Bruxelles devrait se prononcer mercredi en faveur d'une exemption de visas, sous réserves, pour les Turcs voyageant en Europe, dont Ankara fait une condition pour continuer d'appliquer son accord migratoire avec l'UE mais qui met les Européens dans l'embarras.
La Turquie a fait monter la pression sur cette question, menaçant de remettre en cause son pacte du 18 mars avec l'UE, qui prévoit le renvoi en Turquie de tous les nouveaux migrants arrivant sur les îles grecques, y compris les demandeurs d'asile.
Combiné avec la fermeture de la route des Balkans, l'accord a sensiblement diminué la pression sur l'UE, en faisant chuter le nombre de migrants arrivant chaque jour sur les îles grecques depuis les côtes turques.
D'où une crainte diffuse dans l'UE que Bruxelles soit trop indulgente vis-à-vis de la Turquie, au moment où elle est taxée d'atteintes à liberté d'expression et alors que l'ONG Amnesty International l'accuse d'avoir renvoyé des dizaines de personnes en Syrie, ravagée depuis 2011 par la guerre.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, «se sont félicités de la baisse conséquente du nombre de migrants traversant la mer Egée», lors d'un entretien téléphonique mardi, selon l'agence de presse progouvernementale Anatolie, ajoutant qu'ils avaient «parlé de la question» des visas.
- Sous conditions -
Mercredi, selon une source européenne, la Commission devrait bien «proposer un projet pour intégrer la Turquie dans la liste des pays exemptés de visas» pour les courts séjours (90 jours maximum) dans l'espace Schengen, dans le cadre familial, de voyages d'affaires ou touristiques.
Mais l'exécutif européen devrait l'assortir de réserves, en précisant que certains critères (huit selon une source diplomatique), restent à remplir pour un feu vert définitif dans les prochaines semaines.
Les 72 critères exigés au total vont de garanties sur la sécurité des documents d'identité au respect des droits fondamentaux, en passant par un alignement sur la politique de visas de l'UE vis-à-vis de pays tiers.
Sans dévoiler la décision qu'elle présentera mercredi, la Commission a applaudi mardi un décret du gouvernement turc, prévoyant d'accorder à tous les ressortissants de l'UE une levée de visas sur le sol turc, sous condition de réciprocité.
«La mesure concerne les citoyens de tous les 28 pays de l'UE, je repète +tous les 28+», y compris Chypre donc, a insisté le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas, saluant le respect d'un «important critère de plus».
Reste désormais à savoir si Ankara sera capable de respecter rapidement les critères restants pour tenir le rythme au pas de charge d'une «libéralisation des visas» souhaitée par la Turquie d'ici fin juin.
- 'Frein d'urgence' -
Mais même dans le cas d'un feu vert complet ultérieur de la Commission, l'exemption ne sera pas acquise: le Parlement européen et les Etats membres auront ensuite leur mot à dire, dans un contexte de méfiance grandissante vis-à-vis du régime islamo-conservateur turc.
Face aux inquiétudes dans l'UE, Paris et Berlin demandent la création d'un «frein d'urgence», un mécanisme de suspension rapide des exemptions de visas accordées à des pays tiers, si des manquements étaient observés.
Le but est aussi de rassurer les pays craignant de déclencher un nouvel afflux migratoire, alors que des processus d'exemption sont bien avancés avec l'Ukraine, la Georgie, la Moldavie et le Kosovo.
Outre la question des visas, la Commission devrait aussi donner son feu vert mercredi aux pays souhaitant prolonger de manière exceptionnelle les contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen, réintroduits face à la pression migratoire et à la menace terroriste.
Selon des sources européennes, la Commission va répondre favorablement à la demande conjointe des cinq pays de l'UE (Autriche, Danemark, France, Allemagne et Suède) ayant rétabli et pratiquant encore de tels contrôles. Tout en insistant sur l'objectif de voir cesser «d'ici la fin de l'année» ces dérogations.
Toujours mercredi, l'exécutif européen doit présenter sa proposition complète de révision du règlement Dublin, qui définit quel Etat membre de l'UE est responsable du traitement d'une demande d'asile.
Selon une source diplomatique, la Commission n'a pas opté pour une refonte complète du système, qui attribue cette responsabilité au pays de première arrivée irrégulière. Mais elle proposera de le corriger avec un mécanisme de crise, permettant un partage du «fardeau» avec une répartition obligatoire des réfugiés entre différents pays de l'UE.
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