Après près de quinze ans de présence dans la scène musicale sénégalaise, Demba Dia alias « Rock Mbalax » vient de mettre sur le marché, un nouveau produit : « Boum-boum » ; une denrée inédite symbolisant, pour l'artiste, un cri du cœur, de « guerre », une rupture dans la continuité. Ainsi, fidèle à son franc-parler, dans un humour dont il a seul le secret, Demba Dia, sans détour, a répondu à toutes nos questions. Le monde des affaires, la culture et l'art sénégalais, sa vision de la politique, du développement, ses projets dans un futur proche, entre autres. Un face-à-face, riche en enseignements, qui s'est déroulé dans une atmosphère détendue, ponctuée de moments de franche rigolade… Car Demba, c'est d'abord l'humour….
Pourquoi « Boum-Boum » ?
C'est à la fois un cri de guerre, et un cri du cœur. C'est l'éclatement de joie, de bonheur. Dans cet album, j'ai développé plusieurs thèmes comme l'amour, la paix, « daniyankobé (les émigrés), Wanngo, Rock As, séto-seet etc. Cet album est en quelque sorte le sacre de ma carrière. Un moment fort dans ma vie d'artiste ; vu la galère que j'ai endurée. Je quittais, le quartier Castors pour aller en ville, à pied. Chaque album doit avoir une âme. En plus, « boum-boum » arrive au moment où j'ai réalisé presque une grande partie de mes projets, de mon rêve… « boum-boum », n'est pas un slogan de guerre, quelque chose pour faire peur. J'aime taquiner, créer l'ambiance. En plus, c'est une manière de montrer que moi aussi j'ai droit au chapitre, au podium. C'est pourquoi, vous le constatez, je suis resté cinq ans sans sortir un album. J'ai une autre vision des choses. Je veux faire la différence, quelque chose d'originale. Je n'ai pas envie de faire dans l'informel. Durant ces cinq années, j'ai monté des projets de radio, de télévision, de Dvd etc. Un travail doit être sérieux et bien fait.
Où en êtes-vous avec la promotion de « Boum-boum » ?
Elle marche. J'y vais doucement, avec toutes les assurances. Je vais faire du spectacle, m'éclater partout au Sénégal. La musique pour moi, c'est du spectacle, du son et de la lumière. Nous ne sommes pas des musiciens de boîte de nuit. Par exemple, j'ai envie de faire un spectacle, un regard sur le Sénégal, symboliser par brassage de cultures, de valeurs, de danses, de ballets, des festivals, un événement riche. Il ne s'agit pas seulement de chanter pour chanter. Nous allons tout essayer, pour bientôt, en vue d'apporter du nouveau ; pas du recopiage.
Quel est le regard de « Rock » sur les autres artistes, et sur le Mbalax ?
Dans le paysage musical sénégalais, il y a de bonnes choses, mais également des choses pas du tout catholiques. Je respecte certains, comme Youssou Ndour, Baba Maal… Ils ont travaillé dur, et ont fini par créer beaucoup d'emplois. A mon avis, un bon citoyen ne doit pas tout attendre de l'Etat. Nos Etats n'ont pas assez de ressources. Ils vivent à partir des impôts. Chacun de nous doit faire quelque chose. Il n'est pas nécessaire de faire des tonneaux vides, car dans ce pays, il y a des nuls, qui ne font rien et qui parlent beaucoup. C'est dommage !
Quant à la musique « Mbalax », elle n'a pas vraiment connu des évolutions. Je préfère la musique de l'époque des groupes comme « Baobab », le « Star Band » de feu Ibra Kassé, l'Etoile de Dakar. Tout le monde chantait, dansait. Car la musique, comme toute œuvre d'art, doit avoir un style, une âme. Actuellement tout se ressemble. C'est catastrophique ! C'est fou. La musique est en train de chuter. Des choses nulles. Dans les années 70/80, pour espérer un passage à la radio ou à la télévision, il fallait bien travailler. Maintenant, il y a trop de médiums (radios, journaux) qui, quelque part, ont contribué à la chute de la musique.
Demba Dia préfère-t-il le « Mbalax » au Rap ?
Je suis un Rocker. C'est pourquoi, je respecte beaucoup les rappeurs, qui sont en train de faire un excellent travail avec des textes très riches. Ils ont plus de couilles que ceux qui font du Mbalax. Bravo ! Ils ne sont pas comme Alioune Mbaye Nder, qui n'a pas de couilles. Celui-là est un arriviste. On n'est pas pareils, même dans l'esprit. Moi je suis un réaliste. Je crois en mon travail. Jamais je ne suivrais une personne pour de l'argent. Je suis différent de ceux qui chantent Tanor, Diouf « numéro 10 »… Je me bats tout seul. J'ai galéré pour réussir. Je ne serai jamais un lèche-cul, comme Alioune Mbaye Nder. Pas d'opportunisme. Ce n'est pas l'argent qui est important dans la vie. Il faut vire heureux, être honnête, et savoir partager avec les autres.
Demba Dia et la politique ?
