« Pata Pata est le nom de la danse / Que nous dansons ici à Johannesburg / Et les gens commencent à bouger / Dès que Pata Pata commence à jouer. » Le tube de Miriam Makeba, si l’on s’en tient à ses paroles en xhosa, pourrait passer pour une chanson bien inoffensive. La diva sud-africaine elle-même la considérait comme « insignifiante. » Sans son contexte, et le parcours de Miriam Makeba, difficile de comprendre la portée de ce titre, l’un des tout premiers hits africains à conquérir la planète.
La vie de Miriam Makeba est une vie de lutte. Peu après sa naissance, le 4 mars 1932 dans un township de Johannesburg, Miriam Makeba voit sa mère envoyée en prison pour six mois : elle fabriquait illégalement de la bière pour subvenir aux besoins de sa famille. Miriam, surnommée Zenzi (diminutif d’Uzenzile, « tu ne dois t’en prendre qu’à toi-même »), rejoint sa mère et passe donc les premiers mois de sa vie en détention.
Elle n’a que 14 ans lorsque débute l’apartheid, qu’elle dénonce rapidement lorsqu’elle se lance dans une carrière musicale six ans plus tard. À cet âge, elle est déjà mère d’une petite fille de 3 ans, a réchappé d’un cancer du sein, et a divorcé de son premier mari.
"Harmonies vocales complexes, spontanéité, influences pop, jazz et gospel
C’est en Afrique du Sud, en 1956 ou en 1959 selon les sources, que le titre Pata Pata est une première fois enregistré avec The Skylarks, son groupe exclusivement féminin. Harmonies vocales complexes, spontanéité, influences pop, jazz et gospel (Makeba a appris à chanter dans une chorale protestante), la formation rencontre le succès dans le pays, mais la chanson n’accède pas à une reconnaissance internationale.
L’engagement militant de Makeba met bientôt un coup d’arrêt brutal à sa carrière nationale. Un rôle dans le film anti-apartheid Come Back, Africa, du réalisateur américain Lionel Rogosin, et sa présentation au festival de Venise en 1959, où il sera récompensé, la contraint à un exil qui durera plus de trente ans. Déchue de sa nationalité, la chanteuse ne peut retourner au pays, même pour enterrer sa mère en 1960… Ce qui ne fait que renforcer sa rage et son engagement.
C’est en 1967, soit dix ans environ après sa création, que la chanson Pata Pata, réenregistrée aux États-Unis, sort de nouveau sur un album éponyme, sur le label Reprise Records. Miriam Makeba a repris le titre en s’associant au compositeur américain à succès Jordan « Jerry » Ragovoy, à l’origine de plusieurs tubes soul. La reprise inclut des explications délivrées en parler-chanter et en anglais par l’artiste, mais il a surtout gagné en groove et en énergie. On y entend Makeba « cliquer », rugir, et tout emporter par une joie qui semble invincible. Ce sera un succès planétaire immédiatement repris par nombre d’interprètes en Espagne, en Italie, en Finlande… Et en France, par Sylvie Vartan, dans une version qui a beaucoup moins bien vieilli que l’originale.
C’est grâce à ce hit que Makeba devient une icône de la lutte anti-apartheid, mais c’est aussi parce qu’elle était déjà investie dans la lutte raciale que le titre est devenu culte. En 2020, Angélique Kidjo reprenait Pata Pata pour en faire une chanson contre la pandémie. Pour la Béninoise, la « chanson de fête » de Mama Africa était aussi un hymne contre les injustices de l’apartheid.
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