
Téhéran tente de réagir après le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire, annoncé par Donald Trump mardi 8 mai. Les dirigeants iraniens se montrent unis pour condamner cette décision mais partagés sur la marche à suivre, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
L’Iran ne veut pas rester sans rien faire face au retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire, annoncé par Donald Trump. Dès mardi soir après la prise de parole du président américain, le président Hassan Rohani a affirmé que son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, allait mener des négociations avec les cinq autres pays de cet accord (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie) pour voir si celui-ci peut être sauvé.
Signé à Vienne en juillet 2015, l’accord stipule que l’Iran bride son programme nucléaire en s’engageant à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique, en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales visant cette République islamique. Washington a choisi pratiquement l’option la plus radicale en rétablissant l’intégralité des sanctions levées, mais aussi en annonçant des sanctions encore plus sévères et en forçant les entreprises étrangères à choisir rapidement entre faire des affaires en Iran ou aux États-Unis.
L’ayatollah Khamenei exige des « garanties réelles » des Européens
« Nous devons attendre de voir ce que les cinq grands pays vont faire […]. Si les intérêts du peuple iranien sont assurés […], l’accord nucléaire restera et nous pourrons agir pour l’intérêt de la paix et de la sécurité de la région et du monde », a dit Hassan Rohani. De son côté, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a exigé des Européens qu’ils donnent des « garanties réelles » à l’Iran pour lui permettre de rester dans l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien après le retrait des États-Unis.
La presse iranienne reflétait mercredi les opinions divergentes entre réformateurs et conservateurs modérés d’un côté (comme Hassan Rohani, un des pères de l’accord) et ultraconservateurs de l’autre, opposés depuis le départ à ce compromis. « Trump a déchiré l’accord nucléaire, il est temps pour nous de le brûler », a ainsi avancé le quotidien ultraconservateur Kayhan. Les journaux réformateurs ont eux dit leur espoir de trouver une solution avec les Européens. Mais la marge de manœuvre semble mince.
« Que l’Europe montre qu’elle a le poids nécessaire »
Pour Ali Larijani, président du Parlement, la situation va permettre de voir ce que les Européens ont dans le ventre. « Vue l’attitude passée de l’Europe, nous ne pouvons pas tellement faire confiance à leurs déclarations sur le maintien de l’accord », a-t-il dit lors d’une séance animée ayant vu plusieurs députés ultraconservateurs brûler un drapeau américain en papier à la tribune aux cris de « Mort à l’Amérique ». « C’est une ouverture pour que l’Europe montre qu’elle a le poids nécessaire pour régler les problèmes internationaux », a-t-il ajouté.
Si les négociations échouent, « la République islamique d’Iran, avec ses actions sur le plan nucléaire […], ramènera (tout le monde) à la raison », a encore dit Ali Larijani, pour qui Donal Trump ne comprend que « le langage de la force ». Hassan Rohani a, lui, prévenu mardi soir que l’Iran pourrait cesser d’appliquer les restrictions qu’il a consenties à ses activités nucléaires et reprendre un enrichissement d’uranium plus élevé si les négociations avec les Européens, Russes et Chinois ne devaient pas donner les résultats escomptés.
« Les États-Unis ne sont pas dignes de confiance »
Dans les rues de Téhéran, de nombreux Iraniens ont dit leur choc face au retour des sanctions économiques.« Les sanctions touchent le peuple, pas le régime », a affirmé une jeune femme. « Le premier sentiment que j’ai […], c’est qu’on ne peut plus rester vivre ici […], on est déjà tellement malheureux », a déclaré à l’AFP Katayoon Soltani, jeune Iranienne de 21 ans, déplorant que nombre de ses amis soient déjà « en train de partir » à l’étranger.
Farid Roshan Ghyassi, jeune réalisateur d’oeuvres télévisées, a dit être « très affecté » et craindre « les conséquences sur l’ensemble de l’économie du pays ». « Nous espérons que nos partenaires européens et nos dirigeants feront en sorte que les États-Unis soient isolés et qu’on limite les conséquences », a ajouté Touraj Tabatabaï, homme d’affaires d’une cinquantaine d’années.
Sans ambages, le général Mohammad Ali Jafari, chef des Gardiens de la révolution, l’armée d’élite de la République islamique, a lui salué la sortie des États-Unis de l’accord. « Il était clair dès le début que les États-Unis ne sont pas dignes de confiance », a-t-il argué, selon plusieurs agences. Dans une critique à peine voilée de la volonté de négocier annoncée par Hassan Rohani, Ali Jafari a dit espérer que ces tractations prendraient « fin le plus rapidement possible ». « Il est évident qu’entre les États-Unis et l’Iran, les Européens vont choisir les États-Unis […]. L’enrichissement d’uranium est un prétexte pour les États-Unis […]. La question principale est la capacité défensive et balistique ainsi que la puissance et l’influence de la Révolution islamique dans la région », a-t-il ajouté, prônant un « renforcement des capacités des forces armées ».
Les Européens vont « tout faire pour protéger les intérêts de (leurs) entreprises » en Iran et comptent mener « des négociations serrées » avec les États-Unis, au niveau de l'Union européenne, a indiqué, de son côté, l'Elysée, ce mercredi.
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