PME ruinées, grandes entreprises redéployées, entrepreneurs expatriés et jeunes qualifiés au chômage. Le constat est sans appel : la France se vide de sa population.
Je suis démographe, je sais que les Français émigrent massivement. Je suis un ancien dirigeant d'une entreprise internationale, je comprends pourquoi ils le font. Je suis un économiste libéral, je comprends encore mieux pourquoi. Mais, en dehors de quelques journaux économiques, personne n'y croit et les propos que je tiens sur ce sujet paraissent excessifs. Qu'en est-il et pourquoi ?
On ne connait pas leur nombre, parce que l'on ne recense pas les raisons des sorties du territoire (Tourisme ? Voyage de travail ?). En particulier, un cadre supérieur travaillant à Londres ou Bruxelles et rentrant à Paris le week-end ne sera pas pris en compte bien que ce cas soit le plus grave pour l'économie nationale comme nous le verrons plus bas.
Les chiffres officiels ne donnent ni l'immigration ni l'émigration, mais le solde migratoire (immigration moins émigration) : 40 000 personnes pour 2012. L'immigration se situant entre 200 et 300 000 personnes, l'émigration serait donc cette année-là de 160 à 260 000 personnes. C'est donc un phénomène massif. Or, il semble qu'elle s'est accélérée depuis pour les raisons que nous allons voir.
Est-ce grave ? Tout dépend de qui part et par qui il est remplacé : si nous perdions trois bons informaticiens, mais que trois génies de la Silicon Valley venaient s'installer en France, il n'y aurait pas de problème. Mais les causes de départ dont nous allons parler maintenant vont nous montrer que justement ce qui fait partir les uns fait que les autres ne viennent pas.
Un sentiment anti-entreprise
Ces causes de départ et de "non-arrivée" sont à la fois psychologiques et fiscales, les deux étant bien sûr intimement liées. Les raisons psychologiques peuvent être résumées par le terme "sentiment anti-entreprise" et sont aggravées par un sentiment d'insécurité et d'incohérence. Cette hostilité a dans un premier temps facilité leur surtaxation, et freine actuellement la correction de cette erreur : les parlementaires continuant à proposer de multiples petites mesures alourdissant les impôts et les complications.
À mon avis d'ancien responsable d'une entreprise internationale, le plus grave ce sont les incohérences, car elles brouillent les messages. On constate en effet que le gouvernement français attaque "la finance", tout en demandant aux financiers de lui prêter à bas prix pour financer son déficit. Les attaques brutales contre les patrons étrangers et maintenant contre le Medef contredisent l'appel aux entreprises françaises et étrangères d'investir et d'employer en France.
Le plus maladroit a été de faire payer aux entreprises une pénalité de 75 % des salaires des cadres les plus brillants. Résultat : elles recrutent certains grands cadres à l'étranger, ainsi que toute leur équipe. Le grand cadre en question peut d'ailleurs venir de France et y rentrer chaque week-end. Comme nous l'avons dit plus haut c'est une catastrophe, sa famille bénéficiant des avantages scolaires et sociaux français tandis qu'il paye ses impôts à l'étranger.
Les grandes banques françaises délocalisent vers l'Inde des activités haut de gamme : informatique, back-office (Les Échos du 28 avril 2014), et autorisent leurs filiales, notamment à Londres, à recruter localement. Total a installé dans cette ville son service de trésorerie et la bourse de Paris ses gros ordinateurs. Le DG de Sanofi et son comité exécutif sont à Boston (Le Monde du 4 juin, qui titre "l’exode des états-majors du CAC 40").
Un jeune sur deux souhaite partir
Et le mouvement s'étend aux sièges sociaux dans leur ensemble : Lafarge ira à Zurich après s'être réfugié dans les bras de son collègue suisse Holcim, Rhodia ira en Belgique chez Solvay. C'est autant d'emplois de moins en France qui pèsent sur les recettes fiscales, tant directement qu’indirectement du fait de la consommation qui disparaît. Pourquoi rester en France si on y paye plus d'impôts, qu'il est plus difficile d'y gérer son personnel et qu'en plus on se fait insulter ?