Wade est un ami de longue date. Pour l'avoir soutenu, mon passage à la télévision a été suspendu pendant un an.
Mon amitié avec le président Wade ne date pas d'aujourd'hui. Je le connais depuis qu'il était dans l'opposition. Mais, jamais je ne l'ai sollicité. Il fait son travail, et moi le mien. Je suis sincère. Je le soutiens. C'est ma vision des choses. Je suis sincère en amitié. Idem pour Abdoulaye Baldé, le secrétaire général de la présidence. Je suis différent de Alioune Mbaye Nder. Quant à la politique, je n'en fais pas. J'aime Wade. Je le supporte depuis 1988. Me Wade, c'est un ami et un père pour moi.
Pourtant, « Rock » n'a pas couru le dernier « Six heures de Dakar »
J'aime rire, faire des blagues. Les gars du sport automobile n'ont rien compris, en voulant m'exclure. Je sais que je dérange certains. Parce que probablement, je suis sincère et je dis ce que je pense. Je ne suis pas un homme à problèmes, comme le pensent certains. J'aime rigoler. Je ne suis même pas capable de tuer un poulet. Je fais aussi tout. Je vends des équipements, des voitures. Je fais aussi du sport automobile Mais « nak », (éclats de rires), qui me cherche me trouve.
Mais au fait, qu'est-ce qui s'est réellement passé ?
Lors du dernier circuit des "six heures de Dakar", je n'ai pas participé. Parce qu'il y avait beaucoup de problèmes. Cette année, comme vous le savez, il y a des travaux sur l'autoroute, et vu l'impossibilité d'y pratiquer ce genre de sport, j'ai demandé aux organisateurs de repousser la date pour y voir un peu plus clair. Parce que moi, je ne veux pas jouer pour perdre. En plus, il fallait le faire pour l'intérêt du jeu. Et au dernier moment, on m'a fait savoir que la Vdn a été retenue pour la course. Mais au dernier moment, on me fera savoir que la liste pour les inscriptions était close. C'est dommage ; surtout que j'étais le vainqueur sortant (ndlr : vainqueur de l'édition 2005). Je leur fis quand même remarquer que je venais avec une voiture professionnelle, homologuée. C'était le début de heurts avec eux. J'avais tenu quand même à leur faire savoir que c'est un simple jeu, et que le circuit ne répondait à aucune norme. C'est de l'amateurisme. Ce qui a déplu. Mais, moi je m'en fous. Je dis ce que je pense. Le fait est là : ils ne permettent pas au vainqueur de l'édition passée de se présenter. Ces gens-là ont toujours cherché à me bouffer. Imaginez qu'on a sponsorisé tout le monde ; sauf moi. C'est de la ségrégation. Ceux qui sont à Dakar se croient plus intelligents que ceux qui sont aux Parcelles Assainies ou dans les régions. Je m'en fous de ces considérations. Je dis ce que je ressens.
Ami de Me Wade, que pensez-vous de votre ministère de tutelle : la Culture?
Il y a trop d'amateurisme au Sénégal ; dans le sport comme la culture. Il faut confier aux personnes ce qu'elles méritent. Il faut privilégier les compétences. La culture, il faut la confier aux hommes du sérail. Un ministre de la culture doit être issu du milieu culturel. Pourquoi pas Youssou Ndour ou Baba Maal, comme ministre de la Culture ? Ces deux-là, à mon avis, ont le profil, les connaissances et l'expérience nécessaires pour présider aux destinées des créateurs. Je pourrai être leur adjoint (rires…)
La piraterie toujours à l'œuvre ?
Nous travaillons dur pour sortir du lot. Mais, nous souffrons de la mauvaise distribution de nos produits. La piraterie nous empêche de décoller. Les revendeurs font énormément de bénéfices sur notre dos, et nous reversent des miettes. Les artistes sont fatigués. Ils ne peuvent plus vivre du fruit de leur travail. Et si cela continue, dans beaucoup de domaines, les arts vont disparaître ; voire mourir définitivement.
Les projets de Demba Dia ?
J'ai toujours voulu créer des emplois, aider les jeunes et les pauvres. J'ai fait des choses ; mais je veux encore en faire. Actuellement, je suis en train de monter un groupe de presse ; avec un journal, une imprimerie, une radio, etc. On est en train d'installer « Rock City ». Moi, je ne veux pas être un patron de presse ; mais juste créer des emplois et aider les jeunes. Car chacun doit être à sa place. Je ne connais par exemple rien au journalisme, à la presse, (rires et tapes amicales). Ainsi, je vais mettre les hommes qu'il faut, uniquement pour créer des emplois. Je veux, comme tout bon Sénégalais, participer au développement du pays. Nous ne devons pas tout attendre de l'Etat. Chacun doit apporter son appui, pour nous sortir du sous-développement.
Les femmes…
C'est un jardin secret. Franchement, il y a de bonnes choses chez nous. J'aime les bonnes choses, la belle femme. Mais, la bonne femme, c'est le cœur et l'esprit. Je les chanterais toujours, et toujours… Ah, ah, ahaaa !
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