Peut-on dire que le clash du Pbs, c’est un succès que vous n’avez pas su gérer, Didier Awadi et vous ?
Si c’est par rapport à des gens qui ont pris la grosse tête, c’est non. Tout le monde vous dira que j’ai toujours la tête sur les épaules. Comme je vous disais, si on n’a pas pu gérer ça, c’est au niveau de la communication.
Y’avait-il alors un problème de structuration ou d’encadrement du groupe ? Sûrement mais au moins cela nous aura appris quelque chose.
Et qu’est-ce que cela vous a-t-il appris ?
Personnellement, ce que cela m’a appris c’est ce que tout ce qui brille n’est pas or. Et quoi qu’il arrive dans la vie, quand on est avec une personne, (un couple, un homme et une femme, deux amis d’enfance, des gens qui travaillent ensemble dans un bureau), il faut qu’il y ait de la communication. Si des amis, au tout début, étaient tout le temps ensemble, il y a des «bla-bla» au sein du groupe qui peuvent susciter des réactions pas souhaitables. L’expérience du succès m’a beaucoup ouvert les yeux : il faut dire aussi qu’on a connu le succès étant jeunes.
N y avait-il pas eu de jalousie de part et d’autre ?
Pas moi en tout cas. Je n’ai jamais été jaloux de qui que se soit. Honnêtement et je ne le crois pas.
Le Pbs a été le pionnier du rap au Sénégal. Aujourd’hui, quel regard jetez-vous sur le mouvement Hip-hop au Sénégal ?
Je me rappelle, au tout début, on disait à travers nos interviews, qu’on souhaitait que le Hip-hop se développe au Sénégal, comme aux Usa. Aux Etats–Unis, les rappeurs étaient aux coins de rue, ils tendaient leur chapeau et avaient un magnétophone et une petite cassette, ils rappaient et on leur jetaient des pièces. Aujourd’hui, on a des rappeurs multimilliardaires qui ont des organisations énormes qui font des concerts, l’entrée à 200 dollars. Donc nous nous battions pour qu’après les Usa et Paris que Dakar soit la 3 è capitale du Hip-hop.
Aujourd’hui, quand on parle de Hip-hop en Afrique en ce qui concerne le nombre de groupes, c’est Dakar la 3e capitale. Mais, il faut que les Sénégalais sachent que par exemple, quand vous faîtes un concert à Bamako, cela n’a rien à voir avec un concert ici, au Sénégal. A Bamako, vous faîtes facilement 10 mille entrées à 10 000 francs Cfa le ticket. Au Bénin, partout en Afrique, on est en train de mieux s’organiser que Dakar.
Le premier groupe de rap à avoir percé sur la scène internationale, c’est le Pbs ; après c’était Daara J, Pee Froiss. Mais aujourd’hui, au niveau de l’organisation et de la rentabilité, être rappeur au Mali, au Burkina rapporte beaucoup plus. Parce qu’ici, avec la piraterie, les taxes, le problème de matériel, d’infrastructures, il faut attendre un ou deux mois pour voir un concert de rap.
Aujourd’hui, quelle orientation comptez-vous donner à votre carrière solo ?
Vous êtes là, dans mon studio où je travaille avec un partenaire du nom de Dahsim. Toute cette absence pendant un an, c’était dans l’intention de monter cette structure, Nubian entertainment. Nous sommes dans l’organisation de concerts dans la sonorisation, la production et la promotion. Nous avons du matériel pour ça.
Quel en est le coût d’investissement ?
C’est top secret !
Qu’est-ce que votre structure peut faire dans le sens du renforcement de la scène Hip-hop sénégalaise ?
