Le ministère de la Culture et du Patrimoine historique classé a organisé ce lundi, pour la célébration de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, une table ronde sur l’œuvre de Senghor. Une manière, selon Mame Birame Diouf, de «s’abreuver à la source de Senghor pour favoriser le rayonnement mondial de la production littéraire».
Le centenaire de Léopold Sédar Senghor est le prétexte pour l’organisation de plusieurs conférences sur la vie et l’œuvre du poète-président. Pour le ministre de la Culture et du Patrimoine historique classé, Mame Birame Diouf, Senghor avait «posé depuis longtemps les balises de la créativité». Et l’on doit se référer à sa production comme un repère. Les participants à la table ronde organisée hier à la Maison de la Culture Douta Seck sont tous des personnalités qui ont côtoyé le poète sérère, du moins se sont penchés longuement sur son œuvre.
Ainsi Abdou Sylla, chercheur et critique dans le domaine des arts, qui avoue avoir rencontré Senghor au hasard de ses recherches pour son doctorat, a découvert et apprécié en lui le critique d’art, l’esthète, le collectionneur et le mécène. En axant son propos sur les arts plastiques, M. Sylla a montré comment chez Senghor, «tout est bâti au nom de la négritude, avec une cohérence entre sa pensée et son action». «L’esthétique de Senghor, ajoute-t-il, est celle de l’art africain traditionnel dans lequel la représentation n’est pas reproduction du réel, mais une activité générique de l’homme, fonctionnelle, interdépendante, collective et engagée. Un art instrument du rite et de la technique, et au service de la religion.»
Pour le critique littéraire et romancier Abdoulaye Racine Kane, Senghor reste avant tout un homme universel, enraciné à l’extrême dans son terroir, une figure marquée par son espace géographique et son environnement humain. Un monde païen qui l’a hautement façonné et auquel il se rapporte très souvent.
A sa suite, le poète Amadou Lamine Sall a parlé de Senghor comme celui qui nous réconcilie avec nous-mêmes, chez qui la culture est «une exigence dans la permanence, et la politique, un temps d’urgence». Quoi que si la politique et la littérature ne soient pas inscrites dans la même temporalité, Senghor a pensé les deux dans une dynamique identique, et sa production doit être lue comme une «œuvre de symbiose et de synthèse qui réconcilie, et apporte des réponses aux angoisses et aux folies de notre monde». La poésie, renchérit-il, fut sa respiration, et un art de vivre. Et après Senghor, aucun concept aussi opératoire que celui de la négritude n’a plus été trouvé. La renaissance africaine est, selon M. Sall, un concept de tranquillité et de confort.
Oumar Sankharé a, quant à lui, porté sa réflexion sur la vie politique et littéraire de Senghor. D’après ce professeur de Lettres Classiques à L’Ucad, l’homme est celui qui a su mener de front création poétique et activité politique. C’est la poésie orale d’ailleurs qui l’a entraîné en politique. M. Sankharé a expliqué à l’auditoire comment, pour les besoins de son doctorat, le futur président a été touché par la souffrance du monde rural auquel il a décidé d’apporter un remède. Entre repères historiques et parutions littéraires, Oumar Sankharé a expliqué l’interaction entre la politique et la littérature dans la vie de Senghor. Il a fait remarquer d’ailleurs que «Senghor a été le plus productif au moment de ses grands défis politiques, et (que) les deux ont pris fin pratiquement en même temps». Il verra toujours en Senghor, celui qui a eu en lui, à foison, «l’avoir, le savoir et le pouvoir».
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