Le mensonge est une manifestation normale et saine du développement psychologique de l'enfant. Et pourtant, quel parent ne s'exaspère pas quand il voit le nez de son fils s'allonger tandis qu'il lui raconte, les yeux dans les yeux, qu'il n'a pas renversé les géraniums du balcon et que c'est certainement un pigeon? Plutôt que de s'énerver ou d'asséner sur un ton définitif: "tu es un menteur", mieux vaut chercher le sens caché du mensonge, qui dépend grandement de l'âge de l'enfant.
Cacher ce que l'on sait
Que celui qui n'a jamais menti donne la première fessée. Le mensonge est naturel. Il constitue l'une des premières formes de pouvoir sur ses parents. Au cours de ses premières années, l'enfant est convaincu que vous savez tout et que de votre côté vous lui dites tout.
Plus précisément, ce que vous ne lui dites pas n'existe pas pour lui. Mais voilà que vers 3 ou 4 ans, il a suffisamment d'expérience pour comprendre qu'il n'en est rien, et du même coup, il intègre que ce que lui ne dit pas, vous n'avez aucun moyen de le savoir.
Communiquer sa vie intérieure
Il commence alors à comprendre le pouvoir de la parole: exprimer sesdésirs, mais aussi cacher ses pensées, voire inventer pour se rendre plus aimable. Car elle est là, la première motivation du mensonge: paraître plus beau, fort, intéressant, pour obtenir plus d'amour -ou ne pas le perdre.
A cet âge encore innocent, on distingue un deuxième type de mensonge, celui destiné à embellir la vie. Jusqu'à 5 ou 6 ans, la frontière entre vérité et mensonge reste floue, puisque l'enfant lui-même ne fait pas encore totalement la différence entre réel et fiction. Il connait la signification du mot "mensonge" grâce à l'éducation, mais en ce qui le concerne, il vous communique simplement sa vie intérieure, convaincu de sa réalité. Tous les enfants déforment le réel pour le plier à leurs désirs et faire face à leurs frustrations.
"C'est pas moi, c'est lui!"
Vers 6 ans, en général à l'entrée au CP, l'enfant distingue parfaitement le réel de l'imaginaire et il a compris les notions de bien et de mal. Le mensonge devient alors un moyen d'éviter les conflits de toutes sortes et peut servir différentes causes. La première revient à se dédouaner.
On ne compte plus les fois où l'on entend: "c'est pas moi, c'est lui!" Cela nous fait sortir de nos gonds. Mais plus il est jeune, plus l'enfant ment "honnêtement". Paradoxal? Quand il a fait une bêtise, l'enfant le sait. Il se sent coupable. Pire, il se croit parfois même mauvais. Alors, pour se déculpabiliser, il attribue sa faute à un autre, avec une vraie part de sincérité. En psychanalyse, on s'appelle cela une projection. Et cela marche aussi pour les adultes. Reprocher à l'autre nos mauvais comportements, en toute mauvaise foi, êtes-vous bien certain de ne l'avoir jamais fait, ou subi?
Mentir pour créer son identité
Rien n'est plus important pour un enfant que l'amour et l'estime que ses parents lui porte. Pour les conserver, il enjolive les moments où vous ne le voyez pas, trouve des justifications à ses bêtises, se raconte sous un jour meilleur. Bref, il vous cherche toutes les bonnes raisons de vous sentir fiers de lui.
Pour répondre aux attentes des autres, il cherche à se valoriser et ses parents avec. Son papa a une grosse voiture, la maison de campagne possède une piscine, il joue du piano depuis ses 4 ans -alors qu'il n'a jamais touché un clavier-. Cet idéal de lui-même et de son environnement cherche à masquer une situation qu'il vit mal, ou qu'il croit que vous vivez mal. Ou encore, il veut donner l'image de ce qu'il fantasme de vos attentes à son sujet. Il ment en fonction de ses désirs et ses peurs les plus profonds, le plus souvent inconsciemment.
Afin de s'identifier à une figure qu'il admire, il peut aussi s'attribuer des faits ou des qualités qui l'éblouissent chez un copain ou un héros. Cela l'aide à se construire une identité.
Faut-il s'inquiéter?
L'enfant trouve dans le mensonge la jouissance de croire que tout est possible, que ses désirs gouvernent le monde. Son monde. Le mensonge l'aide à se structurer, à supporter le réel, à se construire psychologiquement. Il témoigne d'une bonne adaptation sociale. Et surtout, jusqu'à la pré-adolescence, il est totalement dénué de mauvaises intentions.
A moins que mentir devienne le seul moyen de communication, il n'y a rien d'alarmant. Le mensonge pathologique s'accompagne d'autres manifestations comme l'agitation, le repli sur soi ou lesdifficultés scolaires, et nécessite alors de consulter un professionnel.
1 Commentaires
Anonyme
En Décembre, 2016 (10:22 AM)Participer à la Discussion