ZOOM sur le CNRA, cette machine à avis sans effet !

Dans ce 2e N° de la lettre de l’Observatoire, Limedia s’intéresse au Conseil national de régulation de l’audiovisuel.

Du Haut conseil de la radio-télévision en passant par le Haut conseil de l’audiovisuel, jusqu’au conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), celui qui est censé être le gendarme (chargé de la surveillance) de l’audiovisuel sénégalais, semble être mis, plutôt, sous surveillance.

En effet, l’opposition ne semble lui accorder aucun crédit, au moment où les médias privés semblent décider à lui « faire sa fête » chaque fois qu’il (le CNRA) ose s’intéresser, de près, à ce qu’ils font. Ainsi, le CNRA fait profile bas, se lamente comme vous et moi, s’il n’adopte pas, simplement, la stratégie du « pas vu, pas pris » ou si vous voulez, « ni entendu, ni vu ». Il limite son travail à la production d’avis trimestriels, dont il ne change une virgule d’un avis à un autre, et la production de rapport public annuel qui ne nous donne jamais des informations détaillées et précises sur le respect des cahiers de charges en matière de production, de pluralisme….

Jusqu’ici, on ne dit pas aux citoyens sénégalais, combien de minutes la télévision walfadjri, par exemple, a consacré durant l’année 2010 à l’information, aux loisirs….On ne dit pas aux citoyens, la répartition exacte du temps d’antenne entre les différentes sensibilités politiques, sociales….

Toutefois, ceci n’est pas surprenant, car lorsque l’on ne peut pas se faire respecter par des médias, qui à la moindre occasion vous soumettent à un lynchage médiatique, on ne pourra pas, bien évidemment, amener ces même médias à respecter les règles du jeu, pour ne pas dire à respecter les citoyens, et toutes les autres institutions, institutions au sens sociologique du terme.

Il est vrai que dans le conteste sénégalais actuel, personne ne semble avoir le courage de faire face aux médias, même si, tout le monde reconnaît, à commencer par les journalistes eux-mêmes en privée, les dérives incommensurables de la presse.

Mais devons-nous quand même laisser la situation pourrir davantage ? Même le CSA (le conseil supérieur de l’audiovisuel français), commence à se réveiller et à se faire respecter et à faire respecter les règles du jeu.

Même si en matière d’efficacité des systèmes de régulation, le CSA est loin d’être le meilleur modèle, il serait bon, tout de même,  d’exposer quelque uns de ses arrêts, pour nous désoler encore de l’inertie du CNRA.

Rappelons, par exemple, qu’une envoyée spéciale de TFI avait annoncé en Direct, dans le JT du 08 août 2008, la mort d’un enfant qui était déclaré disparu. Il se trouve que cette information était erronée, et le CSA avait immédiatement convoqué M. Nonce Paolini, président-directeur général de TF1, et M. Jean-Claude Dassier, directeur de l’information, pour s’enquérir des « conditions dans lesquelles cette annonce a été faite, ainsi que sur les dispositions prises par TF1 pour s’assurer de la véracité des informations diffusées à l’antenne ».

A la suite de cette audition, une mise en demeure avait été adressée à TF1, pour lui demander « d’assurer l’honnêteté de l’information et la maîtrise de l’antenne ». La suite nous la connaissons, la journaliste a été entendue par la direction de TF1 et licenciée par la suite pour « faute grave ». Pourtant, Florence Schaal, pour la nommer,  a travaillé pendant plus de 30 ans pour TF1. Et bien avant d’être auditionnée par le CSA, dès le lendemain de l’annonce erronée de la mort de l’enfant, TF1 avait présenté ses excuses.

Ici au Sénégal, on déclare le matin que Fadiga a insulté le commissaire central, pour revenir le soir dire que Fadiga n’a jamais insulté le commissaire. Ou alors, on dit que l’on a vendu la Lonase le lundi pour revenir le mardi dire que la Lonase n’est pas vendu.

Fadiga a insulté le commissaire n’est pas une opinion mais un fait, lorsqu’un journal décide de le rendre public il doit s’assurer de sa véracité et non pas parce que, simplement, quelqu’un le lui a dit.

Le principal problème avec la presse sénégalaise c’est qu’elle se fait le malin plaisir de toujours se couvrir par une source : le journaliste dira toujours, ce n’est pas  nous qui avons dit, mais c’est l’autre qui a dit, nous n’avons fait que relayer, comme si sa mission n’était pas de traiter avant de diffuser. Je ne parlerai même pas de cette autre race de journalistes qui ne prennent même pas la peine de revenir sur leurs mensonges. Leur philosophie est simple : vite dit, vite oublié.

Ne nous demandez surtout pas de choisir entre ceux qui ont toujours un coupable idéal à qui ils imputent leurs torts et ceux qui n’ont pas de mémoire.

Revenant à  la régulation et en examinant le cas français, nous voyons que le CSA essaie de plus en plus de mettre la pression sur les médias français en commençant d’abord par se faire respecter. C’est ainsi, qu’il impose aux médias auxquels il adresse des mises en demeure, de les lire dans leurs bulletins d’information et sans commentaire.

Au moment où dans son dernier avis trimestriel (janvier, février, mars 2011), le CNRA ne semble pas avoir le courage de citer nommément le Groupe Walfadjdri (pourtant il a bien cité RDV) qui a utilisé ses médias à des « fins de règlements de comptes personnels », et qui  n’a reçu aucune mise en demeure à ce jour.

Aussi, le CNRA ne s’est même pas préoccupé du traitement médiatique des cas de suicide et des tentatives de suicide, qui pourtant ont fait la Une de l’actualité nationale et internationale.

Nous ne parlerons pas, par décence, de la théâtralisation des revues de presse, qui, aujourd’hui n’épargne même pas les morts. Comment peut-on se permettre de parler de la mort d’un individu dans un langage théâtral ? Il est vrai que plus rien ne choque dans ce pays. 

Face à cette fuite en avant des autorités chargées de la régulation, certainement, par peur d’être lynchées, il est de la responsabilité des citoyens de s’organiser et de faire face aux médias.

Personne n’est pas à l’abri, même la communauté mouride, qui était très respectée, fait de plus en plus objet de lynchage médiatique par des groupes de presse qui ne savent démontrer leur courage et leur indépendance que par l’incivilité et la démesure pour dire le moins.

Sadikh DIOP

Administrateur de l’Observatoire et de l’information

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