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CULTURE: 'Montrer aux autres ce que nous savons le mieux faire' Par Amadou Gueye Ngom

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CULTURE: 'Montrer aux autres ce que nous savons le mieux faire' Par Amadou Gueye Ngom
‘Faire l’historique d’un problème c’est le résoudre à moitié’, disait Senghor. Cet enseignement aide à analyser des situations de crise. De quoi souffre la politique culturelle du Sénégal ? Sous Senghor, l’objectif était clair : faire du Sénégal la Grèce noire de l’Afrique. C’est ainsi qu’à partir de 1962 notre pays commença, méthodiquement, à se doter d’infrastructures culturelles : Ecole des Arts, de danse, Conservatoire de musique, Manufacture des tapisseries, Musée dynamique, Théâtre Sorano, Festival mondial des Arts nègres dont le concept avait été défini au Congrès des Ecrivains et Artistes du monde noir tenu à Paris en 1954. Orchestre et ensemble nationaux furent crées de même que l’Université de Mutants. La culture ‘au début et à la fin du développement’ fleurissait jusque dans les discours économiques… Après 1980, début du gouvernement Abdou Diouf, les préoccupations culturelles devinrent moindres. La priorité semblait être la consolidation de l’Etat par un homme soucieux d’imprimer sa marque dans ses nouvelles fonctions. Attitude légitime si des énergumènes de son équipe n’avaient pas cherché à se faire plus dioufistes que Diouf lui-même en inventant le mot ‘desenghorisation’.

Des fonctionnaires en bois brut remplacèrent progressivement les créateurs. Le paysage culturel sénégalais commença à prendre du vert de gris puis à se fossiliser, faute de fertilisants. La Culture au sens conceptuel du terme commença à se transformer en ‘loisirisation’ de la culture. Abdou Diouf eut tout de même le mérite de faire confiance en des hommes capables de l’aider à lui donner une certaine dimension culturelle. C’est ainsi qu’est née la Biennale de Dakar, sur une idée-suggestion du poète Amadou Lamine Sall au chef de l’Etat. Par rapport à ses prédécesseurs, Wade est arrivé en 2009, auréolé d’une gloire de martyr populaire mais souffrant secrètement d’un double complexe : il n’avait ni l’aura intellectuel de Senghor ni l’expérience administrative de Diouf. Pour tout programme il proposait un slogan : Sopi, contenant sans contenu véritable mais qui se remplit de fulgurances en guise de méthode et d’organisation. Sur le plan international Wade voulut être aussi révéré que Senghor et faire mieux que Diouf. En neuf années d’Alternance le président Wade a consommé presque autant de ministres de la culture que pendant les quarante ans des précédents gouvernements. Erreur sur le choix des hommes ? Imprécision ou mauvaise définition des objectifs visés ? Sous l’Alternance ils donnent l’impression d’être des bouche-trous ou de tourner en roue libre

Rencontres internationales

Les échecs ou succès mitigés qui sanctionnent les événements comme la Biennale, malgré plusieurs éditions relèvent du manque de coordination et de discernement des enjeux d’une manifestation de cette nature. Ce constat nous conduit à l’appréciation de la physionomie du Fesman dont la grosse incongruité réside dans l’incapacité intellectuelle des organisateurs d’en saisir la philosophie. On ne peut pas servir un concept dont on ne saisit ni l’essence ni la portée. Mais ce qui choque le plus les observateurs et véritables acteurs culturels du pays est la personnalité même des principaux pilotes du Fesman, presque tous impliqués dans des scandales financiers aussi bien en France qu’au Sénégal. Leur cupidité a même valu à l’un d’eux une condamnation pour escroquerie mais semble intouchable, du fait des relations dont il se prévaut au sommet de l’Etat. Figurent parmi eux des personnages qui quoique les plus minables et les moins productifs de leurs corporations en sont devenus les présidents à force d’intrigues et de trafics d’influence. Il est temps de les débusquer de ce maquis giboyeux que constitue le Fesman à leurs yeux. Sinon, les Véritables acteurs culturels du pays et de la Diaspora bouderont toujours nos manifestations internationales. Au regard de ces considérations historiques et factuelles, une question se pose : est-il possible de rectifier le tir ? La culture étant prise de conscience et appropriation, plusieurs éléments de considération doivent être revus et réévalués.

Réévaluation du concept culturel

Par la prise en compte de ses éléments endogènes ainsi que de leurs détenteurs traditionnels (contes et légendes sur des supports modernes MP3, DVD, à des fins didactiques) et envisager dans un ministère comme celui de la culture et de l’alphabétisation le recrutement des détenteurs authentiques de valeurs traditionnelles ; rendre effective l’application du décret portant transcription des langues nationales pour mettre fin aux orthographes fantaisistes qui induisent en erreur.

Altérité des échanges

Faire en sorte que nos manifestations d’envergure soient courues et s’imposent par leur originalité et la qualité des programmes, à l’image des biennales européennes et festivals euraméricains. C’est-à-dire rompre avec cette pratique déshonorante et insensée qui consiste à payer les autres pour qu’ils viennent assister à nos spectacles alors que nous puisons dans nos maigres ressources pour aller à leur rencontre. Si nous donnons des rendez-vous de qualité, les participants viendront d’eux-mêmes pour découvrir et tisser des liens d’échanges mutuellement bénéfiques. Cette attitude de ressaisissement conduira à nous défaire de ce complexe qui consiste à plaire pour nous faire accepter. Réapprenons à exister d’abord par et pour nous-mêmes sans l’aval ou la caution des Occidentaux.

Politique des moyens

Autant le Festival mondial des Arts nègres se justifiait au début des indépendances, un Festival du monde noir au 21e siècle n’a plus sa raison d’être. En lieu et place organisons un festival thématique montrant aux autres ce que nous savons le mieux faire, ce qui nous distingue dans ce village planétaire qu’est le monde d’aujourd’hui. Imaginons un festival des métiers du cuir, de l’orfèvrerie, de musique acoustique, etc. Non seulement les populations se sentiront prenantes mais on n’aura plus besoin des subventions et dons qui nous tiennent la dragée haute, altèrent notre vision et aliènent notre liberté d’action.

Amadou Gueye Ngom est Ecrivain, Critique d’art, Professeur aux USA Ancien pensionnaire des Musées Antibes et Louvres. Il est membre fondateur de la section sénégalaise de l'association internationale des critiques d'art (Aica). M. Ngom est chroniqueur sur Seneweb.



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