Samedi, Boubacar Boris Diop a posé pour une séance de dédicace du livre La gloire des imposteurs, écrit conjointement avec la Malienne Aminata Dramane Traoré. Cette œuvre, fruit d’échanges épistolaires a regardé d’un œil critique l’actualité au Mali, au Sénégal et dans le monde. Elle dégage de nouvelles pistes de réflexion pour les élites africaines.
Ce cru est délicatement posé à la frontière du Sénégal et du Mali. Il épouse les prouesses jumelées de deux de ses fils, réaffirme et conforte le talent raboté de deux plumes confirmées Aminata Dramane Traoré et de Boubacar Boris Diop. La gloire des imposteurs, fécondée par ces deux auteurs, est le réceptacle d’échanges de haut vol, de réflexions rondement menées. Côté genre, ce roman est une petite curiosité. Sa commission est consécutive à un échange épistolaire entre Boubacar Boris Diop et Aminata Dramane Traoré. Elle est sociologue, lui écrivain. Ils ont laissé le lit de leurs pensées s’épancher jusqu’au confluent d’une construction littéraire. Le corpus de ce travail, composé d’une vingtaine de missives échangées par les deux auteurs et d’un post-scriptum est, de l’avis de son présentateur Mame Less Camara «facile à lire.» La tâche du lecteur consistera seulement à concevoir une méthode pour lire le livre, le déchiffrer et l’interpréter afin d’en sucer la substantifique moelle.
Les lettres se situent dans la fourchette comprise entre le 8 janvier 2012 et le 21 octobre 2013. Boubacar Boris Diop en brosse la genèse ainsi que les péripéties : «On sait que ce serait bien d’avoir un échange de lettres entre Aminata et moi. Nous ne savions pas où nous allions. Ça a eu du mal à démarrer. On a décidé de faire le point, les premières lettres sont très espacées parce qu’on avait du mal à trouver le bon tempo. Mais à un moment donné, l’actu était tellement dense qu’il fallait raccourcir certaines lettres. C’était de vraies et de fausses lettres. Le piège était d’éviter de raconter nos petites vies, éviter des analyses sèches, arides. Il fallait trouver un équilibre. Les lettres auraient pris une autre tournure si nos idées étaient opposées.»
Les principaux centres d’intérêts visés dans le texte ont été lourdement conditionnés par l’actualité dans les deux pays mais également dans le monde. Ceci, à telle enseigne que des pans entiers du conflit de l’Azawad a, à un moment donné aiguillonné la réflexion de Aminata Dramane Traoré et forcé son indignation. Mame Less constate : «C’est un peu comme s’il était convenu que l’actualité commande le contenu du livre.» Pourtant pour l’auteure malienne, il y a aussi la préoccupation de «s’acquitter d’une dette envers les générations futures.» Finalement, le but avoué de cette correspondance est de se fixer d’abord les idées, de passer en revue l’actualité brûlante, avant de dégager des constats évidents. Sa méthodologie épouse également les contours d’une chronique où les auteurs investissent dans leurs textes leurs réflexions. Aminata Traoré essaie à travers le cas malien de penser le monde. Un exercice auquel s’attèle son ami sénégalais.
«Ces pertes d’intelligence ne nous permettent plus de regarder ce qui se passe et de l’interpréter»
Mame Less Camara qui a passé en revue plusieurs réflexions du livre en expose les contenus. Ces réflexions, loin d’être cajoleuses, se veulent froides et lucides avant d’être constructives. L’une d’elles exfiltrée des lignes de l’œuvre veut selon un auteur que : «La fortune de bon nombre de (mes) concitoyens s’est construite sur les ruines encore fumantes de la République.» L’auteure malienne, dans ses écrits, s’intéresse aussi bien à la situation au mali, à la chute de Moussa Traoré, à l’invasion du nord du Mali par les indépendantistes de l’Azawad, jusqu’à l’élection de Ibk. Pour les auteurs, il demeure constant qu’une sorte de néocolonialisme survit toujours. Ils s’indignent de la capacité d’oubli des Africains. Tout au long du livre, le lecteur devra s’interroger : «Quel est le sens qu’il faut assigner à ces évènements ? Quelle attitude prendre par rapport à ces évènements ?»
