Sept Afrique : L'Office National de l'Assainissement du Sénégal (ONAS) joue un rôle primordial dans le traitement des déchets en général… En cette période de Covid-19 où l'accent est mis sur les questions d’hygiène, comment l’ONAS s’active pour jouer sa partition ?
Lansana Gagny SAKHO : L’ONAS a un rôle plus étendu que le traitement des eaux usées. Nous participons de façon globale à l’amélioration des conditions de vie des populations, du cadre de vie de façon précise. L’ONAS est un assainissement public. Avec le Covid 19, le service doit continuer, parce que justement, personne ne sait si le virus survit dans les eaux usées ou pas. Donc, il faudrait qu’on améliore l’exigence.
La première chose que nous avons faite justement, c'est de protéger notre personnel, en mettant en place toutes les mesures sécuritaires, pour que l'exploitation puisse continuer à fonctionner correctement. Et pour ça, nous avons fait beaucoup de réunions de prévention. En plus de cela, nous avons, entre nous, évité les contacts physiques en faisant des réunions vidéoconférences, mais surtout en sensibilisant de façon très importante tout le personnel. Au niveau de la Direction Générale, nous travaillons avec 20% du personnel.
De ce fait, tous les autres travaillent à distance. Au niveau de l'exploitation, nous avons pris des mesures très importantes pour assurer la continuité des services, qui, aujourd'hui, a quand même montré que nous avons su nous adapter très rapidement à cette situation de pandémie.
Dans les quartiers, on entend souvent les populations se plaindre de la non réactivité des services de l'ONAS dans la résolution des problèmes d’assainissement, qu'est-ce qui explique cet état de fait ?
Ça peut arriver que les gens se plaignent. Mais, je peux vous dire que nous avons un centre d’appel et nous avons un standard en termes d'heures d'appels, qui est de trois heures. Au bout de trois heures, on doit réagir. Mais la question qu'il faut se poser, c'est : Pourquoi il y a des problèmes ? Parce que s'il n'y avait pas de problèmes, on n'aurait pas besoin d'intervenir. 90% des problèmes d’assainissement, pour lesquels les populations nous appellent, sont dus à leurs comportements. Très souvent, ils mettent dans les conduites des choses qui ne doivent pas y aller. Une conduite, ce n'est pas une poubelle. De surcroît, ils construisent sur des emprises, et vandalisent les réseaux. Ce sont les trois principales raisons qui font que nous sommes souvent appelés à intervenir. Il y a quand même d'autres problèmes à souligner. Les réseaux sont assez vétustes. La plupart datent de 1960,1970 ; ce sont les réseaux des parcelles, Médina, Colobane. Et, pendant ce temps, les réseaux ont vieilli, et les populations ont été multipliées par quatre, par cinq. C'est la raison pour laquelle la pression n'est pas supportée par ces réseaux. Donc, il y a deux problèmes majeurs : l'un c’est la vétusté des réseaux, mais le bon côté, c'est que nous avons commencé à travailler pour les remplacer ; le second, ce sont les problèmes de comportement des populations. Cela veut dire que si les gens arrivent à avoir de bons comportements, ils n'auront même pas besoin d’appeler les standards. Mais, il arrive qu'il y ait des temps de réactions relativement longs. Nous avons un centre d'appel, et des standards en termes d'heures d'appels (trois heures). Nous avons une mission de service public, une mission très ingrate bien sûr, parce que l'assainissement est l'un des métiers les plus ingrats. Notre ambition est de mettre les populations dans un cadre de vie adéquat, mais pour réussir cela, il nous faut sans doute l'aide de la population.
Que peut-on davantage savoir sur le Programme de Structuration du Marché des Boues de Vidange ?
