En tournée européenne depuis le 3 novembre, le Baobab a cassé la baraque au Stadtgarten, temple de la musique « live » à Cologne. Le concert était déjà annoncé complet avant leur arrivée en Allemagne et nombre de nos compatriotes et fans de la salsa en ont fait les frais en arrivant à Cologne le jour du concert.
(Cologne, correspondance particulière) - Denny Schmitz habite la ville de Paderborn à 200 km au nord de Cologne. Autant dire qu’il avait réservé son billet par une agence trois semaines auparavant. Il arrive au concert avec un épais dossier entre les mains. On dirait plutôt un avocat, mais Denny archive des photos du Baobab depuis 30 ans. Sa place est devant la scène et il se tortille à sa manière, charmé par les voix de Rudy Gomis, Balla Sidibé, Assane Mboup, Ndiouga Dieng, la guitare de Barthélemy Attisso et les rugissements de saxo du trépignant Issa Sissoko. Denny n’a pas lâché son dossier jusqu’à la fin du concert. Et après avoir savouré la musique, il s’engouffre à la fin du concert avec les musiciens dans leur salle de repos pour leur faire signer des autographes sur leurs vielles photos. Sur l’une d’elles, Rudy Gomis à l’air de Yéyé des années 70 avec une tignasse bien fournie ; Balla Sidibé et les autres ont pris un tel coup de jeune qu’on a du mal à les reconnaître sur la vielle photo. X est comblé et peut refaire ses 200 km un jeudi à minuit.
Les concerts complets, le Baobab commence à s’y habituer. Drôle de sort pour un groupe qui est allé au purgatoire pendant 16 ans. A ce sujet, Balla Sidibé rétorque : « le Baobab est plus aimé à l’étranger qu’au Sénégal. Au début du mois de novembre au Jazz Café à Londres, nos trois concerts étaient affichés sold out (Ndlr : complet), au festival de Montréal, ils ont failli casser la scène quand on fait un break parce qu’ils voulaient qu’on revient. A Central Park (New York), ils sont montés aux arbres pour nous écouter et au Japon la vedette de la ville, un tambourin, avait choisi l’un de nos plus vieux titres ‘On verra ça’ qu’il a joué parfaitement sur scène avec nous. » Et Attisso confirme : « Connectez-vous sur Internet, vous allez voir ! » En effet, sur le Net, il y a plus de sources écrites en anglais qu’en français sur l’Orchestra Baobab. Pas étonnant, quand on suit les pays-étapes de cette tournée européenne qui a commencé le 3 novembre à Londres et qui se terminera le 15 décembre à Stockholm, seuls trois concerts ont eu lieu dans des pays francophones : Bagnolet, dans la banlieue parisienne, Agen, dans le Lot-et-Garonne en France et dans une moindre mesure, Lucerne située en Suisse alémanique. Sinon, les autres étapes sont l’Angleterre, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, le Danemark et la Suède. Balla assure : « nous connaissons déjà tous ces pays ». À part en Chine, où ils avaient des appréhensions avant d’y aller et l’agréable surprise de voir les Chinois danser au son de leur musique, « le Baobab fait vibrer tout le monde dans toutes les salles du monde », assure Rudy Gomis.
Bonjour les traditions sénégalaises !
À Cologne, à part deux nouveaux titres encore inconnus du public, le Baobab n’a fait que jouer son répertoire habituel mais avouons-le, en concert, l’ambiance alloue aux morceaux comme ‘Ndéleng Ndéleng’ ou ‘Sutukun’une ferveur intense. « Ces vieux titres sont nouveaux pour nous », aurez dit le producteur Nick Gold à Balla Sidibé. Et c’est ceux qui connaissent ces titres par cœur qui dansent le plus. Les Cap-Verdiens reprennent en chœur les morceaux ‘Ami kita bay’ et ‘Cabral’, les Sénégalais ‘Nijaay’ et ‘Bul ma miin’, les Togolais chantent ‘Gnawoe’ en langue mina (c’est vrai) et les Cubains ‘El son te llama’. Ce qui prouve que les immigrés sont des nostalgiques et en concert, ils se donnent à fond. À ce sujet, Rudy Gomis dit : « nous sommes les seuls à satisfaire tout le monde ». Mais à Cologne, la chance du Baobab est un public allemand non seulement acquis à la salsa mais aussi aux traditions sénégalaises : Quelques Allemandes, habillées en tenues traditionnelles sénégalaises, tendent des billets de banques aux musiciens pour leur belle voix même si elles ne comprennent pas les paroles.
À Cologne, deux générations de fans se disputaient le devant de la scène ; d’une part, lesdits anciens comme Aziz Diop, ancien journaliste à Radio Dakar des années 70 et chanteur quand il quitte la rédaction, entonne une de ses productions favorites, tiré sur scène par Issa Sissoko qui lui dédit le morceau ‘Nijaay’. Sa cravate imbibée de sueur aura fait les frais d’une ambiance survoltée. Et d’autre part, les jeunes immigrés de vingt ou trente ans fondus dans masse d’Allemands férus de Salsa. Ce melting pot a créé une ambiance électrique plus de deux heures durant. Et c‘est ce que prédisait Rudy Gomis avant le concert : « Nous sommes des vieux-jeunes qui s’amusent sur scène et ça contamine. La plus grande punition qu’on pourrait faire au Baobab, c’est de jouer et que le public ne danse pas. » Après l’Europe, le Baobab ira en Amérique du Nord, mais Cuba reste encore un grand point d’interrogation. « Cuba sera une surprise après 2009 », dit Balla Sidibé. Après avoir joué le titre ‘Hommage à tonton Ferrer’, morceau sur lequel Rudy Gomis annonce la couleur avant de passer le micro à Ibrahim Ferrer, Rudy avoue : « On avait la chance d’aller à Cuba avec cet homme-là. Avec Ferrer, c’était presque acquis ». Mais la mort subite d’Ibrahim Ferrer en 2005 a refermé la porte cubaine provisoirement. Quand un chanteur comme Rudy Gomis parle d’Ibrahim Ferrer, on sent l’admiration et la connaissance du terrain : « Ibrahim Ferrer, c’est une voix jeune dans un vieux corps. On s’est rencontré dans notre maison de production. Nick Gold, le producteur, nous a proposé de jouer un morceau avec lui et il était comme un poisson dans l’eau », ajoute Rudy Gomis.
La mention spéciale du concert de Cologne sera attribuée à Issa Sissoko dont le saxophone et les pas de danse ont émerveillé tout le monde et la palme d’or reviendra à Barthélemy Attisso. Avec un son de guitare unique en son genre, Attisso remplace aisément les solos de flûte traversière de la musique cubaine.
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