Donc on "vote avec ses pieds" en émigrant. André Bercoff et Déborah Kulbach publient chez Michalon Je suis venu te dire que je m'en vais, Julien Gonzalez publie chez la Fondation pour l'innovation politique Trop d'émigrés ? Regard sur ceux qui partent de France, où est notamment repris ce sondage de 2013 selon lequel 51 % des 25-35 ans quitteraient la France s'ils le pouvaient. Or le monde entier recherche non seulement les plus qualifiés, mais aussi tous ceux "qui en veulent". Quand je demande des nouvelles de leurs enfants à mes amis, ils me disent qu'ils sont au bout du monde.
Cela dépasse de très loin les exilés fiscaux recensés par Bercy (3 % des départs, d'après André Bercoff) : un entrepreneur qui se lance butte sur le coût des charges et la complication de la gestion du personnel, et se verra taxer à l'ISF et sur les plus-values s'il réussit. En attendant, comme il se rémunère peu ou pas du tout, sa fuite est ignorée par Bercy.
Londres est la grande gagnante de ces maladresses et incohérences, (décompte très partiel puisqu'il ne s'agit que des "investissements directs", et non des opérations signalées ci-dessus). Cela pour des raisons fiscales, mais surtout par la considération dont bénéficient les entrepreneurs et les entreprises, et par la liberté du marché de l'emploi (liberté qui ne crée pas de chômage puisque l'Angleterre crée 100 000 emplois par mois) ! "Nation de boutiquiers" disait Napoléon, sans voir que c'était justement sa force.
En résumé, l'émigration est un phénomène très grave, en nombre comme en qualité puisqu'il s'agit soit d'employeurs actuels ou potentiels, soit de futurs employés qui auraient dépensé et cotisé. On ne peut s'empêcher de penser à l'exode des huguenots poussés à quitter la France par Louis XIV. C'était pour des raisons religieuses dira-t-on, mais à l'époque le religieux était idéologique. L'État était catholique, les catholiques étaient traditionalistes et leur élite rentière, les protestants étaient entrepreneurs ou artisans qualifiés. Le résultat a été une catastrophe pour la France, et une bénédiction surtout pour la Prusse, mais aussi pour l'Angleterre, les États-Unis et même l'Afrique du Sud !
Le trop d'impôt néfaste pour la compétitivité et l'emploi
Pour des raisons idéologiques en parler serait un aveu d'échec et remettrait en cause les convictions du petit monde qui nous gouverne. Je risque une hypothèse : la plupart de nos décideurs, de leurs inspirateurs et de leurs exécutants, y compris à des niveaux modestes, ont des postes stables et des revenus fixes. En cas de problème, on recase les "grands" à la tête de tel organisme ou à Bruxelles. Au pire, ils retournent "dans leur corps d'origine", tandis que les plus modestes sont inamovibles.
Cela se répercute sur leur vision du monde. Par exemple, ayant des revenus fixes et assurés, il leur paraît évident qu'augmenter la pression fiscale augmente recettes de l'État. Ils s'étonnent que ça ne marche pas. On trouve dans Le Monde du 2 juin 2014, deux articles sidérants sur ce sujet, que l'on pourrait résumer par : "sur les 28 milliards d'impôts attendus du fait des majorations, seuls 12 sont rentrés, donc Bercy a fait une erreur de calcul".
Or l'erreur n'est pas de calcul, mais d'ignorance : ils ne "réalisent" pas qu'en dehors de leur milieu, les revenus sont variables et les emplois non garantis, et qu'augmenter l'impôt aura des conséquences qui vont en réduire l'assiette : l'émigration justement, mais aussi l'assèchement faute d'argent des investissements de compétitivité, et donc la création d'emplois et bien d'autres ajustements, notamment le retour au travail au noir dans le bâtiment et les services à la personne (voir les nombreux articles des Échos sur ce sujet).
Un manque de culture économique
Au-delà de cet exemple fiscal, il y a l'ignorance des réactions et contreparties à toute décision économique. Et cette ignorance est parfois cultivée : un de mes interlocuteurs se félicitait récemment qu'un avocat d'affaires ne pourrait devenir ministre, pensant probablement à d'éventuels conflits d'intérêts. Alors que l'évidence, à mon avis, est que la nomination d'un familier des entreprises aurait évité bien des maladresses psychologiques et fiscales, et donc sauvé énormément d'emplois.