Ils ne manquent pas non plus de relever que les populations noires ont fini par se satisfaire à cette situation. Par usure ou par accoutumance, juge Mame Less Camara qui relève toujours «la démission des autorités africaines, autant celles qui s’investissent dans la politique ou dans la société civile.» En toile de fond, le livre et ses auteurs déplorent une absence de souveraineté nationale qui ne permet pas de battre sa propre monnaie au moment où les préoccupations des chefs d’Etat sont d’être «un bon élève de la Banque mondiale». Un compliment très couru par eux. Pour les auteurs, c’est une honte et une absence d’ambitions.
La lutte pour le développement n’est plus dans le discours officiel, les élites se contentent juste de l’émergence, pour sortir la tête de l’eau. «Pour nous le développement est une sorte de chimère, nous avons des objectifs qui sont au niveau de la stratégie de lutte pour la réduction de la pauvreté», dixit Mame Less. Le comble s’est joué au moment où 4 chefs d’Etat africains sont reçus en une audience unique par Barack Obama. Boubacar Boris Diop s’indigne encore : «Cela, apparemment ne gêne personne, ni leur public, ni l’opinion publique qui ne s’en offusque pas.» Selon Boris Diop : «Ces pertes d’intelligence ne nous permettent plus de regarder ce qui se passe et de l’interpréter. On attend toujours que l’on fasse cela pour nous.» Pour lui, il est temps de réhydrater une pensée trop vite asséchée. L’auteur lance un appel au dialogue et propose une posture, celle de ne pas choisir le rôle le plus facile.
Les données sont faussées dans ces rapports entre pays. Les ambassades des grandes Nations sont «un peu les juges comme s’il n’y avait pas une dynamique interne d’avoir des conflits en démocratie.» Ici, les auteurs voient une sorte de complicité objective avec les partis politiques. Pour Boris, il est temps de se départir de certaines idées reçues par le canal de certaines presses. Il estime par exemple qu’«il ne faut pas retenir de Kadhafi ce qu’une certaine presse a pu dire de lui.» En un demi-siècle, chaque année, la France a trouvé des raisons pour intervenir en Afrique alors qu’on ne connaît presque pas d’intervention de l’Angleterre ou du Portugal. Dans le même temps, l’auteur attire l’attention sur le sort des communautés noires à l’occasion de ces révoltes dans les pays arabes.
ON EN PARLE
Affaire Tabaski Ngom : Les Enquêteurs Font De Troublantes Découvertes Aux Maristes
Justice
27 janvier, 2025
[vidéo] Etats-unis : Plus De 121 émigrés Sénégalais Dans Une Même Maison à New York
Societe
27 janvier, 2025
Assemblée Nationale : Plus D'indemnités De Transports, La Trouvaille De El Malick Ndiaye
Politique
28 janvier, 2025
Aibd : Leur Vol Annulé, Des Passagers Tentent De Bloquer Les Accès D'embarquement
Societe
29 janvier, 2025
8 Commentaires
Lalla Aicha
En Février, 2014 (18:30 PM)Xeme
En Février, 2014 (18:57 PM)Moi224
En Février, 2014 (19:05 PM)Sunugaaleer
En Février, 2014 (19:19 PM)Tandis que le moindre personnage est surfait, tambourine, celebre sur tous les tons et presente sur tous les medias (politiciens, lutteurs, polemistes, predicateurs pronostiqueurs, chanteurs, danseurs...), les vrais penseurs au coeur ardent sont totalement ignores sinon boudes par nos esprits pollues. Il faut avoir cotoye ces personnalites austeres et desinteressees pour connaitre ce qu'a encore en reserve notre beau continent qui regorge de richesses materielles, humaines et intellectuelles. Merci a Mr B.B.Diop, a Mme A.Toure et Mr M.L.Camara pour votre contribution si courageuse.
Bla Bla
En Février, 2014 (20:08 PM)Weusss
En Février, 2014 (20:15 PM)David Cameron
En Février, 2014 (22:18 PM)Atypico
En Février, 2014 (20:22 PM)Participer à la Discussion