Pour la majorité des rappeurs, c’est le manque de salle qui pose problème. Il y a quelques personnes qui ont un bon matériel mais le coût de location n’est pas à la portée des groupes de rap. Beaucoup de jeunes ont énormément de talent mais manquent de moyens. Ils sortent un album excellent, y investissent 800 mille à 1 million de francs Cfa dans l’enregistrement de cet album et se retrouvent avec 400 000 F parce qu’on les a piratés. Et pourtant ils payent des droits d’auteurs ! Ce ne sont pas eux qui sont payés par les droits d’auteurs. Ils payent des hologrammes, sont piratés et on ne fait rien pour combattre cette piraterie. Tout le monde sait qui sont les pirates. On fait de la langue de bois.
Dites-nous donc qui sont ces pirates ? Pourquoi, vous ne l’avez jamais dit si tant et que vous les connaissez ?
Je le leur dis en face. Ils n’ont qu’à faire un débat télévisé et qu’ils nous invitent tous. On voit partout dans la rue des gens qui gravent et qui vendent des Cd. Le piratage se fait à une échelle industrielle. Il faut changer la législation, car les artistes participent aussi au développement de ce pays : financièrement, culturellement et surtout nous adoucissons les mœurs. La musique compte pour beaucoup dans l’équilibre mental et moral d’un peuple. L’industrie de la musique, c’est également et surtout le spectacle…
Si la salle de spectacle est vide, on va chanter pour qui ? Etre artiste, c’est aussi un travail. Mais si l’artiste est déçu par le public et les autorités, il lui faut vraiment être fort pour continuer.
Comment appréciez-vous le succès de votre dernier album avec le titre-phare Wadiour ?
Honnêtement, je ne saurais le dire. Beaucoup de personnes ont aimé cette chanson. En Afrique, nous partageons tous cette culture : le respect des parents et surtout les mères. Et je crois que tout le monde s’y reconnaît. Je rencontre des personnes qui ont l’âge de ma mère ou de mon père et qui me confient être touchées par cette chanson ; ça me fait très plaisir. ça me touche quand je suis à la radio et que des auditeurs m’appellent et chantent la chanson. Un jour, une auditrice m’a fait pleurer d’émotion. Et Je me dis, au moins : j’ai pu, avec le peu de talent que j’ai, rendre des gens heureux.
En terme de vente, les pirates nous ont eus aussi. Aux gouvernants donc de nous aider, sinon on va se retrouver dans un Sénégal sans musicien, sans comédiens, sans artistes en tout cas. Côté anecdotes, racontez-nous la mésaventure du Pbs au Congo, quand, après votre concert, vous deviez regagner l’aéroport Brazzaville pour rentrer…
Ce n’est pas un beau souvenir. On partait à l’aéroport, et les coups de feu ont retenti… Après une superbe soirée, on se rendait à l’aéroport vers neuf heures du matin, on entend, en cours de route, des obus, des kalachnikovs. On nous fait descendre du bus pour nous mettre sur le trottoir avec des mitraillettes braquées sur nous. Le directeur du Centre culturel français de Brazza qui s’est interposé en disant : «C’est l’ambassade de France !» Le gars qui nous braquait lui a ordonné de s’asseoir. Et de poursuivre : «Qui sont ces gens-là ?» Il lui a répondu que nous étions des musiciens. On sort nos passeports, le gars les tient à l’envers, pour vous dire qu’il ne savait même pas lire. Je sors la cassette Daw Thiow que nous avions sur nous. Il regarde la photo sur la pochette ; on lui explique que Daw Thiow signifie : «Eviter les problèmes et faire la paix.» Il nous a laissés filer en nous souhaitant bonne chance. Il a ajouté : «Si vous vous en sortez.»
L’ambassade de France a dû affréter un petit avion qui nous a amenés au Gabon. Dés que nous avons décollé, l‘aéroport a été fermé. On était les derniers à avoir quitté le pays qui allait sombrer dans la guerre civile. Ça, je ne vais jamais l’oublier.
Est-ce qu’un jour on peut s’attendre à ce que vous racontiez cela dans une cassette par exemple?
Non, non, je ne crois pas. FIN
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