Il y a tout un écosystème idéologique, en France comme ailleurs, qui ignore les mécanismes basiques de l'économie que sont la table de soustraction et la contrepartie : si on produit moins que ce que l'on consomme, on s'endette et l'expérience grecque hier et argentine aujourd'hui en montre les limites ; si on augmente le coût et complique la réglementation de la construction, de la location ou du travail, on voit disparaître les logements neufs, les logements à louer et les emplois.
Cet écosystème a ses clubs, ses publications, ses enseignants, ses militants ; tous se documentent les uns chez les autres. Il s'agit souvent d'idéalistes pleins de bonnes intentions - et de quelques cyniques jouant la comédie pour être élus -, qui pensent que l'Histoire est injuste et donc en nient les leçons. Mais le problème est que ce groupe est au pouvoir en France, ce qui est une exception dans les pays développés, où l'on nous regarde avec commisération, comme je le constate souvent lors de mes activités à l'étranger.
Espérons que leur échec amènera nos décideurs à se renseigner : quelques visites à des experts-comptables leur montreraient la ruine de nos PME, nos principaux créateurs d'emplois, de façon plus parlante que les rapports de l'INSEE qui les ignorent largement !
PME ruinées, grandes entreprises se redéployant l'étranger, entrepreneurs allant créer ailleurs, étudiants qualifiés et chômeurs dynamiques allant travailler aux quatre coins du monde : la France se vide. Si nos gouvernants continuent ainsi, il ne restera à terme que des services publics tournant à vide. Par exemple, il y aura beaucoup moins d'élèves par classe. Le bonheur, vous diront les enseignants. Oui... à condition de se passer de salaire.
27 Commentaires
Anonyme
En Juin, 2015 (17:59 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (18:00 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (18:03 PM)Sciences Po
Ponts & Chaussees
Saint Cyr
Anonyme
En Juin, 2015 (18:13 PM)- La charges fiscales des PME n'ets pas très imporatntes en France (impot à 15% pour la qp du béfice en dessous de 38 120€), en plus ed ceà plein de niches fiscaes et l'une des meilleures est sans doute ed bénéficier d'un abattement d'impot égal à 75% du prix des actions d'une jeune pousse dans les iles... etc...
- Google, Facebook, Twitter sont tous américians, ls prochains star up internationales seront certainement Français avec notamment de VRAIS incubateurs qui comptent aujourd'hui pas mois de 16 000 petites pousses....
- La france se désindustrialise c'est un constat et comme l'économie de demain c'est internet elle fait tout pour avoir la main mise dans ce domaine (alors que nous on parle de PSE et on fait semblant de financer l'agriculture en contrepartie de notre pétrole qu'on donne gratuitement aux étrangers, civil war se profile)... Capgémini, Atos, etc ....
- l'inde et la Chine sont les nouveaux entrants dans cette nouvelle économie qui est basée sur la consommation donc avec leur opuation actuelle et des dirigeants avisés il est facile de deevnir une puissance économique ... Ce que es africains n'arrivent toujours pas à comprendre .... On dit par exemple à partir de 2025, 50% des voitures immatriculées devront être produites en Afrique, légui gnou beurri usines, pareil pour la bouffe, les jeux etc..; en imposant des quotas strictes....
Anti Gueulard Immigrés
En Juin, 2015 (18:14 PM)Xxx
En Juin, 2015 (18:24 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (18:43 PM)ça Reste Un Beau Pays
En Juin, 2015 (18:47 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (18:52 PM)Et je ne crois pas qu'on puisse se développer un jour avec un président comme Macky qui est dépourvu de vision et de politique efficace .
Anonyme
En Juin, 2015 (19:05 PM)Atypico
En Juin, 2015 (19:20 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (19:30 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (19:31 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (19:31 PM)Faransi
En Juin, 2015 (20:30 PM)Ils ont un niveau de vie qui ne colle plus avec leur productivité et personne ne veut se serrer la ceinture.
