu’ils puissent s’informer et sensibiliser leurs paires sur la santé sexuelle. Ainsi, il est opportun d’encourager les élèves à adhérer aux clubs et/ou à participer activement aux activités de sensibilisation afin de les amener à avoir de bonnes connaissances, attitudes, valeurs. Les parents doivent compléter cette éducation en amenant les jeunes à connaitre leurs valeurs citoyennes et civiques. Le niveau de connaissances sur leurs Droits sexuels et reproductifs sera amélioré. Ainsi, l’acquisition de compétences leur permet de développer des relations sociales et sexuelles responsables, de jouir de leurs Droits humains tout au long de leur vie.
- Promouvoir l’autonomisation économique des femmes L’autonomisation des femmes passe par l’éducation qui leur permettra de sortir du monde de l’ignorance. De ce fait, elles peuvent prendre des initiatives notamment la création d’activités génératrices de revenus. L’État doit accompagner les associations féminines en leur adaptant les mécanismes de financement existants à leurs besoins et capacités. Ainsi, elles doivent être formées selon leurs domaines d’intérêts notamment la fabrication de jus naturels, de savons, au maraichage, à l’embauche bovine ou la pisciculture… L’État doit mettre à la disposition des associations féminines des spécialistes dans leurs domaines d’activités en vue de les encadrer à toutes les étapes, de la production à l’écoulement de leurs produits de qualité sur le marché. Ces activités encadrées leur permettront de générer des bénéfices qui vont servir à rembourser les prêts auprès des structures décentralisées de l’État, à assurer les dépenses de production notamment les charges en ressources humaines et matérielles. L’autonomisation économique exige un accès aux ressources et une capacité des femmes à les contrôler et à les utiliser d’où la nécessité de renforcer leurs compétences. Elle donne aux femmes plus de pouvoir de décision leur permettant de prendre des mesures émancipatrices notamment la revendication de leurs Droits au sein de la société. Les femmes doivent occuper des postes de responsabilité comme les hommes au sein du secteur public comme privé. Ainsi, elles peuvent devenir des gestionnaires de programmes et être capables de prendre des décisions.
Mamadou Makhtar Mbacké LEYE
Professeur Titulaire des Universités Médecin - Spécialiste en Santé Publique ISED / FMPO / UCAD
Contact : [email protected]

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