Le président guinéen Moussa Dadis Camara, actuellement hospitalisé au Maroc, ne doit pas rentrer en Guinée, où son retour risque de provoquer une "guerre civile", déclare Bernard Kouchner.
Le ministre français des Affaires étrangères s'exprimait à l'Assemblée nationale au lendemain de la divulgation d'un rapport d'une commission de l'Onu qui qualifie de crime contre l'humanité le massacre de plus de 150 opposants par les forces de sécurité guinéennes fin septembre dans un stade de Conakry. Moussa Dadis Camara, qui nie toute implication dans le massacre, a été agressé le 3 décembre par un de ses lieutenants qui a dit craindre d'être tenu pour responsable de ce bain de sang. Le président guinéen est depuis hospitalisé à Rabat et son état de santé demeure un secret d'Etat en Guinée.
"Je souhaite que monsieur Dadis Camara reste dans son lit au Maroc et non qu'il revienne car il serait capable, rien que son retour, de déclencher une guerre civile, et on n'en a pas besoin", a dit Bernard Kouchner lors de la séance de questions d'actualité à l'Assemblée. Lors d'une conférence de presse au ministère des Affaires étrangères en fin de matinée, Bernard Kouchner avait déclaré que le président guinéen allait "pour le mieux du monde" mais n'avait "pas encore fini son traitement".
Le rapport des Nations unies, dont Reuters a pu consulter une copie lundi, a été remis samedi dernier au Conseil de sécurité par une commission d'enquête de l'Onu. Il pointe du doigt le président guinéen. "La commission considère qu'il existe des raisons suffisantes de présumer une responsabilité pénale directe du président Moussa Dadis Camara", lit-on dans un extrait du rapport qui évoque "une forte suspicion de crime contre l'humanité".
"FORCE D'OBSERVATION"
Les trois rapporteurs décrivent non pas une journée d'affrontements politiques qui aurait mal tourné, mais une série de tueries "systématiques", de viols et d'actes de torture "organisés" contre une partie de la population. "Ce rapport est accablant, les détails de ce massacre dans le stade de Conakry sont très pénibles à lire", a déclaré Bernard Kouchner lors de sa conférence de presse. Après la publication de ce rapport, "les conséquences doivent être tirées au niveau bien sûr de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest-NDLR) et de l'Union africaine", a-t-il fait valoir.
Le rapport mentionne la création d'une force d'observation, a précisé Bernard Kouchner, "qui permettrait, après une période transitoire, de conduire à des élections générales". "C'est le schéma que nous avons tous souhaité voir adopté", a-t-il souligné.
"Ce qu'on doit espérer, c'est que la population guinéenne, et en particulier les femmes, cessent d'être soumises à une oppression quotidienne, que les armes rentrent dans les casernes d'où elles n'auraient jamais dû sortir". Les responsables de l'enquête des Nations unies réclament la saisine de la Cour pénale internationale. Ils nomment plusieurs personnes de l'entourage direct de Moussa Dadis Camara comme présumées responsables, avec lui, de ces crimes commis pour intimider tous ceux qui contestaient l'intention du chef de la junte militaire au pouvoir depuis 2008 de se présenter à l'élection présidentielle de 2010.
L'ONG américaine Human Rights Watch, qui a publié la semaine dernière les résultats d'une enquête menée en octobre, assure que Moussa Dadis Camara est impliqué dans l'organisation de la tuerie du 28 septembre. Des militaires avaient ouvert le feu sur la foule rassemblée dans le grand stade de la capitale pour protester contre le régime au pouvoir, faisant 157 morts et un millier de blessés selon une association locale de défense des droits de l'homme.
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