Ça, c’est un programme très spécifique, financé par la Fondation Gates. L’assainissement, c’est en général ce que nous savons, vous et moi. C'est ce qu'on appelle l’assainissement collectif qui consiste à faire des conduites, et à faire des rejets à la mère après traitement. La différence, c’est que l’assainissement autonome permet à chaque personne d'avoir son propre système d'assainissement qu’il va gérer en toute responsabilité. Mais l'avantage le plus important, c'est que ce type d’assainissement permet de garder l'environnement, de créer une économie circulaire, qui demain peut créer des emplois avec une très forte implication du secteur privé. Le Sénégal a été (pays) pilote sur ce projet, financé par la Fondation Gates. Aujourd’hui, nous sommes carrément passés à l’échelle. Je suis persuadé que l’Afrique en général n'attendra pas le système ODD avec le système d’assainissement type que nous avons, qui est l’assainissement collectif. Il faut qu'on aille dans un changement de paradigmes, et regarder ce qui correspond le plus à notre contexte pour arriver à trouver des solutions sur le problème d'amélioration du cadre de vie des populations. Nous avons des avancées remarquables dans ce domaine de l'assainissement autonome qu’on appelle : Programme de Structuration du Marché des Boues de Vidange. Dans ce cadre, on peut arriver à transformer les eaux usées en eau pour le jardinage ; les boues également peuvent être transformées en engrais fertilisant pour le sol. Le Sénégal travaille dans cette logique dont les perspectives sont très bonnes.
Quels sont les rapports que l’ONAS développe avec les promoteurs immobiliers privés pour une meilleure politique d'assainissement des cités qui sortent de terre ?
Aujourd'hui, nous travaillons avec certains promoteurs immobiliers privés, même si ce n'est pas avec tout le monde. Malheureusement, les promoteurs viennent nous approcher quand les constructions des cités sont terminées. Mais le Code de l’Assainissement, comme le Code de l'Urbanisme est très clair. L'assainissement fait partie des béabas. Les règles ne sont pas toujours respectées, malheureusement. Mais, nous (ONAS), nous allons nous rapprocher des promoteurs immobiliers pour trouver des solutions afin d’éviter des erreurs du passé. Et l’exemple de Diamniadio est patent. Nous nous sommes rapprochés de l'ensemble des développeurs pour les accompagner, pour qu’après, le Sénégalais de lambda qui achète une maison n'ait pas à gérer son assainissement. Ce n'était pas la règle avant ; et je pense que nous avons avancé dans ce domaine.
Est-ce que l’ONAS a des moyens coercitifs pouvant lui permettre d'emmener un promoteur immobilier à respecter ses recommandations en matière d’assainissement ?
Le Code de l’Assainissement existe, le Code de l'Urbanisme existe. Mais, je pense que ce Code doit être amélioré pour permettre d'avoir une plus grosse implication de l’ONAS. L'Etat fait de gros investissements dans le domaine de l’assainissement. Aujourd'hui, nous en sommes à 300 milliards de FCFA, mais je pense que si on avait réglé ce gap, on aurait pu éviter beaucoup de problèmes. Mais, nous sommes en train de travailler dessus. Il suffit simplement de faire certains arrangements institutionnels qui devraient permettre d'arriver à éviter les difficultés.
Les populations vous facilitent-elles la tâche quant au respect des directives que vous définissez dans vos plans d’assainissement ?
Oui, du côté des populations, je pense que c'est nous qui ne travaillerons pas forcément dans le sens de la sensibilisation. Dans beaucoup de cas, elles ne savent pas quels sont les bons comportements. Cette question appelle aussi à ce qu'on revienne à l’assainissement autonome. Si nous avions ce système, nous n’aurions pas besoin de nous inscrire dans une logique de sensibilisation. Tous les problèmes dont nous nous plaignons : le vol des plaques, la transformation des égouts en poubelles, la construction sur les emprises, nous n'aurions pas affaire à ces genres de problèmes. Cependant, nous allons continuer de mener des actions de sensibilisation, d'explication, parce que l’ONAS tout seul ne peut pas régler tous les problèmes. Il faut forcément l’accompagnement des populations. L’Association des Maires du Sénégal (AMS) le fait déjà. Maintenant, il faut qu'on aille à un niveau plus bas pour discuter avec les populations.
SEPT AFRIQUE GROUPE / MAG HEBDO
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