Exemple un ingénieur français pour fabriquer une voiture 20 cv va coûter 5000 à 8000 euros/mois, la ou le coréen va palper 1800 à 2500 euros et même topo pour les ouvriers qualifiés 300 à 400000 dans les pays émergents contre 800 à 900000 frs cfa minimum en France avec "khepp". Résultat:le véhicule va coûter 20 million cfa origine métropole contre 12 millions pour une KIA et 10 millillions pour une chinoise ou une indienne. les multinationales préférent délocaliser pour ne pas perdre leurs marché d'oû chomage en France.
Leur stratégie de Lisbonne de société du savoir ne permet pas de créer suffisamment d'emplois pour absorber le gap de main d'oeuvre.
Il faudra assouplir le marché du travail ou réduire le train de vie sinon la récession va devenir pathologique avec bien entendu des conséquences sur les immigrés.
Nous au Sénégal on veut émerger et la France a un gros potentiel technologique en agriculture et en biens publiques ; on doit mettre en place des projets audacieux et gagnant gagnant (eau,électricité,irrigation, semences,formation technique,transport etc) c'est possible sur la base de partenariats sérieux et respectueux sinon nous irons plus ailleurs, c'est l'impact de la réalité.
Aujourd hui les Lumières sont partout, même la Corée du Sud sait fabriquer des centrales nucléaires compétitives, et comme disait l'autre on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps.
La France est actuellement fatiguée, c'est pour ça que les gens, des gens sont amères et désagréables;ce n'est pas une raison pour ne pas croire en l'homme, tout l'homme.
Tout est question de point de vue, tristus ou rigolus, et de volonté énergique ou lymphatique
Et qui veut du bien aura du bien , et qui veut du mal aura du mal.
Vive le Sénégal, vive la France
Anonyme
En Juin, 2015 (20:45 PM)805
En Juin, 2015 (20:47 PM)Dierra
En Juin, 2015 (21:24 PM)Mooo
En Juin, 2015 (22:42 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (22:57 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (22:58 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (23:00 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (01:10 AM)Matar
En Juin, 2015 (02:42 AM)Fdf
En Juin, 2015 (06:10 AM)FANCH : tu as une logique et analyse de la situation et je ressens bcp d'amertune ce qu'il faut dominer , une immigration se prépare, le vrai fossé résulte du fait que la communaute africaine ne pése pas sur l'économie européenne , trés difficile de nous situer et pour ce qui est de l"héritage de nos ancetres , un seul fait celui des frontiéres inconnues.........J AI CONSTATE QUE L IMMIGRATION EN SES DEBUTS ESTAIT UN JEU DE MALINS OU L IMMIGRE S INVENTAIT UNE SITUATION POUR ACCEDER AUX AIDES OR IL SUFFISAIT DE SE PARFAIRE DE SES DROITS ET DEVOIRS DE CITOYEN........ ON PEUT TJRS REDRESSER LE STATUT EN EMPLOYANT LE MOT SUBI ET ABUS CONDITIONS SINEQUANONES POUR TOUT IMMIGRE......RIEN NE SERT DE SE RENVOYER LES TORTS OU INSULTES ET FAISONS DE CETTE GENERATION MONDIALE LE REBACK DES DIFFERENCES SOCIO CULTURELLES EN PRISE DE CONSCIENCE UNIVERSELLE.....LA FRANCE EST MON PAYS ET CELUI DE MES ENFANTS ET LEUR REPERE ET NOUS Y EVOLUONS EN RESPECT ET DIGNITE POUR LES VALEURS DE LA REPUBLIQUE ET SYMBOLISONS MARIANNE EMBLEME D HUMANITE ET LE SENEGAL PAYS DE MES ORIGINES QUI M A VU NAITRE ET AUX BONNES VALEURS DES 2 REPUBLIQUES JE DIS ...MERCI A LA FRANCE ...AUX FRANCAIS ET A L ENSEMBLE DES CITOYENS ....RIEN N EST ACQUIS AVEC FACILITE........ECHANGEONS POUR UNE BONNE FINALITE .
Boubes
En Juin, 2015 (08:47 AM)Xeme
En Juin, 2015 (10:01 AM)Il a du génie notre Macky National, faire faire à des gens plus que ce qu'ils peuvent faire. C'est un don divin.
En fait, plus exactement, c'est faire promettre à des gens de faire plus que ce qu'ils peuvent faire.
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