En Arabie saoudite, beaucoup de femmes de ménage d’origine asiatique et/ou africaine travaillent dans de terribles conditions. Séquestrées, humiliées et même parfois torturées, elles sont privées de tous leurs droits. Voici le récit d’une jeune Kenyane qui tente de fuir cet enfer…
L’histoire de la femme de ménage sri-lankaise torturée par ses patrons saoudiens qui a récemment défrayé la chronique est certes un cas extrême, mais pas isolé. Un million et demi d’étrangères travaillent comme employées de maison dans le Royaume. Selon le porte-parole de la police de Dammam, 20 000 d’entre elles ont fui les maisons où elles travaillaient en raison de mauvais traitements.
"Je vis avec la peur d’être retrouvée par mes anciens patrons"
Christine est une Kenyane de 26 ans. Elle a fui ses patrons depuis plus de six mois et vit clandestinement en Arabie saoudite, en attendant de récupérer son passeport et de rentrer chez elle. Elle habite en ce moment chez notre Observateur, Mohamed, qui, alerté sur son cas, a décidé de lui venir en aide.
J’ai ensuite été placée chez la belle-mère du couple. Là-bas, j’ai fait la connaissance d’une autre femme de ménage kenyane qui travaillait pour elle depuis deux mois. Elle m’a expliqué ce qui m’attendait. Au bout d’un mois, j’ai retrouvé mes patrons et c’était le début d’une période atroce qui a duré près de quatre mois. J’étais logée dans une petite chambre, où je dormais sur un matelas très mince, à même le sol. Je devais demander la permission pour manger. Je travaillais à un rythme acharné et faisais toutes les tâches ménagères, si bien que je n’allais jamais me coucher avant 5h ou 6h du matin pour me réveiller à 10h."
Quant à appeler chez moi, je n’en ai eu le droit qu’au bout de deux mois. J’ai alors appris que mon père était gravement malade et qu’il avait été hospitalisé. J’ai demandé à mon patron – à qui je n’ai habituellement pas le droit d’adresser la parole - de me donner mon salaire pour que je puisse rentrer chez moi ou au moins envoyer une partie de cette somme à ma famille. Jusque-là, je n’avais rien touché de mon salaire, qui devait être de 800 rials saoudiens (environ 160 euros), ce qui est très peu ici et suffit à peine pour payer le loyer le moins cher. Mais sa femme et lui ont refusé et m’ont dit que même si mon père venait à décéder, ce n’était pas si grave !
J’ai alors compris que le seul moyen d’échapper à tout ça était de fuir. Une fois sortie de la maison, j’ai pris un taxi qui m’a emmenée au consulat de Guinée (le chauffeur a compris Guinée au lieu de Kenya, et de toute façon il n’y a pas de consulat kenyan à Djeddah). J’ai eu beaucoup de mal à exposer mon cas aux fonctionnaires guinéens, puisque je ne parlais que l’anglais. Je suis finalement restée deux mois à attendre dans la cour du consulat.
Finalement, j’ai rencontré Mohamed. Il s’occupe de moi et mes
mésaventures ont pris fin. En tout cas partiellement, car, comme je n’ai
toujours pas récupéré mes papiers, je ne peux pas rentrer chez moi et
je vis avec la peur d’être retrouvée par mes anciens patrons."
"Ce que je trouve aberrant, c’est que l’ambassade du Kenya ne fait rien pour palier à cette situation"
Mohamed est d’origine africaine, mais il est né en Arabie saoudite. Il a 27 ans et travaille comme professeur de langue à Djeddah.
C’est grâce à Christine que j’ai découvert cette situation scandaleuse. Je connais près de 25 femmes qui sont dans la même situation qu’elle : démunies, sans-papiers et sans aucune possibilité de rentrer chez elles. Certaines finissent par tomber dans la prostitution, tandis que d’autres arrivent à retrouver un travail après avoir fui leurs anciens patrons. Ce que je trouve aberrant, c’est que l’ambassade du Kenya ne fait rien pour palier à cette situation. Je suis conscient des risques que je prends en m’attaquant à ces pratiques, qui sont courantes ici. D’ailleurs, je n’ai pas cherché à contacter les anciens patrons de Christine pour leur demander son passeport, car il s’agit d’une famille haut placée.
Mais je compte mener ce combat jusqu’au bout et rien ne me découragera. Pour faire connaître ce genre d’abus, j’ai déjà créé une page sur Facebook."
0 Commentaires
Participer à la Discussion