Fort d'un référendum en avril qui lui permet d'élargir ses pouvoirs, M. Erdogan a été reçu à la Maison Blanche avec une liste de doléances: du soutien américain aux milices kurdes syriennes YPG jusqu'au cas du prédicateur musulman Fethullah Gülen qui vit aux Etats-Unis et dont Ankara réclame l'extradition pour son implication supposée dans le coup d'Etat avorté de juillet.
Mais les deux dirigeants, dont les pays sont des alliés historiques au sein de l'Otan, ont cherché à faire bonne figure, promettant de renforcer leur « partenariat stratégique » et leurs « relations exceptionnelles ».
Donald Trump avait été l'un des premiers à féliciter son homologue turc pour sa courte victoire au référendum du 16 avril et M. Erdogan lui a rendu la pareille en saluant la « victoire légendaire »du milliardaire américain le 8 novembre.
« Pas de vains espoirs »
« Bien entendu, la victoire de M. Trump a réveillé de nouvelles attentes pour la Turquie et la région. Nous savons que la nouvelle administration ne laissera pas planer de vains espoirs », a insisté le président turc. Son homologue américain a rappelé avec emphase qu'Ankara avait été de toutes les batailles de l'Occident durant la Guerre froide, avant de lancer: « Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un nouvel ennemi dans le combat contre le terrorisme et, encore une fois, nous cherchons à faire face ensemble à cette menace ».
Donald Trump a souligné que « le peuple turc avait été confronté récemment à d'atroces attaques terroristes ». Mais cette première rencontre Trump-Erdogan survient à un moment délicat dans les relations américano-turques qui s'étaient déjà beaucoup crispées dans les deux dernières années de la présidence Obama.
Il y a une semaine, Washington a annoncé la livraison prochaine d'armes aux milices kurdes syriennes YPG (Unités de protection du peuple kurde).
Les Etats-Unis considèrent la coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), dont les YPG sont le fer de lance, comme leur allié le plus efficace sur le terrain en Syrie contre les jihadistes du groupe EI. Le président Erdogan avait exhorté l'administration Trump à revenir « sans délai » sur cette décision.
« Prendre en considération les (milices kurdes) YPG-PYD dans la région ne sera jamais accepté et violerait l'accord global que nous avons conclu », a averti le chef de l'Etat turc aux côtés du président américain. La Turquie estime en effet que ces milices sont un prolongement en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation séparatiste qui livre une sanglante lutte armée contre Ankara depuis 1984. Elle redoute que ces armes ne puissent un jour finir par être utilisées contre elle par les Kurdes.
Erdogan en colère
M. Erdogan ne décolère pas non plus contre son allié américain qui refuse d'accéder à sa demande d'extradition du prédicateur Gülen, qui vit en exil en Pennsylvanie.
Ankara impute à M. Gülen la responsabilité de la tentative de coup d'Etat dans la nuit du 15 au 16 juillet dernier par une faction de l'armée (près de 250 morts) et a mené depuis des purges massives dans l'administration contre ses sympathisants. L'intéressé a nié toute implication.
Devant son hôte américain, le président turc a affirmé qu'il avait « franchement communiqué (ses) attentes concernant l'organisation terroriste (de) Fethullah » Gülen.
De fait, des experts pensent qu'en échange d'un accord tacite d'Ankara à une offensive arabo-kurde soutenue par Washington contre l'EI dans son fief syrien de Raqa, M. Trump pourrait garantir à M. Erdogan que la justice américaine examine l'extradition de M. Gülen.
En outre, les Etats-Unis pourraient également donner leur feu vert à une offensive turque contre des bases du PKK dans le nord de l'Irak, à Sinjar.
« C'est la principale demande », estime Soner Cagaptay, chercheur au Washington Institute of Near East Policy. Le président Erdogan « est venu chercher le soutien des Etats-Unis à une opération turque contre Sinjar », affirme l'analyste.
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