Le premier village de la biennale de Dak’Art construit en 1990, c’est son bébé. Abdoulaye Emile Diouf, quinqua rassurant, est un architecte sénégalais qui avait su relever les défis du moment.
Ce fut un défi. Un gros. La construction du premier village de la première biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art). Et comme par hasard, le choix était porté sur un bleu. Un novice qui n’avait que trois années d’expérience et de pratique. Pourtant, il devait sortir de terre une œuvre. Ce fut son premier grand projet à dimension populaire. Dommage que les participants n’ont pas pu l’observer, ce jour-là dans les locaux du ministère de la Culture, discutant avec le comité d’organisation. Ou même encore dans son bureau, les yeux rivés sur ses carnets, à tracer des lignes, esquisser des arabesques, dessiner des maquettes et fixer des objectifs pour relever les défis du moment. C’était en 1990. Au finish, «ce fut une belle création artistique aux couleurs et graphismes africains qui a puisé son inspiration dans les origines Soninké», se rappelle M. Diouf, sourire au coin des lèvres. La place de l’Obélisque qui abritait le site, porte encore les vestiges du bébé.
Dans son bureau, une grande pièce avec un décor charmant, Emile Diouf confortablement assis dans son fauteuil jaune se rappelle, plus de 20 ans après, son expérience avec cette première biennale de Dak’Art. Le jeune architecte venait fraîchement du Canada où il avait décroché son diplôme de spécialisation. Il est vite entré dans cette œuvre en revêtant les habits d’un artiste. Puisqu’il considérait le projet comme une mission artistique. «Il fallait le réussir à tout prix» s’était-il juré. La perception qu’il avait du village de la biennale avait séduit le ministre de la Culture d’alors, Moustapha Kâ et son équipe. Abou Emile Diouf, de son nom d’artiste, jeune, fougueux, tenaillé par une forte envie de matérialiser son savoir faire, a ainsi traduit dans ce village, une «sensation nouvelle» qui était en lui. «Je voulais donner une lecture architecturale et urbanistique du site et je crois que je l’ai réussi», se contente-t-il de confier avec modestie. Pourtant le défi ne se limitait pas à la construction et aux graphismes du site. Le patron de l’Organisation et services pour la construction l’architecture et l’engineering en Afrique (Oscare Afrique), avec le comité d’organisation avait la lourde tâche d’abord, d’asseoir cet évènement culturel au niveau national. Ce qu’ils ont réussi aujourd’hui, vu l’ampleur de cette manifestation qui suscite un engouement populaire au sein des Sénégalais et des Africains de tout origine. C’est d’ailleurs cette ambition qui avait motivé le choix de la place de l’Obélisque. Sa «centralité» par rapport à la ville de Dakar et le caractère des installations, favorisaient une diversité de l’ensemble des cultures. L’équipe de Abdoulaye Diouf avait également un autre souci. Celui d’exporter la biennale sur le continent africain. «Cela, également, était fait, quatre années après sa création» s’en réjouit M. Diouf, persuadé d’ avoir réussi son œuvre artistique.
Figure emblématique du Dak’art
Plus qu’un constructeur, l’architecte, aujourd’hui père de trois garçons est resté «ami» de la biennale de l’art africain contemporain, puisqu’ il réfléchit et participe aux différentes activités. Il a été encore un des acteurs du Off, présenté au point E (un quartier de Dakar) du temps où Safiétou Ndiaye Diop était le ministère de la Culture. Mais cela ne l’empêche pas d’avoir un regard sur les différentes éditions qui se sont succédé depuis sa création. Pour lui, la biennale des arts a évolué en positivement. «C’est devenu un rendez-vous où l’art africain est célébré dans le monde» affirme-t-il avec enthousiasme. Pour autant, aux yeux de l’architecte, la biennale doit intégrer une nouvelle dimension. «Je crois que le moment est venu d’investir à l’intérieur du pays», plaide le constructeur. A part Saint Louis et Ziguinchor qui vivent plus ou moins la biennale les autres régions ne participent pas à cette manifestation. Pour cette édition, dans la région de Fatick, le centre de Malango sera servi. Selon M. Diouf, le Xoy est une création mystique qu’il faut valoriser. La biennale ce n’est pas son seul centre d’intérêt. Dans son cabinet, sis au point E, M. Diouf avec son équipe travaille sur d’autres projets. L’Etat fait partie de ses clients. Les travaux d’embellissement de la corniche, la bibliothèque de l’Université de Dakar sont ses œuvres. La construction de la fameuse arène nationale, qui intéresse tant le monde de la lutte, lui est également confiée. Sûr que ce «génie de la construction» n’a pas fini de signer son original emprunt dans Dak’art et dans Dakar aussi !
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