(Afrik.com) - Faste, érudition et puissance, le nouveau livre de Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, nous ramène au temps des empires de Ghana, du Mali et du Songhay, qui illuminèrent le Soudan occidental entre le 9ème et le 16ème siècle. Civilisations riches et fortes, où l’écriture, les sciences, la médecine et les arts tenaient une place de choix. « Je n’ai pas la prétention d’être un historien mais plutôt un vulgarisateur. Je cherche à mettre à la portée de tous, des faits historiques, quelquefois connus que par quelques initiés, souligne Serge Bilé. C’est mon côté journaliste qui veut ça. Ce qui m’importe, c’est de faire sauter les verrous de l’Histoire de l’Afrique, qui reste mal connue en dehors de la traite négrière. »
On découvre ou redécouvre, au fil des pages de l’essai, une pléiade de souverains africains, épris, les uns autant que les autres, de conquêtes et de progrès, dans une Afrique flamboyante. C’est le cas de Soundiata Kéïta, qui fit adopter, au 13ème siècle, une charte des droits de l’homme, stipulant, dans son article 16, que « les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à tous nos gouvernements ». La parité politique avant l’heure…
Afrique fastueuse et conquérante
On y apprend par exemple, que l’empereur Aboubekr II, entreprit, bien avant Christophe Colomb, de traverser l’Atlantique et fit équiper pas moins de deux cents navires, remplis d’hommes, d’or, d’eau et de vivres. L’histoire ne dit pas comment s’est terminée l’expédition. Mais Serge Bilé rapporte que l’explorateur espagnol Vasco Nuñez de Balboa a rencontré des Noirs, en 1513, sur l’isthme de Panama, et que ces derniers, d’après les témoignages, « ne pouvaient s’être installés dans cet endroit qu’avant l’arrivée de Christophe Colomb au Nouveau-Monde ».
D’autres monarques, cités dans ce livre, ont laissé une trace dans les mémoires africaines. Kankan Moussa, tout d’abord, qui fit un pèlerinage fastueux, en 1324, à la Mecque, et fit connaître l’empire et l’or de Mali dans le monde entier. Il s’illustra par ailleurs en instituant l’école obligatoire pour tous les enfants âgés de sept ans et plus. Cela, bien avant… la colonisation française !
L’Askia Mohamed fut aussi un précurseur. Il créa, dès le 16ème siècle, une armée de métier et un ministère de l’intégration pour les… Blancs, comme on désignait alors les Arabes et les Berbères ». Certains d’entre eux, réduits en esclavage, se retrouvèrent au service des empereurs noirs. D’autres Blancs, comme les mamluks turcs, furent également achetés en Egypte.
Serge Bilé rappelle, en outre, que la vie intellectuelle était intense à Tombouctou. L’enseignement, dispensé à l’époque, à l’université de Sankoré, n’avait rien à envier à celui de Cordoue, Damas, Grenade ou au Caire, dans les domaines aussi bien de l’astrologie, de la géographie, que de la rhétorique. Léon l’Africain, qui la visita en 1526, indique, d’ailleurs, qu’on tirait, dans cette ville, « plus de bénéfices de la vente des livres manuscrits que de tout le reste des marchandises ».
Appel à la renaissance africaine
On pourrait énumérer encore les informations, plus précieuses les unes que les autres. Cet essai est truffé de révélations qui invitent, en réalité, à penser autrement l’Histoire de l’Afrique et la place de l’homme africain dans l’Histoire. « J’avais envie d’écrire ce livre pour dire à mes enfants : vos ancêtres n’ont pas été que des esclaves et des colonisés. Ils ont aussi joué, bien avant tout cela, un rôle important dans la marche du monde. Et, ça, aussi, il ne faut pas l’oublier. », nous a confié Serge Bilé.
Cet ouvrage, qui connaît un succès en librairie, arrive si l‘on devait le rappeler, quelques mois après le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy. Véritable somme sur les empires de Ghana, de Mali et du Songhay, d’autant plus intéressant qu’il n’invite pas à la nostalgie d’un passé glorieux et regretté, il exhorte, in fine, à la renaissance de l’Afrique.
Criss Bailly - Afrik.com
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