On aurait pu croire à un miracle et prier avec ferveur pour la reconnaissance du continent sur les toiles de cinéma du festival de Cannes. Mais une fois de plus, du 13 au 24 mai 2009, l’Afrique ne sera pas en compétition. Bien que certains réalisateurs africains aient eu la chance de recevoir des prix dans ce prestigieux festival (Hamina, Cissé, Chahine) [1], les plus récentes récompenses proviennent de Berlin (U-Carmen eKhayelitsha du sud-africain Mark Domford-May, Ours d’Or en 2006) ou Venise (Teza de l’éthiopien Haïle Gerima, Prix Spécial du Jury en 2008). Le festival français aurait-il un problème avec les films africains ?
Si l’on en croit le comité de sélection du Festival de Cannes, les films retenus ne le sont pas du fait de leur nationalité mais bien du fait de leur qualité. Une exigence qui se prouve par la sélection 2009 qui ne retient qu’un seul film américain (Inglourious Basterds de Quentin Tarentino) sur vingt films. Le cru 2009 sera donc majoritairement européen (Almodovar, Lars Von Trier, Resnais, Loach...) et asiatique (Ang Lee, Lou Ye, Park Chan-Wook...), une petite fenêtre étant accordée à la Nouvelle-Zélande grâce à la seule femme jamais récompensée par une Palme d’Or dans l’histoire du festival : Jane Campion (La leçon de piano, 1993).
Quelle est donc cette maladie qui frappe les cinéastes africains ? Faut-il faire la queue au consulat pour obtenir le laissez-passer cinématographique de leur film ? Si l’on en croit la qualité des films projetés lors du dernier FESPACO, certains d’entre eux auraient pu avoir une place dans la compétition. Cependant, quelques réglementations très strictes empêchent leur sélection.
Des réglementations trop strictes ?
Premièrement, tout film sélectionné à Cannes ne doit pas avoir été présenté dans d’autres festivals ni avoir été exploité ailleurs que dans son pays d’origine. Donc, tout film africain présenté à Venise, Berlin, Ouagadougou ou Carthage se verra écarté de la sélection cannoise. Deuxièmement, tout film sélectionné ne peut être retiré du programme au cours de la manifestation (article 4 du règlement). De ce fait, les malheureux cinéastes n’ayant pas bouclé la post-production de leur film par manque de financement ne peuvent se permettre, comme au FESPACO, d’être annoncés pour finalement ne jamais envoyer leur copie... Troisièmement, le Festival de Cannes étant le plus vieux et le plus célèbre rendez-vous cinématographique mondial, force est de constater que les réalisateurs qui s’y présentent sont souvent soutenus par de grandes sociétés de production. Or, sur le continent, combien de cinéastes peuvent présenter des films dont les budgets dépassent les milliards (de dollars) ? Voilà une iniquité économique qui perdurera tant que les gouvernements ne s’attèleront pas à la construction d’une industrie cinématographique stable et rentable.
Pour garder une touche optimiste, retenons l’investissement depuis 2003 du Ministère des Affaires Étrangères Français, via son Pavillon « Le cinéma des Suds », pour la promotion des cinéastes africains. Certes, pour eux, principaux financeurs des films de ces pays, le pavillon est l’occasion de donner un peu de visibilité aux créations modestes mais envoûtantes du Sud. Mais il s’agit surtout, pour ces œuvres, d’avoir une chance d’être achetées par des vendeurs internationaux, distributeurs ou chaînes de télévision puisqu’au festival de Cannes, ils sont très nombreux (24 856 professionnels accrédités en 2008).
Nous comptons donc sur l’une des grandes figures du cinéma africain, le cinéaste malien Souleymane Cissé et son long-métrage Min-Yé – sélectionné hors-compétition parmi les six films en séances spéciales - pour défendre les couleurs du continent. Et sur le réalisateur tunisien Férid Boughédir, sélectionné en tant que juré de la catégorie Cinéfondation et courts-métrages, pour donner à l’Afrique son plus beau jugement. Peut-être qu’en 2010, la sélection officielle comptera un film africain ? Aux cinéastes de s’y atteler...
[1] L’algérien Mohammed Lakhdar-Hamina remporta la Palme d’Or du Festival de Cannes en 1975 pour son film Chronique des années de braise. Quant à Yeelen de Souleymane Cissé et Le Destin de Youssef Chahine, ils obtinrent respectivement le Prix du Jury en 1987 et 1997.
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